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Soeurs : Pour une psychanalyse féministe
Silvia Lippi, Patrice Maniglier
- Le Seuil
- La Couleur Des Idées
- 29 Septembre 2023
- 9782021533323
4e Soeurs.
Devenir féministe n'est pas seulement un choix rationnel. C'est une réponse vitale à des traumatismes si profonds qu'ils se perdent dans la nuit de nos histoires singulières, comme #MeToo. Le féminisme ne serait pas si puissant s'il n'avait une signification inconsciente.
Pourtant la psychanalyse semblait n'en rien vouloir savoir. Ce livre rompt avec ce silence en introduisant le concept de sororité dans la clinique et la théorie psychanalytiques, en même temps qu'il plaide pour un féminisme qui ferait toute sa place à ses propres éléments pulsionnels, traumatiques, fous.
Il prend pour guide improbable dans cette entreprise une femme, lesbienne, schizophrène, criminelle : Valerie Solanas, qui imagine un monde à partir des seules relations entre femmes - un monde de soeurs. La sororité ne se limite pas aux relations entre des personnes déjà identifiées comme femmes, c'est un type de lien social dans lequel on communique directement à partir de nos traumatismes respectifs dans une forme fabriquée en commun, que ce livre appelle un « symptôme partagé ».
En jetant les bases d'une psychanalyse sororale, qui permet de penser autrement l'articulation de l'intime et du politique, du psychique et du social, de l'inconscient et du collectif, ce livre fait un pas décisif dans la direction d'un renversement de l'orientation patriarcale et hétérocentrée de la psychanalyse, dans une langue claire, impertinente et rigoureuse. Il parlera à toutes celles et ceux qui aspirent à penser, sentir et vivre au-delà des imaginaires de la domination masculine.
Silvia Lippi est psychanalyste, docteure en psychologie et psychologue hospitalière à l'établissement public de santé Barthélemy-Durand d'Étampes.
Patrice Maniglier est philosophe, maître de conférences à l'Université Paris-Nanterre. -
Traduction inédite et introduction de Jean-Pierre Lefebvre.Alors que, 70 ans après sa mort, les textes de Freud tombent dans le domaine public, les éditions du Seuil ont entrepris de retraduire les plus grands d'entre eux.
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Dire, entendre et juger l'inceste : Du Moyen Age à nos jours
Anne-emmanuelle Demartini, Julie Doyon, Léonore Le Caisne, Collectif
- Le Seuil
- 18 Octobre 2024
- 9782021528725
Les sociologues et les anthropologues des XIXe et XXe siècles considéraient l'inceste comme une alliance interdite dans la parenté. Aujourd'hui, l'enfance victime cristallise sa représentation : l'inceste est un crime qui renvoie à des formes de domination fondée sur le genre et sur l'âge.
Pour la première fois, cet ouvrage considère ensemble ces deux acceptions de l'inceste. La règle d'alliance et le crime y sont envisagés comme les deux facettes d'une réalité sociale changeante selon les contextes. Plutôt que de se concentrer sur l'occultation et le silence, ce livre porte sur les discours, les pratiques et les significations variables auxquelles l'inceste a donné lieu depuis que le christianisme médiéval en a formalisé l'interdit en Europe.
Quand et pour qui l'inceste est-il un péché, un crime, un viol, un trauma ? Comment, aujourd'hui, passe-t-on de sa suspicion à sa judiciarisation ? Comment en parle-t-on ? Que nous apprennent la clinique et l'expérience individuelle de la façon dont l'inceste est dit et intégré au cours d'une vie ?
À travers analyses, récits et témoignages, historien.nes, anthropologues, sociologues, spécialistes de littérature, artistes, clinicien. nes, psychanalystes, magistrat.es exposent les représentations, les pratiques et le traitement de l'inceste d'hier à aujourd'hui. -
Soi-même comme un roi ; essai sur les dérives identitaires
Elisabeth Roudinesco
- Le Seuil
- La Couleur Des Idees
- 4 Mars 2021
- 9782021480870
Le déboulonnage des statues au nom de la lutte contre le racisme déconcerte. La violence avec laquelle la détestation des hommes s'affiche au coeur du combat féministe interroge. Que s'est-il donc passé pour que les engagements émancipateurs d'autrefois, les luttes anticoloniales et féministes notamment, opèrent un tel repli sur soi ?
