Design, architecture, photographie... Il est impossible de restreindre le travail de Charlotte Perriand à un seul domaine d'expression. Au-delà d'une recherche esthétique, c'est une réflexion politique qu'elle développe dans l'ensemble de ses travaux en cherchant à rendre accessible au plus grand nombre un véritable art de vivre.Laure Adler livre ici le portrait d'une femme libre, engagée et visionnaire, illustré par de nombreuses photographies issues des archives de la créatrice.
La Fée-Cinéma est le récit autobiographique d'Alice Guy : première femme cinéaste du monde.Écrire vite. Raconter son enfance, d'abord : la jeune Alice est élevée entre le Chili, la Suisse et la France. Puis le pensionnat et la vie à Paris. Suivent des études de sténographie, avant qu'elle ne devienne en 1895 la secrétaire de Léon Gaumont au Comptoir général de Photographie. C'est à la suite de la première projection du cinématographe des frères Lumière qu'Alice a l'idée de tourner de courtes fictions pour soutenir la vente des caméras Gaumont. Déjà «mordue par le démon du cinéma», elle n'a qu'une obsession : raconter des histoires en réalisant ses propres films, dont le plus célèbre, La Fée aux choux, considéré comme le premier film de fiction...Longtemps effacée de l'Histoire, Alice Guy décrit ici avec précision les débuts du cinéma, la magie des accidents, des expérimentations et autres bouts de ficelle. Sans détour et sans romance, d'une écriture intime et urgente, elle dit la beauté du 7? art qu'elle a «aidé à mettre au monde» ; elle se réhabilite.Elle meurt en 1968 et ses Mémoires, pourtant achevés en 1953, ne seront publiés qu'en 1976.
L'oeuvre de Frida Kahlo (1907-1954) est peu abondante. Elle ne se compose que de cent quarante-trois peintures, de format généralement réduit, dont deux tiers d'autoportraits. Ce narcissisme frappant est en lien étroit avec sa biographie, avec son pays et son époque, avec ses dons naturels complètement excentriques. Il n'est pas étonnant que les grands «énigmatiques» du XVIe siècle, Jérôme Bosch et Bruegel l'Ancien, figurent parmi ses peintres de prédilection:Frida Kahlo ne montre jamais ses blessures directement, qu'elles soient corporelles - celles qui ont été provoquées par les accidents et les maladies - ou psychologiques. Sa langue symbolique est faite de clés subtiles; elle est riche de métaphores puisées au fonds de presque toutes les cultures du monde. Les mythes fondateurs aztèques, les mythologies extrême-orientales et antiques et les croyances populaires catholiques se mêlent au folklore mexicain et à la pensée de son époque, avec Marx et Freud. Exotiques et explosives, significatives et vitales dans leur discours artistique, les images de Frida Kahlo sont le miroir d'une âme complexe et souvent effrayante:«Ma vérité intérieure», avait-elle coutume de dire.
«Malgré les criantes inégalités des femmes entre elles à travers le monde, nous avons en commun le droit et le devoir de nous révolter contre ce qu'on nous fait subir, pour l'unique raison que nous sommes nées de sexe féminin.» En 2017, le mouvement #MeToo invitait à la libération de la parole des victimes de harcèlement sexuel. Des millions de femmes de tous pays avaient alors parlé d'une seule voix pour témoigner des abus qu'elles avaient pu subir. Aujourd'hui, quel bilan pouvons-nous tirer de cet épisode? Si notre société semble s'engager dans une nécessaire réflexion sur la condition féminine, avec pour horizon l'égalité entre les femmes et les hommes, le respect des droits de chacune est encore loin d'être garanti en France comme aux quatre coins du globe. Dans cet ouvrage préfacé par Laure Adler - spécialiste de l'histoire des femmes - et conçu en collaboration avec Amnesty International, 120 dessins de presse internationaux sélectionnés par Cartooning for Peace dressent un état des lieux de la situation des femmes à travers le monde. Tout en participant à la dénonciation des injonctions et des violences faites aux femmes, ils soutiennent les combats féministes et leurs enjeux déterminants.
«Cru. Parfois, sur la grille, seul un tableau respire, c'est Un atelier aux Batignolles de Fantin-Latour, et c'est fou de le voir ainsi, sans l'ennoblissement de la salle d'exposition, sans la mise en scène, l'éclairage, la distance, sans les voisins adéquats. La réalité de la toile y est plus puissante, sa surface plus présente, sa matière plus tangible. Comme si l'oeuvre était nue. Tout me paraît plus concret dans les réserves. Âpre et cru.»Maylis de KerangalInvités par le musée d'Orsay à revisiter ses collections, Maylis de Kerangal et Jean-Philippe Delhomme ont eu l'occasion d'arpenter les réserves de l'institution, lieu secret où sont conservées les oeuvres quand elles ne sont pas visibles du public.De leurs visites communes est né ce livre où les peintures de Jean-Philippe Delhomme font écho à un texte inédit de Maylis de Kerangal, témoignages de leurs impressions devant ces oeuvres en attente.
