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En philosophie, l'analyse de la gestion des déchets se limite à une approche symbolique des rapports que nous entretenons avec eux, or, non seulement une telle approche occulte l'arrière-plan politique et social du problème mais elle ne fait pas de la gestion des déchets l'objet d'un questionnement sur le rapport entre l'humain et la nature, reléguant l'enjeu environnemental posé par les déchets au domaine technique. L'ouvrage se propose de dépasser la logique dualiste, selon laquelle il reviendrait aux techniciens de prendre en charge le traitement physique des déchets et aux philosophes de s'occuper de l'examen d'une signification symbolique. Pour cela, en s'appuyant sur une documentation pluridisciplinaire, l'auteure soumet la question des déchets à un examen philosophique portant sur ses enjeux sociaux, écologiques et politiques. Non que ces différents enjeux n'existaient pas auparavant, mais ils ont pu être occultés car la gestion des déchets a longtemps relevé d'une stricte question de sécurité collective, circonscrite essentiellement à son aspect sanitaire. Or, les déchets posent des problèmes nouveaux qui demandent à être explorés, analysés et débattus démocratiquement.
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Un serviteur qui venait l'hiver nous apporter en ville des oeufs frais de notre maison de campagne me raconta qu'il avait vu, au milieu du jardin, devant la maisonnette qui m'appartenait à moi toute seule, "un couple" désireux d'entrer, mais qu'il avait éconduit. Quand il revint la fois suivante, je lui demandai des nouvelles du couple, sans doute parce que l'idée qu'ils avaient dû depuis souffrir du froid et de la faim m'inquiétait : "Où ont-ils bien pu aller ? Eh bien, m'annonça-t-il, ils ne se sont pas éloignés.
Alors ils sont toujours devant la petite maison ? Eh bien, ce n'est pas cela non plus : ils se sont complètement transformés, ils sont devenus de plus en plus minces et petits ; ils se sont tant amenuisés qu'ils ont fini par s'effondrer complètement." Car, un matin qu'il balayait devant la maison, il n'avait plus trouvé que les boutons noirs du manteau blanc de la femme, et, de l'homme, il ne restait plus qu'un chapeau tout bosselé ; mais le sol à cet endroit était encore couvert de leurs larmes glacées.
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Nous ne saurions donner un sens à l'amour sans l'aide de la fiction, de récits qui façonnent des sentiments qui seraient sans cela trop envahissants, trop incohérents, trop insaisissables pour être apprivoisés. Car l'amour est une émotion complexe, aussi énigmatique qu'extatique, et qui recouvre tout un éventail d'émotions et de jugements moraux.
Puisant dans la poésie, le roman, les lettres, les mémoires et l'art en général, et avec l'aide de quantité d'illustrations, l'historienne Barbara H. Rosenwein explore les cinq grandes fictions qui ont construit notre imaginaire amoureux : l'accord parfait, l'extase transcendante, l'obligation, l'obsession et le désir insatiable. Chacune a une histoire longue et complexe, dont les effets se font encore sentir aujourd'hui dans l'idée occidentale de l'amour. Mais aucune ne nous dit la même chose sur ce que l'on peut attendre d'une relation amoureuse.
Si seulement il était possible de découvrir, enfouie sous ses différentes enveloppes, la « véritable » essence de l'amour ! Mais l'amour s'est constitué au fil du temps des mille fragments de la vie, réelle et rêvée, vécue et imaginée, et des fictions qu'il a oujours inspirées. En étudiant l'histoire de la manière dont les êtres humains ont aimé, soutient Rosenwein, nous serons mieux à même de naviguer sur l'océan tumultueux des passions, et peut-être de devenir les auteurs de celles qui nous éprendront. -
On a longtemps opposé rire et féminité. Faire rire était une prérogative des hommes.
Car le rire possède un pouvoir de subversion, et la société se méfie des rieuses.
Revanche des femmes à qui ont longtemps été refusées l'instruction, la parole et l'écriture, la conquête du rire leur offre un terrain de liberté. Mais le chemin a été long.
Jusqu'à une époque récente, au théâtre, au cirque, dans la littérature, on ne trouvait pas de professionnelle du rire. Le rire des femmes était tenu sous contrôle : la bienséance, les règles de la conversation et de la séduction, la morale leur interdisaient de se laisser aller à rire ou à faire rire.
C'est que l'esprit des femmes ne doit pas moins être couvert que leur corps : un coeur pur et un corps silencieux, telle est la vocation du féminin. Si la femme peut sourire, par attendrissement ou amusement, elle ne peut rire.
C'est à cette conquête du rire, à cette lente et délicate prise de pouvoir que s'attache ce livre, de l'Antiquité, avec Aristote et Aristophane, jusqu'aux one woman show de nos jours, qui s'autorisent à être indifféremment drôles, jolies, bêtes ou méchantes - au risque, peut-être, de banaliser ce qui avait longtemps été défendu.