Le phénomène d'« assignation identitaire » monte en puissance depuis une vingtaine d'années, au point d'impliquer la société tout entière. En témoignent l'évolution de la notion de genre et les métamorphoses de l'idée de race. Dans les deux cas, des instruments de pensée d'une formidable richesse - issus des oeuvres de Sartre, Beauvoir, Lacan, Césaire, Said, Fanon, Foucault, Deleuze ou Derrida - ont été réinterprétés jusqu'à l'outrance afin de conforter les idéaux d'un nouveau conformisme dont on trouve la trace autant chez certains adeptes du transgenrisme queer que du côté des Indigènes de la République et autres mouvements immergés dans la quête d'une politique racisée.
Mais parallèlement, la notion d'identité nationale a fait retour dans le discours des polémistes de l'extrême droite française, habités par la terreur du « grand remplacement » de soi par une altérité diabolisée : le migrant, le musulman, mai 68, etc. Ce discours valorise ce que les identitaires de l'autre bord récusent : l'identité blanche, masculine, virile, colonialiste, occidentale.
Identité contre identité, donc.
Un point commun entre toutes ces dérives : l'essentialisation de la différence et de l'universel. Élisabeth Roudinesco propose, en conclusion, quelques pistes pour échapper à cet enfer.
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Désalienation, politique de la psychiatrie : Tosquelles, Fanon, Guattari, Foucault
Camille Robcis
- Le Seuil
- La Couleur Des Idees
- 16 Février 2024
- 9782021519556
Alors que le régime de Vichy laisse mourir les « fous » dans les asiles et que les fascismes prospèrent, se déploie à Saint-Alban (Lozère), autour de François Tosquelles, une expérience absolument originale, qu'on appelle psychothérapie institutionnelle : une pratique indissociablement clinique et politique forgée pour nous garder de toutes les forces « concentrationnaires », par nature aliénantes, et défendre la dimension humaine de la folie.
Ce livre passionnant retrace l'histoire intellectuelle du groupe de médecins, psychiatres et penseurs rassemblés dans ce projet par leur insatisfaction vis-à-vis de la psychiatrie dominante et leurs convictions politiques, de l'antifascisme à l'anticolonialisme. De façon très originale, il s'arrête sur quatre de ses figures essentielles : François Tosquelles, Frantz Fanon, Félix Guattari et Michel Foucault, pour explorer la conversation, pas toujours repérable, qui s'est développée entre eux. Il retrace aussi les expériences de ce champ qui n'a cessé de se réinventer, et montre les influences réciproques que celui-ci a tissées avec la psychanalyse, la sociologie, la philosophie, l'art...
En déterritorialisant la psychiatrie, la psychothérapie institutionnelle a montré la puissance de l'inconscient en politique, et ce livre stimulant éveille d'autres imaginaires dans ce domaine. -
Le séminaire livre XVIII ; d'un discours qui ne serait pas du semblant
Jacques Lacan
- Le Seuil
- Champ Freudien
- 31 Octobre 2007
- 9782020902199
Ceci est un livre sur l'écriture. Mais d'écrit, il y en a plus d'un.
Ce que l'on remarque d'abord, ce sont les caractères chinois qui parsèment plusieurs chapitres. Lacan préparait ainsi un voyage en Chine avec Barthes et Sollers. Il y renonça, pour une virée au Japon, dont on a ici le journal, conceptuel plutôt qu'anecdotique. Un autre mode d'écriture est encore sollicité : les formules logiques de la quantification, traduisant « tous », « aucun », « quelques-uns qui... », quelques-uns qui... ne ...pas ». Il en ressort que le « rapport sexuel », lui, n'est pas susceptible d'être écrit. Et il y a enfin les cris. « Un homme et une femme peuvent s'entendre. Ils peuvent s'entendre crier ». Un pessimisme joyeux imprègne cette sagesse, qui arrive toute fraîche de l'année 1970-1971. Elle pousse à conclure qu'il n'y a aucun discours qui ne prenne son départ d'un semblant porté à la fonction de maître-mot (« le signifiant-maître »).
