Soutiens-gorge rembourrés pour fillettes, obsession de la minceur, banalisation de la chirurgie esthétique, prescription insistante du port de la jupe comme symbole de libération : la " tyrannie du look " affirme aujourd'hui son emprise pour imposer la féminité la plus stéréotypée. Décortiquant presse féminine, discours publicitaires, blogs, séries télévisées, témoignages de mannequins et enquêtes sociologiques, Mona Chollet montre dans ce livre comment les industries du " complexe mode-beauté " travaillent à maintenir, sur un mode insidieux et séduisant, la logique sexiste au coeur de la sphère culturelle.
Sous le prétendu culte de la beauté prospère une haine de soi et de son corps, entretenue par le matraquage de normes inatteignables. Un processus d'autodévalorisation qui alimente une anxiété constante au sujet du physique en même temps qu'il condamne les femmes à ne pas savoir exister autrement que par la séduction, les enfermant dans un état de subordination permanente. En ce sens, la question du corps pourrait bien constituer la clé d'une avancée des droits des femmes sur tous les autres plans, de la lutte contre les violences à celle contre les inégalités au travail.
Le foyer, un lieu de repli frileux où l'on s'avachit devant la télévision en pyjama informe ? Sans doute. Mais aussi, dans une époque dure et désorientée, une base arrière où l'on peut se protéger, refaire ses forces, se souvenir de ses désirs. Dans l'ardeur que l'on met à se blottir chez soi ou à rêver de l'habitation idéale s'exprime ce qu'il nous reste de vitalité, de foi en l'avenir.
Ce livre voudrait montrer la sagesse des casaniers, injustement dénigrés. Mais il explore aussi la façon dont ce monde que l'on croyait fuir revient par la fenêtre. Difficultés à trouver un logement abordable, ou à profiter de son chez-soi dans l'état de « famine temporelle » qui nous caractérise. Ramifications passionnantes de la simple question : « Qui fait le ménage ? » ; persistance du modèle du bonheur familial, alors même que l'on rencontre des modes de vie bien plus inventifs...
Autant de préoccupations à la fois intimes et collectives, passées ici en revue comme on range et nettoie un intérieur empoussiéré : pour tenter d'y voir plus clair et de se sentir mieux.
On la dit laide, revêche, frigide, avare, aigrie, ennuyeuse et ennuyée. On l'imagine avec ses chats, ses pelotes de laine et sa solitude. Parce qu'elle n'a pas eu la chance de trouver un mari ou de faire des enfants, la vieille fille représente un échec. Elle est celle qui n'a pas joué ou qui a perdu au jeu de l'amour. Elle est ce que l'on ne souhaite pas aux jeunes filles de devenir, une image épouvantail.
Pourtant, la vieille fille a-t-elle vraiment un destin aussi peu enviable?? Lui a-t-on d'ailleurs demandé son avis?? Et si la vieille fille ne racontait finalement pas tant sa propre condition qu'elle ne tendait un miroir à celles qui ont eu la chance de ne pas connaître ce sort honteux?? Si elle était plutôt celle qui échappe aux carcans, à la surveillance, aux loyautés et aux alliances impossibles à défaire, à l'espace et au temps constamment partagés??
Journaliste, Marie Kock est aussi ce qu'on appelle une « vieille fille ». Mêlant récit personnel, pop culture et études sociologiques, Vieille fille formule une hypothèse : qu'il est possible d'inventer d'autres manières de vivre, pour soi et avec les autres, de trouver l'amour ailleurs, autrement. D'avoir, simplement, envie d'autre chose.
Depuis septembre 2022 des femmes et des hommes, souvent jeunes, se sont engagés en Iran dans un travail de conquête politique et d'ouverture des possibles qui nous remue à un endroit précis : celui de la possibilité, toujours, du soulèvement. Voici la chronique à distance d'une révolte qui s'est installée dans la durée avec surprise, audace et incertitude. Ce long automne insurrectionnel convoque aussi d'autres séquences de l'histoire iranienne, se trouve éclairé par d'autres mouvements, d'autres mémoires de luttes et de violences. Une histoire longue du pouvoir et de la résistance, que Chowra Makaremi connaît par son passé familial, par ses recherches également, en tant qu'anthropologue attentive aux contre-archives et aux émotions collectives.
