Ces quinze dernières années, plus de 2 000 femmes ont été tuées par leur (ex-)conjoint en France.
En 2020, 35 % des victimes de féminicide conjugal avaient subi des violences antérieures. Une défunte sur cinq avait porté plainte.
Entre 2015 et 2016, 82 % des plaintes et mains courantes déposées par des victimes de féminicide ont été classées sans suite. (Source : ministère de la Justice.) Laurène Daycard a été l'une des toutes premières journalistes à écrire sur les féminicides conjugaux pour les faire sortir des rubriques « faits-divers » et les réinscrire dans le récit social et politique des violences sexistes. Dans cette enquête à la première personne, l'autrice nous emmène à la rencontre de survivantes et de familles endeuillées, mais aussi auprès des auteurs de ces actes. En observant et en échangeant avec ces derniers, Laurène Daycard tente d'aller à l'origine des féminicides et propose une réflexion personnelle sur la notion de réparation.
Élise à Brest, Alexia à Montbrison, Cécile à Compiègne ou encore Jill à Marseille : elles sont des milliers de jeunes femmes à dénoncer les violences sexistes, le harcèlement de rue et les remarques machistes qu'elles subissent au quotidien. La nuit, armées de feuilles blanches et de peinture noire, elles collent des messages de soutien aux victimes et des slogans contre les féminicides. Certaines sont féministes de longue date, d'autres n'ont jamais milité, mais toutes se révoltent contre ces violences qui ont trop souvent bouleversé leurs vies. Le sexisme est partout, elles aussi !
« Je vois dans la misandrie une porte de sortie. Une manière d'exister en dehors du passage clouté, une manière de dire non à chaque respiration. Détester les hommes, en tant que groupe social et souvent en tant qu'individus aussi, m'apporte beaucoup de joie - et pas seulement parce que je suis une vieille sorcière folle à chats.
Si on devenait toutes misandres, on pourrait former une grande et belle sarabande. On se rendrait compte (et ce serait peut-être un peu douloureux au début) qu'on n'a vraiment pas besoin des hommes. On pourrait, je crois, libérer un pouvoir insoupçonné : celui, en planant très loin au-dessus du regard des hommes et des exigences masculines, de nous révéler à nous-mêmes. »
Ce livre est un dialogue entre les deux parts de moi-même : celle que j'exprime publiquement par mon travail ; celle que j'ai toujours gardée pour moi et mes proches.
D'un côté, cet essai de sciences sociales fait la généalogie de MeToo. Trois révolutions du permis et de l'interdit sexuels ont jalonné l'histoire de nos sociétés : l'invention du rapt de séduction au XVIe siècle ; l'imposition d'un ordre matrimonial sécularisé en 1804 ; l'égalité de sexe à partir des années 1970.
D'un autre côté, ce livre est un récit à la première personne. En écrivant « Moi aussi » sur ma page Facebook dès 2017, j'ai pensé à ce qui m'était arrivé à l'âge de huit ans. Je prolonge ce témoignage par une réflexion sur ce que les sociologues taisent en général : la place du féminisme dans la recherche, la façon dont la vie bouscule nos enquêtes, les violences et les bonheurs qui attendent une femme lorsqu'elle ose prendre la parole.
Le mouvement MeToo n'a pas seulement mis au jour un immense continent de violences. Il invente aujourd'hui une nouvelle civilité sexuelle, portée par les valeurs de respect et d'émancipation.
I. T.
« Culture de l'inceste » ? C'est trop fort, trop violent ? Cette formule, adaptée de l'expression « culture du viol », elle-même définie dans les années 1970 par les féministes américaines, n'est pourtant pas une provocation. C'est une invitation à penser l'inceste en termes culturels et non individuels, à l'envisager non pas comme une exception pathologique, mais comme une pratique inscrite dans la norme qui la rend possible en la tolérant, voire en l'encourageant.
L'ampleur de la dévastation (une personne sur dix concernée en France) appelait ce livre urgent, vibrant, à vif parfois, qui rassemble des voix diverses, aussi bien militantes qu'universitaires. Un livre qui sort des témoignages et des débats psychanalytiques pour se concentrer sur une seule et unique question : pourquoi ? Quels sont les ressorts sociaux et anthropologiques de l'inceste ? Comment interroger nos représentations (dans la culture populaire, dans la pornographie) ? Comment faire le lien avec les dominations à l'oeuvre (des adultes sur les enfants, des hommes sur les femmes...) ? Avec la direction-coordination d'Iris Brey et de Juliet Drouar, les auteurices ont voulu proposer des pistes, créer des ouvertures, formuler des hypothèses : cet ouvrage offre l'amorce d'une réponse politisée et collective.
Je lis le mot d'« ensauvagement » à longueur de journée, de colonnes, de slogans. Alors je reviens à Césaire qui décrivait l'Europe coloniale suçant comme un vampire le sang, les terres, les biens et la dignité même, ravalant l'humanité au rang amer des bêtes de somme. Ensauvagement : ce mot n'est pas réservé au passé. Il peut désigner la prédation qui enrégimente le vivant dans la sombre loi du marché. Le capitalisme a toujours été ensauvagé : ses origines sont tachées de sang.