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On trouvera ici un Lacan dans toute la verdeur de son premier enseignement, jubilant et prodigue de ses dons. Ce volume réunit trois textes des années 50, de la période la plus structuraliste de Lacan.
« Mythe individuel » : l'expression est pêchée dans Lévi-Strauss. Lacan met en oeuvre l'idée à propos des mémoires de Goethe, d'un épisode de jeunesse rapporté dans Poésie et vérité. Il en sort un « cas Goethe », au croisement des Cinq psychanalyses de Freud et de l'Anthropologie structurale de Lévi-Strauss. Autant ce premier texte est travaillé (ce fut une conférence au Collège de philosophie), autant le second est improvisé, dans le feu d'un Colloque de sociologie religieuse. Lacan, introduit comme le « chef » de la psychanalyse française, explique la notion de symbole, décrypte saint Jean de la Croix, et tourmente de façon bien divertissante le malheureux Mircea éliade. Enfin, vient une question de Lacan à Lévi-Strauss, avec une brève réponse de celui-ci (le cadre de l'échange est la Société française de philosophie). On trouvera ici un Lacan dans toute la verdeur de son premier enseignement, jubilant et prodigue de ses dons.
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Le séminaire Tome 19 ; ...ou pire
Jacques Lacan
- Le Seuil
- Champ Freudien
- 27 Octobre 2011
- 9782020971652
- Le Séminaire XIX fait couple avec le précédent, le Séminaire XVIII ( D'un discours qui ne serait pas du semblant, 2007) : même formalisation pour structurer le même rapport sexuel, qui n'existe pas dans l'espèce humaine. En fait, les hommes et les femmes sont comme deux races distinctes, ayant chacune son mode de jouir et sa façon d'aimer. Du côté femme, pas de limite : l'infini est là. Du côté homme, il y en a toujours au moins un qui dit non : une exception fonctionne, moyennant quoi il y a, corrélativement, un tout : il y a le " tous les hommes ", le règne de l'universel, l'univers de la règle, le respect de la loi, la solidarité des tous pareils, la révérence pour le chef (lui non châtré), la mise en ordre, en rangs, l'armée, " je ne veux voir qu'une seule tête ", l'uniforme et l'uniformité, la bureaucratie, ennui, obsession, " je suis maître de moi comme de l'univers ", dépression... Côté femme, le divin " pas-tout " : il n'y a pas " toutes les femmes ", elles se prennent une par une, elles s'énumèrent, " mille e tré ", chacune est Autre, aucune n'est toute, toutes sont folles (ne respectent rien), pas folles du tout (pas obnubilées par les semblants), l'Éternel Féminin n'attire nullement vers en-haut, mais vous plaque ici-bas, au service de sa jouissance, insituable, insatiable...Texte établi par Jacques-Alain Miller - Jacques Lacan (1901-1981) est une figure incontournable de la psychanalyse, qui a marqué le paysage intellectuel français et international. Son oeuvre, en grande partie constituée par son enseignement - le Séminaire -, est publiée aux Editions du Seuil.
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Texte établi par Jacques-Alain Miller.
Ce volume réunit deux conférences fameuses de Lacan qui encadrent les deux parties de son enseignement. Dans la première, prononcée en juin 1953 (peu avant son Rapport de Rome et le début de son Séminaire publié), il présente sa trinité « symbolique-réel-imaginaire » qui restera le fil directeur de sa réflexion jusqu'à sa mort. La seconde est la première et unique leçon du Séminaire Les-Noms-du-Père que Lacan renonça à donner en raison de son conflit avec l'association internationale de psychanalyse (IPA) en novembre 1963. Il commencera, à la place, en janvier 1964, le Séminaire sur Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse.