L'autrice donne aux événements une profondeur de champ qui permet d'en identifier les genèses multiples, et de saisir le basculement révolutionnaire irréfutable qu'ils représentent. Elle compose une archive à la lumière orange des feux de rue, devenus le symbole d'une révolte qui se vit comme une combustion de colère, une profanation, une contagion.
À quoi renvoie le « Q » qui complète désormais le plus souvent les quatre lettres du traditionnel sigle LGBT ? « Queer » : est-ce une identité de genre ? une orientation sexuelle ? un mouvement politique ? une théorie académique ?
Alors que l'on voit depuis quelques années le terme « queer » fleurir sur les pancartes lors des Marches des fiertés et se multiplier dans les ouvrages théoriques portant sur le genre et la sexualité ou encore dans les mots des activistes féministes, cet ouvrage entend aider les lecteurs et lectrices à y voir plus clair dans ce vaste champ des études et mouvements queers. Politiques des identités, rôles de genre, privilèges, exclusion, performance, normativité, liens entre sexualité, identité de genre, race et classe, influence de la pop culture...Queer Theory, une histoire graphique revient sur les concepts clés, les penseurs et penseuses les plus importantes - souvent peu connues du lectorat francophone -, les débats emblématiques et les événements historiques qui ont participé à l'émergence et la construction de la théorie queer.
Engagé et drôle, ce livre à mi-chemin entre l'essai et la bande dessinée est un portrait unique de l'univers de la pensée queer, depuis sa naissance jusqu'à ses développements les plus actuels.
FéminiSpunk est une fabulation à la Fi? Brindacier, qui raconte l'histoire, souterraine et infectieuse, des petites ?lles ayant choisi d'être pirates plutôt que de devenir des dames bien élevées. Désirantes indésirables, nous sommes des passeuses de contrebande. Telle est notre ?ction politique, le récit qui permet à l'émeute intérieure de transformer le monde en terrain de jeu. Aux logiques de pouvoir, nous opposons le rapport de forces. À la cooptation, nous préférons la contagion. Aux identités, nous répondons par des af?nités. Entre une désexualisation militante et une pansexualité des azimuts, ici, on appelle " ?lle " toute personne qui dynamite les catégories de l'étalon universel : meuf, queer, butch, trans, queen, drag, fem, witch, sista, freak... Ici, rien n'est vrai, mais tout est possible. Contre la mascarade féministe blanche néolibérale, FéminiSpunk mise sur la porosité des imaginaires, la complicité des intersections, et fabule une théorie du pied de nez. Irrécupérables !
Nous manquons, aujourd'hui en Europe, d'un projet écologiste capable de résister aux politiques d'étouffement, dans un monde de plus en plus irrespirable.
D'un projet initié dans les quartiers populaires, qui y articulerait en?n l'ancrage dans la terre et la liberté de circuler.
D'un projet dont le regard serait tourné vers l'Afrique et qui viserait à établir un large front internationaliste contre le réchauffement climatique et la destruction du vivant. D'un projet qui ferait de la Méditerranée un espace autonome et un point de ralliement des mutineries du Nord comme du Sud.
D'un projet se donnant comme horizon à la fois la libération des terres, la libération animale et l'égale dignité humaine, fondamentalement liées.
D'un projet assumant la sécession face à des forces d'extrême droite toujours plus menaçantes.
D'un projet permettant de prendre le large en quête du One Piece, le fameux trésor du manga éponyme, devenu symbole, dans les quartiers populaires, de la soif de liberté qui y gronde.
D'un projet qui se mettrait à hauteur d'enfants et chercherait leur bien-être et leur libération.
Ce projet, c'est celui de l' écologie pirate.