Le système Bolloré, c'est la logique d'un empire médiatique mis au service d'une pensée qui trouvera facilement d'autres pantins pour la représenter. Pour sortir du système B comme de la dystopie Z, il est grand temps de réinvestir la question de la gouvernance et de la propriété des médias - et de créer enfin des télés véritablement libres. De garantir les conditions de la survie d'une pensée libre. De mettre fin à l'OPA de quelques milliardaires sur l'ensemble du débat d'idées.
Quand Aya Cissoko était jeune, sa mère, Massiré Dansira, ne cessait de lui répéter : « Tu n'es pas l'enfant de rien ni de personne ! ».
Devenue mère à son tour, l'autrice entend ici rappeler à sa propre fille ses origines ; son enfant est en effet issue d'une double lignée à l'histoire violente et douloureuse, celle de guerriers bambaras du Mali qui ont affronté la colonisation, et de juifs ashkénazes déportés à Auschwitz. Comment calmer les brûlures de ces destins mêlés ? Il faut continuer à parler, dénoncer, lutter, ne pas cacher les difficultés de la condition noire, regarder en face les vexations subies par une mère vaillante dans un pays hostile. Il faut continuer à se battre et à interroger les hiérarchies sociales, montrer comment racisme et mépris de classe se mêlent dans une logique perverse. Parce qu'elle a compris que l'ascension sociale, si elle éloigne de la pauvreté, ne protège pas des préjugés, Aya Cissoko ne veut oublier ni les siens, ni d'où elle vient. Elle sait maintenant transformer en mots puissants et éruptifs, dans une ultime tentative de conciliation, une colère qui jaillit des tréfonds de son enfance.
« Je voulais faire de ce Manoir une maison de re^ve. Un lieu ou` travailler et aussi s'amuser, sans les proble`mes et les conflits du monde exte´rieur. A` l'inte´rieur, un ce´libataire avait le contro^le total de son environnement. Je pouvais passer de la nuit au jour, visionner un film a` minuit et commander a` di^ner a` midi, avoir des re´unions au milieu de la nuit et des rendez-vous galants l'apre`s-midi ».
Voici le projet de Hugh Hefner, le créateur du magazine Playboy et concepteur du fameux Manoir à l'intérieur duquel il va se confiner pendant plus de quarante ans. Publié pour la première fois en 1953, Playboy n'a pas seulement été le premier magazine érotique populaire des États-Unis ; il a également fini par incarner un style de vie entièrement nouveau, construisant une série d'espaces multimédia et utopiques : manoir, penthouse, clubs, hôtels... tous ultraconnectés, comme s'ils préfiguraient l'ère contemporaine de l'incessante émission-réception d'images et d'informations et d'une vie conçue pour se donner en spectacle. Simultanément, l'invention de la pilule contraceptive donne accès à une technique biochimique qui sépare la sexualité (hétéro) et la reproduction.
Là où on a pour habitude de ne voir que des femmes déguisées en lapin pour le plaisir des hommes, Paul B. Preciado étudie les relations stratégiques entre l'espace, le genre et la sexualité dans des sites liés à la production et à la consommation de pornographie hétérosexuelle restés en marge des histoires traditionnelles de l'architecture : garçonnières, lits rotatifs multimédias ou objets de design.
En combinant les perspectives historiques avec la théorie critique contemporaine, la philosophie de la technologie et un éventail de sources primaires transdisciplinaires - Sade, Ledoux, Restif de la Bretonne, Giedion ou Banham, traités sur la sexualité, manuels médicaux et pharmaceutiques, journaux d'architecture, magazines érotiques, manuels de construction et romans -, Pornotopia explore l'utilisation de l'architecture comme technique biopolitique pour gouverner les relations sexuelles et la production du genre pendant la guerre froide aux États-Unis, et raconte la genèse de la nouvelle masculinité hétérosexuelle des réseaux sociaux d'aujourd'hui.
Qu'y a-t-il de commun entre un T-shirt Dior à message féministe et une Barbie à l'effigie de Frida Kahlo ? Entre une pub pour du gel douche Dove ou des serviettes hygiéniques Always ? Entre deux multinationales qui affirment donner leur chance aux femmes dans leurs communiqués ...alors qu'elles sont poursuivies aux prud'hommes pour discriminations sexistes ? Tous pratiquent le « féminisme washing », ou son pendant publicitaire le « femvertising », et repeignent les marques aux couleurs du féminisme, sans questionner leurs engagements réels pour les femmes.
