«Qui s'intéresse à la Révolution française rencontre toujours, peu ou prou, l'ivresse que procure l'idée, ou l'espérance, d'une société régénérée et d'un homme neuf. Mais c'est pour découvrir l'ingéniosité mise par les hommes à résister à la refonte autoritaire de leurs vies. La Révolution, qui a fendu en deux l'histoire nationale, réserve le même sort à ses historiens. Fille de la Révolution, la République hérite de cette ambivalence. Tout ce Quarto raconte comment elle a dû composer avec les particularités religieuses, régionales et sociales, renoncer au modèle républicain pur, apporter des correctifs à l'esprit d'uniformité. Elle n'a pu se pérenniser en France qu'en se prêtant à ces accomodements. Aujourd'hui, la France que dessine ce livre semble se dérober à nos yeux. L'idée révolutionnaire a cessé de déterminer nos choix et nos affrontements. Et perdant ses ennemis, la République a perdu la ferveur militante que lui donnaient leurs anathèmes. L'école, hier dépositaire de l'identité nationale, est aujourd'hui l'objet d'un profond désarroi. Toutefois, il arrive à l'histoire de réanimer des enjeux engourdis, et l'apparition de menaces inédites peut redonner de l'éclat à des idées qui semblaient avoir perdu leur force inspiratrice. Et comme nous avons appris à quel point nos héritages conditionnent notre liberté, il n'est pas inutile de remettre nos pas dans les chemins buissonniers que, de Révolution en République, les Français ont dû emprunter.» Mona Ozouf.
«Être le secrétaire d'une sainte...», rêvait un grand connaisseur en nostalgies. Comme en réponse à ce soupir, une trouvaille d'archives nous est offerte : mais la surprise est ironique. Benedetta Carlini entre au couvent en 1599, à l'âge de neuf ans. Plus tard elle bénéficie de visions, de célestes faveurs, et elle lutte contre les agressions et les leurres du démon. Elle tâche d'asseoir, sur ces grâces hors ligne, une renommée et un pouvoir local. Ces visées embarrassent la hiérarchie. Elle sera convaincue d'imposture. Au surplus, les enquêteurs ecclésiastiques découvriront qu'elle a filé une liaison amoureuse avec une autre nonne. Sur l'homosexualité féminine de ce temps, vice inexploré, «péché muet», le document est de toute rareté. Ce n'est pas l'abbesse Carlini qui prêche dans la transe, c'est le Christ ou c'est l'ange, mais par sa voix d'actrice aux timbres changeants. De même ce n'est pas Benedetta qui étreint sa compagne, c'est encore son gardien Splenditello, un fort beau gamin d'ange qui se fixe à jamais dans la mémoire du lecteur comme agent supraterrestre de ce mystique ménage à trois. Judith C. Brown reconstruit comme un roman cette double aventure : l'échec d'une ambition de sainteté, la fougue charnelle d'un amour angélique.
Tous les fous, dit-on, se prennent pour Napoléon. Mais le délire d'identification à l'empereur se vérifie-t-il dans les registres des asiles et, si oui, que cela nous enseigne-t-il sur les rapports de l'Histoire et du trouble psychique ? C'est à partir de cette question qu'est née l'idée de ce livre, dont le sujet, très vite, s'est élargi à d'autres problématiques. Quel impact les événements historiques ont-ils sur la folie ? Peut-on évaluer le rôle d'une révolution ou d'un changement de régime dans l'évolution du discours de la déraison ? Quelles inquiétudes politiques les délires portent-ils en eux ? En somme : comment délire-t-on l'Histoire ? Pour le savoir, ou du moins y voir plus clair, il fallait remonter à la source et questionner la clinique, interroger les rapports entre la guillotine et la hantise de « perdre la tête », l'enjeu de la présence de Sade à Charenton, la supposée démence des révolutionnaires, la confusion entre la pétroleuse hystérique et l'opposante politique. Pendant trois ans, Laure Murat interrogé les archives. L'Homme qui se prenait pour Napoléon est le résultat de cette enquête.
«Après avoir édité quelque sept cents livres, je me suis résolu à m'éditer moi-même. Cet ouvrage-ci mêle autobiographie intellectuelle et portrait d'époque à travers les interventions, polémiques et prises de position que j'ai été amené à provoquer ou à soutenir depuis cinquante ans. C'est au croisement de mon activité d'éditeur d'une intelligentsia encore au sommet de son rayonnement mondial et d'historien de la France contemporaine et de sa mémoire nationale que je me suis retrouvé "historien public". Depuis "Archives", cette collection de poche qui mettait les bibliothèques dans la rue et les archives dans la poche, jusqu'à "Liberté pour l'histoire", qui défend l'indépendance du travail de l'esprit, en passant par la revue Le Débat et Les Lieux de mémoire, qui réconcilient l'histoire de pointe avec la mémoire collective, une même volonté se dégage de tant d'engagements sans rapport apparent : mettre l'histoire au coeur de la culture et de l'identité françaises.» Pierre Nora.
Le « scandale du collier » a fasciné mémorialistes, romanciers, dramaturges, essayistes, historiens et érudits. Goethe y vit l'événement qui « ruina les bases de l'État » et « détruisit la considération que le peuple avait pour la reine, et, généralement, pour les classes supérieures », voire la « préface » de la Révolution de 1789. Se basant sur l'étude des interrogatoires et des minutes du procès des protagonistes de l'« affaire », Benedetta Craveri retrace les étapes de ce complot contre Marie-Antoinette - « l'Autrichienne » honnie, alors la cible des pamphlets les plus virulents - et, à travers elle, contre la monarchie, ourdi par des aventuriers sans scrupule menés par l'intrigante comtesse de La Motte et servi malgré lui par un cardinal de Rohan prêt à tout - y compris à acquérir le collier le plus cher du monde - pour se gagner les faveurs de la reine. Cette chronique minutieuse débute avec l'arrestation du prélat, le 15 août 1785, et embrasse une époque où déjà la presse à scandale, par le biais de la calomnie et de la diffamation, est une arme politique.