Dans cet essai désormais classique pour les recherches féministes, les études genre, les études gaies et lesbiennes, et fondateur de la théorie queer, Judith Butler cherche à identifier les tactiques, locales, pour subvertir l'hétérosexualité obligatoire en exploitant les failles de ce régime politique. En jetant le trouble dans nos catégories fondamentales de pensée et d'action, elle explore une voie nouvelle où la subversion des normes hétérosexuelles peut devenir une façon de dénaturaliser ces mêmes normes, de résister au pouvoir pour, finalement, ouvrir le champ des vies possibles.
Fêtes d'anniversaire de millionnaires, mégayachts sur la Côte d'Azur, bouteilles de champagne à 40000 dollars... C'est à la découverte du circuit mondial des boîtes de nuit de luxe et des soirées de la jet-set - de New York à Saint-Tropez - que nous convie Ashley Mears, ancienne mannequin devenue sociologue, dans un récit unique fondé sur une longue enquête en immersion.
Elle dévoile, dans une perspective féministe, le travail des promoteurs de club chargés de recruter, dans la rue ou à la sortie des agences de mannequins, des jeunes femmes vouées à agrémenter par leur présence les soirées des very important people. Elles le font sans autre rémunération que les plaisirs passagers de la fête et du luxe, dans l'espoir d'accéder à des opportunités exceptionnelles. De leur côté, les clients fortunés, en exhibant des corps féminins haut de gamme et en faisant couler à flots un champagne hors de prix, se livrent à des joutes symboliques pour affirmer leur statut. Beauté, prestige, richesse et ambitions - largement illusoires - se mesurent et s'échangent ainsi lors de ces soirées VIP.
Dans un style vivant et incarné, l'autrice explore les coulisses de cet univers de la jet-set internationale pour mieux en déconstruire les fondements : l'exploitation des corps de belles jeunes femmes recrutées pour des hommes fortunés, la sexualisation des rapports sociaux, le gaspillage ostentatoire de l'argent comme rituel de domination, les logiques de don et contre-don chez les ultra-riches... Une expérience de lecture étourdissante, à l'heure où les inégalités atteignent des sommets.
Dans tous les pays du monde, à toutes les époques, des femmes ont été tuées parce qu'elles étaient des femmes.
L'historienne Christelle Taraud réunit dans ce livre les meilleures spécialistes mondiales de la question, des oeuvres d'artistes et d'écrivaines, des témoignages et des archives... pour comprendre le continuum de violences qui s'exerce contre les femmes depuis la préhistoire.
Un ouvrage essentiel et inédit, autant scientifique que politique.
Avec les contributions de Gita Aravamudan, Claudine Cohen, Silvia Federici, Rosa-Linda Fregoso, Elisa von Joeden-Forgey, Dalenda Larguèche, Patrizia Romito, Rita Laura Segato, Aminata Dramane Traoré et plus d'une centaine d'autres autrices et auteurs.
En 1685, le Code noir défendait aux esclaves de porter aucune arme offensive ni de gros bâtons sous peine de fouet. Au XIXe siècle, en Algérie, l'État colonial interdisait les armes aux indigènes, tout en accordant aux colons le droit de s'armer. Aujourd'hui, certaines vies comptent si peu que l'on peut tirer dans le dos d'un adolescent noir au prétexte qu'il était menaçant .
Une ligne de partage oppose historiquement les corps dignes d'être défendus à ceux qui, désarmés ou rendus indéfendables, sont laissés sans défense. Ce désarmement organisé des subalternes pose directement, pour tout élan de libération, la question du recours à la violence pour sa propre défense.
Des résistances esclaves au ju-jitsu des suffragistes, de l'insurrection du ghetto de Varsovie aux Black Panthers ou aux patrouilles queer, Elsa Dorlin retrace une généalogie de l'autodéfense politique. Sous l'histoire officielle de la légitime défense affleurent des éthiques martiales de soi , pratiques ensevelies où le fait de se défendre en attaquant apparaît comme la condition de possibilité de sa survie comme de son devenir politique. Cette histoire de la violence éclaire la définition même de la subjectivité moderne, telle qu'elle est pensée dans et par les politiques de sécurité contemporaines, et implique une relecture critique de la philosophie politique, où Hobbes et Locke côtoient Frantz Fanon, Michel Foucault, Malcolm X, June Jordan ou Judith Butler.