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Le seminaire livre xxiii, tome 23 - le sinthome (1975-1976)
Lacan Jacques
- Le Seuil
- Champ Freudien
- 18 Mars 2005
- 9782020796668
dix fois, un vieillard aux cheveux blancs paraît sur la scène.
dix fois souffle et soupire. dix fois dessine lentement d'étranges arabesques multicolores qui se nouent entre elles et aux méandres et volutes de sa parole tour à tour embarrassée et déliée. ils sont une foule à contempler médusés l'homme-énigme, et à recevoir l'ipse dixit en espérant une illumination
qui se fait attendre. non lucet, il ne fait pas clair là-dedans, et les théodore cherchent des allumettes.
pourtant, se disent-ils, cuicumque in sua arteperito credendum est, qui a prouvé être habile en son art mérite créance. a partir de quand quelqu'un est-il fou ? le maître lui-même pose la question. c'était jadis. c'étaient les mystères de paris il y a trente ans.
tel dante prenant la main de virgile pour s'avancer dans les cercles de l'enfer, lacan prenait celle de james joyce, l'illisible irlandais, et, à la suite de ce fluet commandeur des incroyants, entrait d'un pas lourd et trébuchant dans la zone incandescente où brûlent et se tordent femmes-symptômes et hommes-ravages.
une troupe équivoque l'assistait cahin-caha : son gendre ; un écrivain ébouriffé, alors jeune et tout aussi illisible ; deux mathématiciens dialoguant ; et un professeur lyonnais attestant le sérieux de toute l'affaire. quelque pasiphaé discrète s'employait derrière le rideau. riez, braves gens ! je vous en prie. moquez-vous ! notre illusion comique est là pour ça. ainsi ne saurez-vous rien de ce qui se déroule sous vos yeux écarquillés : la mise en question la plus méditée, la plus lucide, la plus intrépide, de l'art sans pareil que freud inventa, et que l'on connaît sous le pseudonyme de psychanalyse.
(jacques-alain miller)
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La Guerre des étoiles, Titanic, l'imaginaire des contes et légendes, le spectacle des cruautés humaines, le rêve, le comportement des animaux : Elisabeth Roudinesco mobilise bien des supports "concrets" pour permettre aux adolescents (et à leurs parents...) d'accéder à ce continent sans rivages ni localisation dans l'être humain : l'inconscient.Chemin faisant, et parce que l'intelligence de son jeune interlocuteur est stimulée dans son propre système de référence, on accède sans douleurs à la complexité du psychisme humain, où l'inconscient impose la vérité.Une grande réussite pédagogique.
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Le seminaire, livre v : les formations de l'inconscient
Jacques Lacan
- Le Seuil
- Champ Freudien
- 10 Juin 1998
- 9782020256681
Quand j'ai résolu d'aborder cette année devant vous la question du Witz ou du Wit, j'ai commencé un petite enquête. Il n'y a rien d'étonnant à ce que je l'aie commencée en interrogeant un poète. C'est un poète qui introduit dans sa prose comme aussi bien dans des formes plus poétiques, la dimension d'un esprit spécialement danseur qui habite son oeuvre, et qu'il fait jouer même quand il parle à l'occasion de mathématiques, car il est aussi un mathématicien. J'ai nommé ici Raymond Quencau. Alors que nous échangions là-dessus nos premiers propos, il m'a raconté une histoire. C'est une histoire d'examen, de baccalauréat si vous voulez. Il y a le candidat, il y a l'examinateur.
- Parlez-moi, dit l'examinateur, de la bataille de Marengo.
Le candidat s'arrête un instant, l'air rêveur - La bataille de Marengo...?
Des morts ! C'est affreux... Des blessés ! C'est épouvantable...
- Mais, dit l'examinateur, ne pourriez-vous me dire sur cette bataille quelque chose de plus particulier ?
Le candidat réfléchit un instant, puis répond - Un cheval dressé sur ses pattes de derrière, et qui hennissait.
L'examinateur surpris, veut le sonder un peu plus loin et lui dit - Monsieur dans ces conditions voulez-vous me parler de la bataille de Fontenoy ?
- La bataille de Fontenoy ?... Des morts ! Partout... Des blessés ! Tant et plus, une horreur...
L'examinateur intéressé, dit - Mais monsieur, pourriez-vous me dire quelque indication plus particulière sur cette bataille de Fontenoy ?
- Ouh ! dit le candidat, un cheval dressé sur ses pattes de derrière, et qui hennissait.
L'examinateur, pour manoeuvrer, demande au candidat de lui parler de la bataille de Trafalgar. Celui-ci répond - Des morts ! Un charnier... Des blessés ! Par centaines...
- Mais enfin monsieur, vous ne pouvez rien me dire de plus particulier sur cette bataille ?