Camille Claudel est née le 8 décembre 1864, il y a cent cinquante ans. Cet anniversaire a suscité une ambitieuse exposition à La Piscine de Roubaix du 8 novembre 2014 au 8 février 2015. Cette artiste attachante, au destin tragique, méritait une nouvelle réflexion sur son oeuvre, dirigée par deux grands spécialistes auteurs de son catalogue raisonné : Bruno Gaudichon et Anne Rivière. Avec de prestigieux prêts, consentis par d'importantes collections publiques et privées, françaises et internationales et notamment grâce à un partenariat exceptionnel avec le musée Rodin et les musées de Nogent et Poitiers, l'exposition regroupe un ensemble remarquable d'oeuvres. Le parcours suit un chemin moins traditionnel que celui qui est généralement proposé. Les commissaires ont mis en évidence un certain nombre de points forts dans l'inspiration et le travail de Camille Claudel, qui rythment le déroulé en séquences thématiques et chronologiques. Le circuit dans l'oeuvre de Camille Claudel est accompagné par un second niveau, construit avec d'autres artistes qui, à la même époque, ont partagé les mêmes sujets, la même manière et les mêmes inspirations. Le japonisme, l'Art nouveau, le naturalisme, l'expression de la chorégraphie sont développés pour mieux situer Camille Claudel dans les grands enjeux esthétiques de sa génération. L'exposition réunit plus de cent cinquante oeuvres de Camille Claudel, de Rodin et d'artistes comme Alfred Boucher, Jules Desbois, Bernhard Hoetger, pour dresser un tableau le plus exhaustif possible de cette étonnante artiste, de son milieu et de son temps.
Entre 1780 et 1830, les artistes femmes accèdent en France à une visibilité inédite. Transformé par la Révolution française, l'espace de production artistique s'ouvre de manière inédite aux femmes. Sont ici présentées les oeuvres d'Élisabeth Vigée Le Brun, Adélaïde Labille-Guiard, Marguerite Gérard, Marie-Guillemine Benoist ou Constance Mayer, aux côtés de nombreuses autres plasticiennes célébrées en leur temps : Angélique Mongez, Henriette Lorimier, Pauline Auzou, Hortense Haudebourt-Lescot Adèle Romany, Joséphine Sarazin de Belmont etc. Les conditions de la pratique artistique pour les peintres femmes à cette époque, leur accès à la formation, leur insertion dans le milieu professionnel grâce aux réseaux de sociabilité, la réception critique et publique de leur présence aux Salons méritent d'être redécouverts pour que soit enfin réévalué le rôle, actif et déterminant qu'en tant qu'artistes elles ont tenu dans l'histoire de l'art de la Révolution à la Restauration. N'est-il pas temps de les voir en peintres puisque tel fut leur choix ?
Extraordinaire créatrice de bijoux, qui a travaillé pour Balenciaga, Schiaparelli, les Windsor ou Leonor Fini, parmi tant d'autres, Lina Baretti, disparue en 1994, ne s'adressa qu'à un cercle de happy few, ce qui contribua à son total effacement de la mémoire de la mode.
Stupéfiants d'invention et de beauté formelle, ses bijoux se distinguent par le choix résolu de matériaux « pauvres » - liège, mica, velours « sabrés », cannetille, perles - et par un esprit proche de celui de Fulco di Verdura ou de Jean Schlumberger.Les formes naturelles de son enfance en Corse - coquillages, élytres de scarabées, ancolies, pommes de pin, écailles de poissons - soutiennent son inspiration tout au long de son trajet, jusque dans les années 1970. Précises et fragiles, scintillantes et minutieuses, ces découpes de fines feuilles de métal aux surfaces chatoyantes ont la légèreté et la souplesse des vrilles de la vigne.
Première monographie consacrée à cette créatrice singulière, ce livre est une véritable révélation, rassemblant ses bijoux et parures les plus remarquables, en même temps qu'il offre un nouvel aperçu sur les cercles artistiques et mondains d'après-guerre.
Entre septembre et novembre 2014, Bettina Rheims, encouragée par Robert Badinter, photographie des femmes incarcérées au sein de quatre établissements pénitentiaires français. Cette série intitulée «Détenues» rassemble plus d'une soixantaine de portraits, reproduits dans cet ouvrage.