On sait que le capitalisme au XXIe siècle est synonyme d'inégalités grandissantes entre les classes sociales. Ce que l'on sait moins, c'est que l'inégalité de richesse entre les hommes et les femmes augmente aussi, malgré des droits formellement égaux et la croyance selon laquelle, en accédant au marché du travail, les femmes auraient gagné leur autonomie. Pour comprendre pourquoi, il faut regarder ce qui se passe dans les familles, qui accumulent et transmettent le capital économique a?n de consolider leur position sociale d'une génération à la suivante. Fruit de vingt ans de recherches, ce livre analyse comment la société de classes se reproduit grâce à l'appropriation masculine du capital. Les autrices enquêtent sur les calculs, les partages et les con?its qui ont lieu au moment des séparations conjugales et des héritages, avec le concours des professions du droit. Des mères isolées du mouvement des Gilets jaunes au divorce de Jeff Bezos et MacKenzie Scott, des transmissions de petites entreprises à l'héritage de Johnny Hallyday, les mécanismes de contrôle et de distribution du capital varient selon les classes sociales, mais aboutissent toujours à la dépossession des femmes.
Écoféminisme : le mot, longtemps peu connu en France, suscite désormais un grand intérêt. Il fait également l'objet de critiques. Des féministes s'inquiètent d'un amalgame des femmes et de la nature, et du risque d'essentialisme qu'il comporte. Des écologistes ne voient pas pourquoi les femmes seraient plus portées à s'occuper d'une écologie qui est l'affaire de tous.
On peut parler d'écoféminisme là où se rencontrent luttes écologiques et luttes des femmes, un peu partout dans le monde. Ces mouvements sont tellement divers qu'il est impossible de leur attribuer une doctrine unique. Mais ils ne sont pas le fruit du hasard : ils répondent à la double oppression qui frappe les femmes et la nature. Enquêter sur ces mouvements conduit à étudier le cadre culturel et historique de cette double oppression. Les trois domaines concernés sont la nature, le social et la politique. Faire d'une association positive des femmes à la nature un objet de revendication et de lutte politique est au coeur de toutes les formes d'écoféminisme.
Depuis quelques années, les entreprises semblent enfin s'attaquer aux discriminations envers les femmes. Les inégalités femmes/hommes seraient en effet responsables d'un manque à gagner abyssal pour l'économie, et les entreprises dont les conseils d'administration ou les comités de direction s'ouvrent davantage aux femmes seraient plus performantes. Il faut donc agir, et vite !
De grandes dirigeantes du monde des affaires ou de la politique expriment ainsi publiquement un engagement féministe, tandis que les multinationales comme les start-up s'affichent en pionnières de cette lutte en proposant formations à l'empowerment destinées aux femmes, marketing reprenant slogans et symboles féministes, communication axée sur la conciliation entre vie professionnelle et vie privée, ou encore politiques dites de diversité...
Ce nouveau féminisme qui emprunte au marché sa logique et son vocabulaire est celui offert par le capitalisme néolibéral aux femmes aspirant à " briser le plafond de verre ". Mais cette égalité qui vise avant tout à nous rendre plus compétitives et à nous mettre en concurrence est-elle désirable ? En abordant le féminisme sous l'angle du développement personnel ou de la logique entrepreneuriale, ne risquons-nous pas d'en affaiblir sa capacité à révolutionner la société ? Face à la tentative de récupération de nos souhaits d'égalité et d'émancipation, cet essai tente de hacker l'algorithme du féminisme néolibéral.
À l'heure de l'urgence climatique, les ultra-riches ont mauvaise presse. Des trajets Paris-Londres en jets privés de Bernard Arnault au tourisme spatial de Jeff Bezos, les modes de vie carbonifères des élites économiques sont de plus en plus pointés du doigt. Les actions symboliques, les rapports et les articles de presse se multiplient pour dénoncer leur escapisme. À l'image de ces milliardaires qui, en pleine crise Covid, envoyaient des selfies depuis leurs ranchs en Patagonie ou leurs îles privées aux Caraïbes, les ultra-riches sont accusés de fuir leurs responsabilités.