- Un cheval...
- Pardon, monsieur, je dois vous faire observer que la bataille de Trafalgar est une bataille navale.
- Ouh ! Ouh ! dit le candidat, arrière cocotte !
La valeur de cette histoire est à mes yeux de permettre de décomposer, je crois, ce dont il s'agit dans le trait d'esprit.
(Extraits du chapitre VI)
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Le seminaire livre xvii, tome 17 - l'envers de la psychanalyse
Lacan Jacques
- Le Seuil
- Champ Freudien
- 6 Mars 1991
- 9782020130448
[on peut] trouver à justifier avec mes petits schémas, que l'étudiant n'est pas déplacé à se sentir frère, comme on dit, non pas avec le prolétariat, mais avec le sous-prolétariat.
Le prolétariat, il est comme la plèbe romaine - c'étaient des gens très distingués. la lutte de classe contient peut-être cette petite source d'erreur au départ, que ça ne se passe absolument pas sur le plan de la vraie dialectique du discours du maître - ça se place sur le plan de l'identification. senitius populusque romanus. ils sont du même côté. et tout l' empire, c'est les autres en plus.
Il s'agit de savoir pourquoi les étudiants se sentent avec les autres en plus.
Ils ne semblent pas du tout voir clairement comment en sortir.
Je voudrais leur faire remarquer qu'un point essentiel du système est la production - la production de la honte. cela se traduit - c'est l'impudence.
C'est pour cette raison que ce ne serait peut-être pas un très mauvais moyen que de ne pas aller dans ce sens-là.
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Ces murs sont ceux de la chapelle de Sainte-Anne. Invité à y prononcer des conférences, Lacan, 70 ans, y retrouve sa jeunesse d'interne en psychiatrie. Il s'amuse, improvise, se laisse aller. C'est du savoir qu'il parlera, annonce-t-il, et l'intention est polémique : les meilleurs de ses élèves, eux, captivés par l'idée que l'analyse fait le vide, ont levé le drapeau du non-savoir, emprunté à Georges Bataille. Non, dit Lacan, la psychanalyse procède du savoir, d'un savoir supposé, supérieurement organisé, qui est l'inconscient. On n'y accède que par deux voies : la vérité, d'abord (l'analysant s'efforce de dire tout ce qui lui passe par la tête), la jouissance, ensuite (l'analyste interprète toujours les dits de l'analysant en termes de libido ). Deux autres voies en barrent l'accès : l'ignorance (s'y adonner avec passion, c'est toujours consolider le savoir établi), et le pouvoir (passion de la puissance, d'où méconnaissance de ce que seul révèle l'acte manqué). Ce qu'enseigne la psychanalyse de plus précieux, c'est l'impuissance. Leçon de sagesse pour une époque, la nôtre, qui voit la bureaucratie, au bras de la science, rêver de changer l'homme dans ce qu'il a de plus profond, que ce soit par la propagande (les campagnes anti-tristesse), la manipulation directe du cerveau (NeuroSpin), ou la bio-technologie .
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Le seminaire livre x, tome 10 - l'angoisse (1962-1963)
Lacan Jacques
- Le Seuil
- Champ Freudien
- 9 Juin 2004
- 9782020638869
« L'angoisse ne semble pas être ce qui vous étouffe, j'entends comme psychanalystes. Et pourtant, ce n'est pas trop dire que ça devrait. » Le Séminaire, livre X, est consacré à l'angoisse et s'est tenu en 1962-1963. C'est, parmi les Séminaires de Lacan, l'un des plus importants (Lacan lui-même y voyait le « point de rendez-vous » de sa réflexion), l'un des plus attendus donc, et pas simplement chez les psychanalystes.
L'édition en a été assurée par Jacques-Alain Miller avec un souci appuyé de lisibilité.
Comment s'arrange-t-on avec l'angoisse ? L'un des Séminaires les plus fondamentaux de Lacan.
Comme pour les précédents volumes, l'édition est assurée par Jacques-Alain Miller, très médiatisé depuis quelques mois, et qui devrait lui-même accompagner cette parution par un livre (Bonheur à vendre) qui prolonge les analyses de Lacan sur l'angoisse.
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Pas-a-lire.