Ce travail photographique s'inscrit pleinement dans le cadre des recherches que mène Bettina Rheims depuis plus de trente-cinq ans en explorant de multiples angles et territoires, en questionnant les conventions et les a priori pour interroger la construction et la représentation de la féminité. Après avoir photographié ses modèles, célèbres ou inconnues, dans des lieux fermés, souvent exigus, Bettina Rheims a souhaité aller à la rencontre de femmes contraintes à vivre dans ces lieux de privation de liberté pour essayer de comprendre leur quotidien, de quelle manière elles imaginaient leur féminité loin des leurs, dans des conditions matérielles difficiles. Pour les séances de pose, chaque établissement a mis à disposition une pièce qui est devenue le temps du projet un studio improvisé. Chacune des modèles avec l'autorisation préalable de l'administration pénitentiaire et celle du juge d'application des peines, s'est présentée au studio. Pour se faire coiffer et maquiller si elle le désirait. Retrouvant ainsi un peu de cette estime de soi, bien souvent égarée dans ces lieux de détention où rien n'est fait pour elles. Le texte «Fragments» est une fiction construite à partir de souvenirs de ces rencontres. Le récit d'une attention davantage portée sur les émotions suscitées par ces femmes que sur des propos qui auraient été entendus.
Jacqueline Lamba est la jeune femme qui, une nuit de mai 1934, décide d'aller à la rencontre d'André Breton. Avec lui, elle flâne jusqu'aux premières lumières du matin dans un Paris enchanté. Quelques mois plus tard, elle devient sa femme, la mère d'Aube, unique enfant du poète. Breton dédie à Jacqueline ses oeuvres L'Amour fou, L'Air de l'eau, Fata Morgana.
Muse de l'écrivain et des photographes surréalistes, Jacqueline Lamba est surtout, et tout d'abord, une artiste d'un talent remarquable et d'une exceptionnelle sensibilité. Dans sa peinture se reflètent le courage et la passion d'une femme scandaleusement belle et rebelle qui a su se révolter contre les valeurs conservatrices de la société, en vivant toute sa vie dans l'art et pour l'art. Elle a été en contact avec les plus grands artistes et intellectuels du XXe siècle : Antonin Artaud, Claude Cahun, Marcel Duchamp, Max Ernst, Frida Kahlo, Dora Maar, Picasso, Diego Rivera, Jean-Paul Sartre, Trotski et beaucoup d'autres. Elle a vécu à une époque de grande effervescence artistique, littéraire, révolutionnaire. De Paris à New York, du Mexique à la Provence, de Marseille, où elle se réfugie à la villa Air-Bel avec d'autres intellectuels de l'Amérique du nord, où elle a fait plusieurs séjours avec son deuxième mari, le sculpteur américain David Hare. Jacqueline Lamba traverse des lieux et des moments fondamentaux de l'histoire. Protagoniste du passage du surréalisme à l'expressionnisme abstrait américain, son art, comme sa vie, est avant-gardiste, lyrique, provocateur, car comme elle l'écrit dans son Manifeste de peinture, Jacqueline Lamba a toujours vécu et peint « au nom de la liberté et de l'amour ».
Le récit de la fabrication du bouclier d'Achille par Héphaistos au chant XVIII de l'Iliade est un texte mystérieux et fascinant.
Le poète y présente le dieu forgeron créant de ses mains, pour figurer sur le bouclier, des hommes, des animaux, des végétaux et même des dieux, à la fois faits de métal et vivants, c'est-à-dire bougeant, agissant et parlant, dans des scènes de guerre et de paix, de vie urbaine et de vie agricole, le tout dans un cadre qui reproduit le cosmos tout entier. De l'Antiquité à nos jours, cet épisode de l'épopée n'a cessé de susciter l'ironie ou l'admiration et de faire naître débats et interrogations, si bien que le bouclier d'Achille apparaît comme l'une des inventions les plus fécondes de la littérature occidentale.
Pour les théoriciens antiques et leurs successeurs, les vers consacrés au bouclier formaient l'un des piliers de l'ut pictura poesis et fournissaient le modèle à la fois originel et accompli de l'ekphrasis (ou description "vivante") d'une oeuvre d'art. Aux XVIIIe et XIXe siècles - Vasari faisant figure de pionnier - le passage a été utilisé comme document pour l'histoire des arts et comme preuve de la précocité des artistes grecs dans l'imitation parfaite de la réalité, celle qui donne l'illusion de la vie.
En sens inverse, le bouclier a fait l'objet de diverses hypothèses de restitution où l'on voit la disposition des scènes et le style des figures évoluer avec la progressive redécouverte de l'art grec archaïque. Au XXe siècle, on a souvent vu dans l'épisode du bouclier un prétexte permettant au poète de délivrer à ses contemporains un message de sagesse et de pacifisme, fort utile aussi pour notre époque, tandis que certains critiques interprétaient sa fabrication comme une métaphore du chant poétique.