Or, loin d'être des observateurs passifs et détachés ou des preppers haut de gamme, les élites économiques sont des acteurs clés du débat climatique international. Elles sont les promoteurs acharnés du capitalisme vert, un projet politique taillé sur mesure et qui garantit leurs intérêts de classe dans un monde en surchauffe.
Ce livre est le premier à en exposer non pas uniquement les mots d'ordre (qui sont déjà assez connus), mais les ressorts, et en particulier les réseaux d'acteurs (ONG, fondations, think-tanks, cabinets de conseil et autres lobbyistes) qui, au cours des vingt dernières années, ont imposé le capitalisme vert - et les élites qui le soutiennent - comme unique issue réaliste face à la crise climatique en cours.
Derrière les façades de luxueux immeubles parisiens, les immenses grilles de châteaux, les baies vitrées de vastes villas de la Côte d'Azur, se cache un personnel invisible mais présent quotidiennement au service des grandes fortunes. Gouvernantes, majordomes, femmes de chambre et de ménage, lingères, nannies, cuisiniers ou chauffeurs travaillent du matin au soir, et souvent la nuit, pour satisfaire les besoins et désirs des millionnaires qui les emploient à leur domicile.
En s'appuyant sur une enquête immersive de plusieurs années, ce livre lève le voile sur les relations quotidiennes entre ceux qui servent et ceux qui sont servis. Ce faisant, il éclaire les ressorts d'une cohabitation socialement improbable, faite de domination et de résistances. Elle-même prise dans ces relations, en travaillant un temps comme domestique, Alizée Delpierre montre comment une certaine exploitation dorée peut faire rêver des femmes et des hommes qui y voient une réelle opportunité d'ascension sociale. Du côté des grandes fortunes, déléguer toutes les tâches ingrates demeure essentiel pour consolider leur pouvoir et jouir à plein de leur capital. Elles sont prêtes à tout pour fidéliser leurs domestiques et conserver ce privilège de classe, pour le meilleur comme pour le pire.
L'idéologie libérale règne désormais sans partage. Elle triomphe au nom d'une liberté dont les apôtres du système ont inversé le sens, depuis que sont tombées, avec la chute du mur de Berlin, les illusions des doctrines " libératrices ". Pourtant, partout dans le monde, l'espoir d'une émancipation enfouie sous les discours idéologiques se réveille aujourd'hui. Comment interpréter ce paradoxe ? De quels possibles cet espoir est-il porteur ? Répondre à ces questions implique de revenir sur l'histoire longue afin de comprendre comment le sens actif du mot " liberté " s'est trouvé effacé par les idéologues.
C'est ce qu'entreprend Michèle Riot-Sarcey dans ce livre. Poursuivant l'enquête du Procès de la liberté (2016), où elle avait montré le bâillonnement du principe espérance au XIXe siècle, elle démonte l'ensemble des dispositifs d'entrave au pouvoir d'agir des individus au XXe siècle. De l'affaire Dreyfus à Mai 68, du mouvement ouvrier américain à la constitution des Internationales et la confiscation des expériences ouvrières par les avant-gardes, de l'insurrection espagnole en 1936 à la mise en ordre de la pensée structurale, de la catastrophe d'Hiroshima aux luttes anticoloniales, l'historienne analyse les processus par lesquels le sujet libre, à chaque moment décisif, s'est trouvé effacé au profit de visions totalisantes.
Mais l'idée authentique régulièrement se ranime et fait retour dans les lieux les plus inattendus. En analysant le fonctionnement d'une élaboration théorique figée, ce livre donnera des arguments aux lecteurs décidés à faire usage d'une liberté critique menacée. Il contribuera ainsi à rendre le réel de l'utopie plus vivant que jamais.
Par quel étrange paradoxe le contrat social, censé instituer la liberté et l'égalité civiles, a-t-il maintenu les femmes dans un état de subordination ? Pourquoi, dans le nouvel ordre social, celles-ci n'ont-elles pas accédé, en même temps que les hommes, à la condition d'« individus » émancipés ?