Définition lacanienne de l'écrit. quelque chose comme "chien méchant", ou "défense d'entrer ". voire : " lasciate ogni speranza ". disons que c'est un défi, fait pour tenter le désir. lacan résumait d'une phrase la leçon des ecrits : " l'inconscient relève du logique pur, autrement dit du signifiant". les autres écrits enseignent de la jouissance qu'elle aussi relève du signifiant, mais à son joint avec le vivant ; qu'elle se produit de "manipulations" non pas génétiques mais langagières, affectant le vivant qui parle, celui que la langue traumatise.
Il s'ensuit : que la jouissance, cynique comme telle, ne condescend au désir que par la voie de l'amour ; qu'elle fait obstacle à toute programmation du rapport sexuel ; que, féminine, elle répugne à l'universel et s'accorde à l'infini ; que, phallique, elle est "hors-corps" ; et autres théorèmes jusqu'alors inouïs dans la psychanalyse. on n'en trouvera pas le répondant dans le génome, dont le décryptage pourtant fait promesse, de noces nouvelles du signifiant et du vivant.
On pressent l'avènement du self-made-man. nous l'appellerons : lom du xxie siècle. ce recueil pourrait être son viatique. a le déchiffrer, on saura mieux y faire avec les symptômes inconnus de demain.
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Le seminaire. livre vii - l'ethique de la psychanalyse 1959-1960
Lacan Jacques
- Le Seuil
- 1 Septembre 1986
- 9782020091626
Il convient que nous nous arrêtions à ce défilé, à ce passage étroit oú freud lui-même s'arrête, et recule avec une horreur motivée.
Tu aimeras ton prochain comme toi-même, ce commandement lui paraît inhumain.
Ne peut-on dire que sade nous enseigne une tentative de découvrir les lois de l'espace du prochain comme tel ? - ce prochain en tant que le plus proche, que nous avons quelquefois, et ne serait-ce que pour l'acte de l'amour, à prendre dans nos bras. je ne parle pas ici d'un amour idéal, mais de l'acte de faire l'amour.
Nous savons très bien combien les images du moi peuvent contrarier notre propulsion dans cet espace.
De celui qui s'y avance dans un discours plus qu'atroce, n'avons-nous pas quelque chose à apprendre sur les lois de cet espace en tant que nous y leurre la captivation imaginaire par l'image du semblable ?.
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Le seminaire livre xvi, tome 16 - d'un autre a l'autre
Lacan Jacques
- Le Seuil
- Champ Freudien
- 2 Mars 2006
- 9782020827058
je lis sous la plume de sollers que claudel est d'abord pour lui celui qui a écrit : " le paradis est autour de nous à cette heure même avec toutes ses forêts attentives comme un grand orchestre invisiblement qui adore et qui supplie.
toute cette invention de l'univers avec ses notes vertigineusement dans l'abîme une par une où le prodige de nos dimensions est écrit. " eh bien, lacan est pour moi celui qui dit dans ce séminaire " l'enfer, ça nous connaît, c'est la vie de tous les jours. " c'est la même chose ? ah, je ne crois pas. ici, pas d'adoration, pas d'orchestre invisible, ni vertiges ni prodiges. commençons par la fin : lacan " évacué " de la rue d'ulm avec ses auditeurs, non sans résistance et tapage.
l'épisode défraya la chronique. qu'avait-il donc fait pour mériter ce sort ? s'adresser, non pas seulement aux psychanalystes, mais à une jeunesse encore grisée par les événements de mai, qui l'accepte pourtant comme un maître du discours dans le même temps où elle rêve de subvertir l'université. que leur avait-il dit ? que " révolution " veut dire revenir à la même place. que le savoir impose désormais sa loi au pouvoir, et qu'il est devenu immaîtrisable.
que la pensée est comme telle une censure. il leur parle de marx, mais aussi du pari de pascal, qui devient entre ses mains une nouvelle version de la dialectique du maître et de l'esclave, et aussi des fondements de la théorie des ensembles. on passe à une clinique de la perversion, aux modèles de l'hystérique et de l'obsessionnel. tout cela communique, scintille, captive. entre les lignes, se poursuit le dialogue de lacan avec lui-même sur le sujet de la jouissance, et le rapport de celle-ci avec la parole et le langage.