Et si le bouclier d'Achille n'était ni une oeuvre d'art extraordinaire - la première qui serait apparue dans la littérature - ni une pure construction verbale? S'il s'agissait d'un dispositif de magie protectrice? Avec Héphaistos le dieu-sorcier, l'Iliade mettrait alors en scène les très anciennes accointances de l'art et de la magie.
« Je n'ai jamais eu aucune ambition de devenir ou d'être une star de cinéma, mais la fascination que ce processus créatif opérait sur moi me donna l'envie de travailler et de travailler très dur pour plaire à Mr. von Sternberg. Ma légende m'a bien servie, et j'ose dire qu'elle a bien servi tous les autres cinéastes qui ont pris la suite après qu'il eut décidé que je devais continuer seule. »
Parmi les stars de cinéma, Marlene Dietrich (1901-1992) se singularise en ce qu'elle a intimement collaboré avec un metteur en scène de génie à l'élaboration de sa propre légende. Les sept chefs-d'oeuvre qu'elle tourna en cinq ans avec Josef von Sternberg constituent le fondement de sa gloire et restent la raison essentielle de la fascination qu'elle continue d'exercer. Sa personnalité puissante et entière s'affirma cependant dans d'autres domaines cruciaux de l'histoire du XXe siècle, comme la lutte contre le nazisme ou la libération des moeurs.
Guy Rosolato, Recension du corps Jean-Claude Lavie, Notre corps ou Le présent d'une illusion D.W. Winnicott, Le corps et le self Masud Khan, L'oeil entend Jean-Pierre Peter, Le corps du délit Pierre Fédida, L'anatomie dans la psychanalyse Pierre Bruno, Sur la formation des concepts freudiens de psychique/physiologique François Gantheret, Remarques sur la place et le statut du corps en psychanalyse René Zazzo, Du corps à l'âme Daniel Widlocher, L'économie du plaisir Didier Anzieu, Le corps et le code dans les contes de Borges Georg Groddeck, Du ventre humain et de son âme Roger Lewinter, Présentation de Du ventre humain et de son âme de Georg Groddeck
Connue pour ses positions pacifistes et féministes radicales, l'artiste américaine Nancy Spero (1926-2009), est, dans sa jeunesse, élève de l'Art Institute de Chicago, place forte de la peinture figurative.
Puis, elle vient à Paris, de 1949 à 1950, où elle étudie à l'Ecole nationale des beaux-arts. Mariée en 1951 avec le peintre Leon Golub - ils auront trois enfants -, elle revient vivre avec sa famille dans la capitale française de 1959 à 1964. A son retour aux Etats-Unis, Nancy Spero s'engage contre la guerre au Viêt Nam et traduit son horreur dans les War Paintings (1966-1970). Suivront les Artaud Paintinqs (1969-1970) puis la célèbre série des Codex Artaud (1971-1972), avec laquelle elle met en place le principe systématique de bandes de papier, verticales ou horizontales, dans la tradition des papyri égyptiens, des rouleaux chinois et des frises antiques.
A partir des années 1970, Nancy Spero met la femme au centre de son travail et représente désormais l'homme au sens large sous une apparence exclusivement féminine. Son travail prend alors une tournure radicalement féministe. Elle forge l'image d'une femme transgressant toute limite d'époque et de culture, libre, forte et intemporelle. Le Centre Pompidou organise, pour la première fois en France, une rétrospective consacrée à l'oeuvre de Nancy Spero en réunissant une soixantaine de dessins de l'artiste américaine, disparue l'année dernière à l'âge de 83 ans.
Aucune maladie n'a été plus porteuse d'iconographie que la folie.
Le mot lui-même a toujours été ambivalent, signifiant à la fois absence de sagesse et perte de la raison au sens médical du mot. Les artistes se sont engouffrés dans la brèche en jouant sur les deux tableaux. Des pures allégories de la folie comme La Nef des fous, on a cependant tôt fait d'arriver à des représentations où la pathologie a déjà sa place. C'est néanmoins avec la naissance de la psychiatrie, à l'orée du lux` siècle, que les images de la folie se multiplient : peintures édifiantes, types d'aliénés, scènes de la vie asilaire...
L'asile, voulu comme un instrument de guérison, se transforme en vision d'épouvante à travers les images-reportages de ses cours et de ses dortoirs, de ses médications et de ses appareils de contention. L'iconographie de la folie s'exprime aussi dans les représentations de maladies " vedettes " comme l'hystérie, dans le regard des artistes à diverses époques, dans les figurations d'une antipsychiatrie aussi ancienne que la psychiatrie elle-même.
Enfin, les fous eux-mêmes font oeuvre dans l'expression de l'art brut. Au total, ces images constituent une véritable histoire de la folie, d'une folie qui, rapidement débarrassée de ses oripeaux allégoriques, apparaît en dépit de la diversité de ses représentations comme ce qu'elle a été de tous temps : une maladie toujours aussi mystérieuse et encombrante pour la société.