Grâce à une enquête journalistique fouillée qui confronte les usages militants aux productions et ressources humaines des entreprises, Léa Lejeune démontre comment elles cherchent à séduire - parfois à berner - la nouvelle génération féministe. Elle s'appuie sur des exemples concrets et sur la vulgarisation de travaux de recherche en économie. Et conclut son livre en donnant des pistes pour les femmes engagées qui souhaitent s'affranchir des discours mercantiles. Et des pistes pour les entreprises qui veulent corriger leurs mauvaises habitudes ?
« J'ai été bouleversée et inspirée par le courage de ces Saoudiennes, qui ont fui un pays où l'émancipation des femmes semble encore impossible. Les féministes du monde entier doivent entendre les voix de ces héroïnes en lutte contre le patriarcat le plus rigide. » Leila Slimani Un nombre grandissant de jeunes filles fuient chaque année l'Arabie saoudite dans l'espoir d'une vie meilleure. Hélène Coutard est partie à la rencontre d'une quinzaine d'entre elles, qui ont tout quitté - famille, travail et parfois enfants - pour échapper aux lois du tutorat saoudien. Malgré l'image moderne cultivée par le royaume, le pays continue en effet d'appliquer les principes d'un islam wahhabite rigoriste déniant toute liberté aux femmes.
À travers ses longs portraits de « fugitives », l'auteure décrit avec beaucoup de sensibilité le quotidien de ces vies volées ainsi que les stratégies étonnantes pour préparer, dans le plus grand secret, les départs. Un matin, faire comme si on partait tranquillement pour son cours d'anglais et demander au taxi de foncer vers l'aéroport.
Mais l'exil n'est pas toujours le refuge attendu ; à l'étranger, elles sont déracinées, avec la peur au ventre d'être retrouvées par des familles prêtes à tout pour laver l'affront, et par les services saoudiens furieux que ces jeunes femmes, en prenant la parole, ternissent l'image du royaume. Loin des clichés, des destins de femmes aux vies et aux personnalités parfois très différentes qui ont pourtant une chose en commun : elles ont toutes eu la force de fuir et de se réinventer.
Qui sommes-nous vraiment ? Qui pouvons-nous être ou devenir ? Sommes-nous véritablement libres de vivre notre désir dès lors que nous nous écartons d'une certaine norme ? N'a-t-il qu'une seule forme ou évolue-t-il au cours de notre existence - pour devenir plus profond, plus doux, plus radical ?
Philosophe et correspondante de guerre, l'auteur explore les ruses du désir, de ses premières manifestations adolescentes jusqu'aux abords des champs de bataille. Entre l'essai et le témoignage, ce récit se lit d'un seul souffle, comme le journal d'un désir sexuel et amoureux en formation. Carolin Emcke y relate comment elle a découvert son propre désir, qui n'est pas celui de « tout le monde ». Elle s'adresse à toutes celles et tous ceux qu'on prive de leur désir, et, par là, de leur dignité.
Un hymne à la liberté traversé par le tragique, où l'intime se mêle magistralement au politique.
Dans un manifeste publié dans Le Monde du 17 mars 2016, signé par 200 spécialistes, René Frydman, pionnier de la médecine procréative, assume « avoir aidé, accompagné certains couples ou femmes célibataires dans leur projet d'enfant dont la réalisation n'est pas possible en France ».D'une certaine manière, il admet avoir bousculé une législation désuète.
Dans ce livre, rédigé à la première personne, il nous dit pourquoi. Lanceur d'alertes en blouse blanche, il choisit ses combats. S'il tire aujourd'hui la sonnette d'alarme, c'est dans l'espoir de changer la législation française sur l'assistance médicale à la procréation, dont il dénonce les blocages et les incohérences. René Frydman se fait le porte-parole de gynécologues, biologistes, psychologues et obstétriciens : face au progrès de la connaissance scientifique et aux changements des modes de vie et des aspirations, le médecin doit-il, peut-il, rester spectateur, comme l'y engage la loi française ?
« Imaginez qu'un beau matin, au réveil, vous découvriez une France totalement différente de ce qu'elle est et de ce qu'elle a toujours été. Le président de la République ? Une femme. Le président de l'Assemblée nationale ? Une femme. Au Sénat, une présidente. Au gouvernement, un Premier ministre "Première" ministre... Et entourée de 90 % de ministres... femmes ! La Cour des comptes, le Conseil d'État, le conseil constitutionnel ? Tous présidés par des femmes. A l'Assemblée nationale, en 1997, 90 % de femmes députées. Même topo au Sénat, en bien pire... » A ce moment, sur ma droite, dans un murmure (masculin) : « Mais c'est un vrai cauchemar ! » Gisèle Halimi.
Ce miroir inversé donne à voir le cauchemar que vivent aujourd'hui les citoyennes. Pour y mettre fin, Gisèle Halimi, vingt ans après l'incontestable succès de La cause des femmes, lance un nouveau manifeste. L'égalité réelle pour toutes, c'est, en démocratie, la parité. Mordant, plein d'anecdotes vécues et d'éminents témoignages, ce livre plaide cette exigence.
« mais, prévient la célèbre avocate, femmes savantes et experts chevronnés s'abstenir... »