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Le seminaire. livre iii - les psychoses (1955-1956)
Lacan Jacques
- Le Seuil
- 1 Novembre 1981
- 9782020060264
Que peut vouloir dire être père ? Vous connaissez les discussions savantes dans lesquelles on entre aussitôt, ethnologiques ou autres, pour savoir si les sauvages qui disent que les femmes conçoivent quand elles sont placées à tel endroit ont bien la notion scientifique que les femmes deviennent fécondes quand elles ont dûment copulé. Ces interrogations sont tout de même apparues à plusieurs comme participant d'une niaiserie parfaite, car il est difficile de concevoir des animaux humains assez abrutis pour ne pas s'apercevoir que, quand on veut avoir des gosses, il faut copuler. La question n'est pas là. La question est que la sommation de ces faits - copuler avec une femme, qu'elle porte ensuite quelque chose pendant un certain temps dans son ventre, que ce produit finisse par être éjecté - n'aboutira jamais à constituer la notion de ce que c'est qu'être père, je parle simplement de ce que c'est qu'être père au sens de procréer.
J.L.
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chacune des trois conférences ici recueillies est une opération commando.
lacan se parachute devant des auditoires de rencontre. il a une heure pour leur dire qui il est et ce qu'il fait. il les rend sensibles au contraste suivant : l'inconscient est admis, n'épate plus personne, mais ce n'est que par un effet de propagande ; la psychanalyse, on s'y est habitués, mais comme à une mode thérapeutique, servie par des " boniments " qui la ramènent à du déjà connu. cependant, la psychanalyse introduit à une expérience sans pareille.
l'inconscient freudien est une nouveauté sans précédent. les faits ainsi révélés sont inassimilables aux évidences du sens commun comme aux présupposés de la philosophie. pris au sérieux, ils exigent de tout repenser à nouveaux frais. lacan s'y est attelé lui-même parce que ça s'est trouvé comme ça (anecdotes). sa méthode est de partir de ce que tout le monde sait. puis, insensiblement, astucieusement, comme en se jouant, il fait jaillir en cascade des concepts surprenants : une pensée qui ne se pense pas elle-même ; un inconscient qui est langage ; un langage qui est " sur le cerveau, comme une araignée " ; une sexualité qui " fait trou dans la vérité " ; un autre où cette vérité s'inaugure ; un désir qui en est issu, et ne s'en extrait qu'au prix d'une perte, toujours ; et l'idée que tous ces paradoxes répondent à une logique, distincte de ce que l'on appelle " le psychisme ".
jacques-alain miller.
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Le séminaire Tome 4 ; la relation d'objet (1956-1957)
Jacques Lacan
- Le Seuil
- Champ Freudien
- 2 Mars 1994
- 9782020147224
Cette mère inassouvie, insatisfaite, autour de laquelle se construit toute la montée de l'enfant dans le chemin du narcissisme, c'est quelqu'un de réel, elle est là, et comme tous les êtres inassouvis, elle cherche ce qu'elle va dévorer, quaerens quem devoret. Ce que l'enfant lui-même a trouvé autrefois pour écraser son inassouvissement symbolique, il le retrouve possiblement devant lui comme une gueule ouverte. [...] Voilà le grand danger que nous révèlent ses fantasmes, être dévoré. [...] il nous donne la forme essentielle sous laquelle se présente la phobie. Nous rencontrons cela dans les craintes du petit Hans. [...] Avec le support de ce que je viens de vous apporter aujourd'hui, vous verrez mieux les relations de la phobie et de la perversion. [...] J'irai jusqu'à dire que le cas du petit Hans, vous l'interpréterez mieux que Freud n'a pu le faire. (Extrait du chapitre XI) La castration, ce n'est pas pour rien qu'on s'est aperçu, de façon ténébreuse, qu'elle avait tout autant de rapport avec la mère qu'avec le père. La castration maternelle - nous le voyons dans la description de la situation primitive - implique pour l'enfant la possibilité de la dévoration et de la morsure. Il y a antériorité de la castration maternelle, et la castration paternelle en est un substitut. (Extrait du chapitre XXI) [Dans le cas du petit Hans,] la transformation qui s'avérera décisive [est] celle de la morsure en dévissage de la baignoire. D'ici à là, le rapport des personnages change du tout au tout. Ce n'est pas pareil, que de mordre goulûment la mère, appréhension de sa signification naturelle, voire de craindre en retour cette fameuse morsure qu'incarne le cheval - ou de dévisser la mère, de la déboulonner, de la mobiliser dans cette affaire, de faire qu'elle entre elle aussi dans l'ensemble du système, et, pour la première fois, comme un élément mobile et, du même coup, équivalent aux autres.
