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Poésie
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Prière aux vivants pour leur pardonner d'être vivants, et autres poèmes
Charlotte Delbo
- Éditions de Minuit
- Minuit Double
- 7 Mars 2024
- 9782707355065
Si Charlotte Delbo n'a jamais publié de recueil de poèmes de son vivant, la poésie n'en est pas moins une préoccupation constante dans son oeuvre. Les premiers textes littéraires qu'elle fait paraître à son retour de déportation sont sept poèmes, publiés en revue un an à peine après son retour de déportation. Elle ne cessera plus dès lors d'écrire des poèmes qu'elle compile dans des cahiers et insère dans la plupart de ses livres. Le « langage de la poésie » sera toujours au coeur de sa réflexion littéraire, seul capable à ses yeux de « donner à voir et à sentir », seul à même de rendre vibrante « la vérité de la tragédie ». « Les poètes voient au-delà des choses », écrit-elle dans Mesure de nos jours.
Le présent volume se propose de revenir à cette pratique spécifique de la poésie. Il rassemble l'ensemble des poèmes qui jalonnent son oeuvre de 1946 à 1971, publiés ici selon leur ordre d'apparition dans les éditions originales. Nous les faisons suivre de dix poèmes inédits, pour la plupart non datés, issus de ses archives conservées à la BNF. Ils témoignent du pouvoir unique du langage pour résister à l'oppression et la barbarie la plus absolue. -
Tu ne sais plus qui tu es, qui tu as été, tu sais que tu as joué, tu ne sais plus ce que tu as joué, ce que tu joues, tu joues, tu sais que tu dois jouer, tu ne sais plus quoi, tu joues. Ni quels sont tes rôles, ni quels sont tes enfants vivants ou morts. Ni quels sont les lieux, les scènes, les capitales, les continents où tu as crié la passion des amants. Sauf que la salle a payé et qu'on lui doit le spectacle.
Tu es la comédienne de théâtre, la splendeur de l'âge du monde, son accomplissement, l'immensité de sa dernière délivrance.
Tu as tout oublié sauf Savannah, Savannah Bay.
Savannah Bay c'est toi.
-
L'or se couvre de rouille, l 'acier tombe en poussière, et le marbre s'effrite.
Tout est prêt pour la mort. ce qui résiste le mieux sur terre, c'est la tristesse, et ce qui restera, c'est la parole souveraine. anna akhmatova. en russie, à la fin des années trente, parmi les millions d'innocents arrêtés qui disparaissent dans les cachots et dans les camps, il y a le fils d'anna akhmatova, un des grands poètes russes du siècle. elle compose alors des poèmes qu'elle n'ose même pas confier au papier : des amis sûrs les apprennent par coeur et, pendant des années, se les récitent régulièrement pour ne pas les oublier.
En évoquant sa tragédie personnelle, akhmatova parle au nom de toutes les victimes, et aussi de toutes les femmes qui, comme elle, ont fait la queue pendant des semaines et des mois devant les prisons. ses vers " formés des pauvres mots recueillis sur leurs lèvres ", comptent parmi les plus poignants de la littérature russe. les dizaines de millions de voix étouffées et brisées qui, grâce à elle, traversent l'espace et le temps pour parvenir jusqu'à nous, résonneront encore longtemps dans la mémoire de la russie.