Les théories du contrat social, héritées de Locke et de Rousseau, et renouvelées depuis Rawls, ne peuvent ignorer les enjeux de justice que soulève le genre. Carole Pateman montre, dans cet ouvrage désormais classique, que le passage de l'ordre ancien du statut à une société moderne du contrat ne marque en rien la ?n du patriarcat. La philosophe met ainsi au jour l'envers refoulé du contrat social : le « contrat sexuel », qui, via le partage entre sphère privée et sphère publique, fonde la liberté des hommes sur la domination des femmes. Il s'agit là moins d'exploitation que de subordination, comme le démontre l'autrice en analysant le contrat de mariage, mais aussi l'ensemble des contrats touchant à la propriété de la per-sonne, de la prostitution à la maternité de substitution, jusqu'à l'esclavage et au salariat. Ainsi s'engage, à partir du féminisme, une critique de la philosophie politique libérale dans son principe même : pour Carole Pateman, un ordre social libre ne peut en aucun cas être de type contractuel.
La vie moderne est une constante accélération. Jamais auparavant les moyens permettant de gagner du temps n'avaient atteint pareil niveau de développement, grâce aux technologies de production et de communication ; pourtant, jamais l'impression de manquer de temps n'a été si répandue. Dans toutes les sociétés occidentales, les individus souffrent toujours plus du manque de temps et ont le sentiment de devoir courir toujours plus vite, non pas pour atteindre un objectif mais simplement pour rester sur place. Ce livre examine les causes et les effets des processus d'accélération propres à la modernité et élabore une théorie critique de la temporalité dans la modernité tardive.
Ne nous libérez pas, on s'en charge est né d'une rencontre, celle de trois historiennes qui, depuis 2013, ont animé un séminaire à l'EHESS sur la sociohistoire des féminismes. Trois regards, trois générations, trois parcours différents pour une volonté commune d'offrir un récit renouvelé de l'histoire des féminismes en France.
Motivées par la demande des étudiantes et étudiants pour des éléments historiques accessibles, les autrices répondent à des interrogations qui donnent à réfléchir aux perspectives politiques d'aujourd'hui. Comment les féminismes ont-ils émergé ? Quels liens entretiennent-ils avec les mobilisations de femmes révolutionnaires et l'anti-esclavagisme ? Doit-on parler de « féminisme bourgeois » ? Y a-t-il eu des féminismes noirs ? Les féministes étaient-elles toutes colonialistes ? Existe-t-il des féminismes religieux ? Comment s'articulent le mouvement gay lesbien trans (LGBTQI +) et les mouvements féministes ? Le féminisme institutionnel est-il réactionnaire ? Qu'est-ce que le genre fait aux féminismes ? Que révèle #MeToo sur la construction des femmes comme sujets politiques ? Qu'il y a-t-il de nouveau dans le féminisme d'aujourd'hui ? Comment les féminismes s'articulent-ils avec l'histoire impériale de la France et s'insèrent-ils dans des circulations transnationales ?
Le récit se divise en quatre parties qui correspondent aux principales scansions entre la Révolution française et les premières décennies du XXIe siècle. Ce livre entend fournir quelques clés indispensables pour penser les féminismes d'hier et d'aujourd'hui à la lumière des grands défis contemporains, des inégalités sociales, raciales et de genre. Réinterroger l'histoire des féminismes revient ainsi à s'inscrire dans une volonté de renouveau d'une histoire qui cesserait d'ignorer celles et ceux qui ont pensé et agi pour l'égalité et la liberté des rapports de genre.
En 1989, Didier Lestrade, avec Pascal Loubet et Luc Coulavin, crée Act Up-Paris, sur le modèle d'Act Up-New York. Il raconte ici dix années durant lesquelles l'association de lutte contre le sida a construit et porté un discours politique à travers des campagnes de communication choc, terriblement ef?caces. Il décrit comment Act Up a réussi à rendre visibles les séropositifs et la communauté gay, à pointer le cynisme de l'industrie pharmaceutique, tout en s'impliquant dans l'élaboration des traitements. Ce sont des formes de militantisme inédites que l'association a inventées, devenues depuis des modèles pour nombre de mobilisations.
