A l'encontre de l'idéalisme ascétique du Phédon qui fait du corps la prison de l'âme, existe une conviction partagée aussi bien par le poète que l'analyste, qui institue le corps comme le lieu où se déploie la subjectivité. Corps libidinal, corps qui se souvient à la manière de l'affirmation de Nietzsche clamant qu'il est un corps de part en part, rien hors cela et que l'âme n'est qu'un mot pour quelque chose qui appartient au corps. Le poète qui taille dans la matière verbale allie l'énergie de l'âme à l'énergie de la langue dans une saisie immédiate, venue de l'inconscient. Qu'ils soient sacrés ou profanes, composés ou improvisés, dans cet alliage entre sens et formes qui excède le langage ordinaire, le poème dit aussi bien le versant libidinal- narcissique que la désintrication et la pulsion de mort. Mais surtout, l'acte poétique exprime sur le champ ce qui se révèle, avant qu'il ne s'éteigne et disparaisse.
C'est aussi sur le vif que fuse l'interprétation analytique . L'acte poétique, comme celui de l'interprétation est indissociable de l'instant parce que le temps poétique comme celui de l'analyse est anachronique. C'est en écoutant l'hystérique, cette figure matricielle de la psychanalyse, que Freud découvre la vérité de l'inconscient et la puissance des mots. Or, ces mots qui surgissent, disait René Char, " savent de nous ce que nous ignorons d'eux ".
L'acte poétique manifeste un " déjà-là ", le révèle, le répète à l'infini établissant dans l'instant d'une émotion transmissible un lien avec le corps libidinal qui nous habite. Fondée en 1969 par Piera Aulagnier, la revue TOPIQUE est l'une des grandes revues de la psychanalyse. Son comité directeur , Sophie de Mijolla-Mellor et Jean-Paul Valabrega, ainsi que son comité de lecture sont les garants de la haute tenue des textes de cette revue.