(Extrait du chapitre XXIII)
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Le seminaire. livre ii - le moi dans la theorie de freud et dans la technique de la psychanalyse (19
Lacan Jacques
- Le Seuil
- 1 Février 1978
- 9782020047272
J'ai trouvé à votre usage une très curieuse ordonnance de 1277. A ces époques de ténèbres et de foi, on était forcé de réprimer les gens qui, sur les bancs de l'école, en Sorbonne et ailleurs, blasphémaient ouvertement pendant la messe le nom de Jésus et de Marie. Vous ne faites plus ça. J'ai connu quant à moi des gens fort surréalistes qui se seraient fait pendre plutôt que de publier un poème blasphématoire contre la Vierge, parce qu'ils pensaient qu'il pourrait quand même leur en arriver quelque chose.
Les punitions les plus sévères étaient édictées contre ceux qui jouaient aux dés pendant le saint sacrifice. Ces choses me semblent suggérer l'existence d'une dimension d'efficace qui manque singulièrement à notre époque. Et ce n'est pas pour rien que je vous fais jouer au jeu de pair ou impair. (...) C'est avec le symbolisme, c'est de ce dé qui roule que surgit le désir. Je ne dis pas désir humain car, en fin de compte, l'homme qui joue avec le dé est captif du désir ainsi mis en jeu. Il ne sait pas l'origine de son désir, roulant avec le symbole écrit sur les six faces.
(Chapitres 17 et 18.)
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Le seminaire Tome 20 ; encore
Jacques Lacan, Jacques-Alain Miller
- Le Seuil
- Le Champ Freudien
- 1 Janvier 1975
- 9782020027694
Vous n'avez qu'à aller regarder à rome la statue du bernin pour comprendre tout de suite qu'elle jouit, sainte thérèse, ça ne fait pas de doute.
Et de quoi jouit-elle ? il est clair que le témoignage essentiel des mystiques c'est justement de dire qu'ils l'éprouvent, mais qu'ils n'en savent rien.
Ces jaculations mystiques, ce n'est ni du bavardage, ni du verbiage, c'est en somme ce qu'on peut lire de mieux. tout à fait en bas de page, note - y ajouter les ecrits de jacques lacan, parce que c'est du même ordre. ce qui se tentait à la fin du siècle dernier, au temps de freud, ce qu'ils cherchaient, toutes sortes de braves gens dans l'entourage de charcot et des autres, c'était de ramener la mystique à des affaires de foutre.
Si vous y regardez de près, ce n'est pas ça du tout. cette jouissance qu'on éprouve et dont on ne sait rien, n'est-ce pas ce qui nous met sur la voie de l'existence ? et pourquoi ne pas interpréter une face de l'autre, la face dieu, comme supportée par la jouissance féminine ?.
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Le seminaire. livre i - les ecrits techniques de freud (1953-1954)
Lacan Jacques
- Le Seuil
- 1 Janvier 1975
- 9782020027687
Le maître interrompt le silence par n'importe quoi, un sarcasme, un coup de pied.
C'est ainsi que procède dans la recherche du sens un maître bouddhiste, selon la technique zen, car il appartient aux élèves eux-mêmes de chercher la réponse à leurs propres questions. le maître n'enseigne pas ex cathedra une science toute faite, il apporte la réponse quand les élèves sont sur le point de la trouver.
Cet enseignement est un refus de tout système. il découvre une pensée en mouvement - prête néanmoins au système, car elle présente nécessairement une face dogmatique.
La pensée de freud est la plus perpétuellement ouverte à la révision. c'est une erreur de la réduire à des mots usés. chaque notion y possède sa vie propre. c'est ce qu'on appelle précisément la dialectique.