L'auteur propose un récit intime d'un combat collectif mené contre la maladie, la mort et l'inaction de l'État. Ce texte, riche d'une mémoire puissante et empreint d'espoir, est d'une actualité brûlante. Alors qu'en ce début des années 2020, près de trente-huit millions de personnes vivent encore avec le VIH dans le monde et que les campagnes de dépistage sont limitées, la voix d'Act Up-Paris retrouve toute sa force.
Dès l'instant où je suis née, j'ai porté sur moi les marques évidentes du handicap. Ma relégation aux marges de la société s'est alors installée irrémédiablement et il semblait naturel que mon existence se déroule en bas de la hiérarchie des vies humaines.
Mais ce destin tragique n'a rien de naturel : il est écrit par une société qui érige des normes à coups de mesures légales et d'examens médicaux et exclut certains corps, certaines vies. Aller à l'école, travailler, se loger, tomber amoureuse, se déplacer, militer, élever des enfants... Toutes les activités qui font de nous des êtres sociaux sont très difficilement acces-sibles aux personnes handicapées. Plus que nos corps et nos esprits, ce sont les structures sociales qui entravent nos vies. Dans cet essai autobiographique, je retrace cette histoire de violences et de discriminations dont j'ai hérité et décrypte le système idéologique qui les soutient : le validisme. Mais je raconte aussi que nous, les personnes handicapées, pouvons nous réapproprier cette histoire et faire de nos identités des outils de lutte pour l'émancipation et des sources de fierté.
À l'heure où les travaux de jeunes chercheuses et chercheurs se multiplient, où l'avortement fait toujours l'objet de violentes controverses dans de nombreux pays, l'ambition de cet ouvrage est de rendre compte de l'important corpus de connaissances produites sur le sujet et de déconstruire les nombreuses idées reçues sur l'interruption de grossesse.
Comment s'est construit en France le droit à l'avortement ? Qu'en est-il de l'accès à cet acte de santé en droit et en pratique aujourd'hui ? Comment expliquer la stabilité du nombre annuel d'IVG alors que des dispositifs contraceptifs efficaces sont accessibles et massivement employés ? Pourquoi l'avortement continue d'être stigmatisé alors qu'il est d'une grande banalité statistique ? Quels rapports de pouvoir entre classes de sexe se nouent autour de cet acte ? Quelle est la place des revendications liées à l'avortement dans le renouveau contemporain des mouvements féministes ?
Voici quelques-unes des questions auxquelles ce livre apporte des éléments de réponse, exposant les résultats d'enquêtes empiriques et la matérialité des enjeux liés à l'avortement, dont les débats s'éloignent bien souvent.
La psychanalyse a-t-elle encore des choses à dire ? À une époque où les études de genre, les analyses de Foucault et les mouvements LGBTQI+ ont inventé d'autres perspectives en matière de genre et de sexualité, comment peut-on encore parler de l'Oedipe, de l' envie de pénis , de la différence des sexes ? Près de cent cinquante ans après son invention par Freud, soixante-dix ans après sa relecture par Lacan, la psychanalyse peut-elle prendre en compte les évolutions sociales sans être dénaturée ?
Certains psychanalystes s'érigent en experts de la vie psychique , en détenteurs des normes sexuelles et sociales : ils considèrent l'homoparentalité, la PMA ou la transidentité comme des symptômes du règne de la toute-puissance de l'individu. Selon eux, Foucault, Butler, Bourcier, Preciado ne comprennent rien à leur discipline et, pire, la dé?gurent.
Pourtant, Freud puis Lacan ont eu à coeur de laisser la psychanalyse ouverte à la réinvention : elle est un champ et une pratique traversés par les sciences, la culture et les mouvements de chaque époque. Si elle souhaite se réinventer et renouer avec ses origines subversives, la psychanalyse pourrait aujourd'hui dialoguer avec les théories féministes, les études queers et les mouvements trans, et se laisser instruire par d'autres expériences érotiques et politiques. C'est en redevenant une théorie critique et inventive, à l'affût des nouveaux savoirs et pratiques, que la psychanalyse peut renouer avec l'émancipation.