Cet essai est le procès d'une absence, celle de la gauche, reléguée au second plan dans la presse depuis 2017. L'autrice analyse la façon dont le débat public a été verrouillé par les médias dominants, qui ont reboublé d'efforts pour bipolariser les champs politique et journalistique autour des figures d'Emmauel Macron, de Marine Le Pen et de leurs thématiques sécuritaires et économiques. Basé sur une documentation précise, ce livre retrace l'effondrement intellectuel du « journalisme politique », qui a perdu tant en substance qu'en consistance, laissant le storytelling remplacer l'information. L'autrice aborde notamment le traitement des différents projets de réformes par les chefs-lieux éditoriaux, souvent transformés en SAV du gouvernement... S'appuyant sur l'émergence de la comm' comme cadre politique et journalistique, Pauline Perrenot dévoile le monopole absolu de la pensée libérale dans les médias et l'imbrication de la profession avec le monde patronal. Un président créé de toutes pièces par les médias, la croisière journalistique de l'extrême droite, une kabbale réactionnaire qui ponctue les séquences des chaînes d'information... drôle d'état que celui de la presse dans l'Hexagone. Pauline Perrenot s'appuie sur le traitement des thèmes qui ont « fait » l'actualité : maintien de l'ordre, sondages, loi sécurité globale, gilets jaunes, violences policières, émergence de Zemmour. Pour que la disparition de la gauche ne passe plus inaperçu.
Militants écologistes, Gilets jaunes, féministes, ONG... beaucoup cherchent aujourd'hui des solutions en dehors de l'État plutôt que dans l'action publique. Comment en est-on arrivé là ? L'État-providence a-t-il cédé la place à un État au service du marché ?Anne-Laure Delatte est partie à la recherche de données sur l'action publique en France depuis l'après-guerre. En les croisant et les mettant en perspective, elle éclaire avec brio soixante-dix ans d'histoire économique. Elle aborde de manière originale comment les politiques publiques ont été réparties entre les citoyens et les entreprises. Complémentaire aux travaux sur la justice fiscale et les inégalités du capital, cette approche permet de comprendre les conséquences d'une telle distribution de l'argent public sur notre régime de croissance et explique son insoutenabilité.En pratiquant l'économie comme une science sociale, l'autrice analyse la méfiance des citoyens face à un État incapable d'oeuvrer pour un régime respectueux de notre planète et inadapté aux changements qui s'opèrent sous nos yeux. Surtout, elle propose des moyens de rebâtir l'action publique dès à présent pour affronter la crise la plus existentielle de notre histoire.
D'où vient l'idée d'abolir la police et que recouvre-t-elle au juste? Si la police ne nous protège pas, à quoi sert-elle? 1312 raisons d'abolir la police tente de répondre à ces questions, et propose de riches réflexions critiques sur les liens entre l'abolitionnisme pénal et la race, le handicap ou le travail sexuel notamment. L'ouvrage porte également sur les mobilisations contemporaines pour l'abolition de la police en Amérique du Nord, en retraçant leur généalogie et en explorant leurs propositions stratégiques, leurs expériences et les débats qui les traversent. Les textes rassemblés dans cette anthologie commentée brossent un portrait vif et puissant du mouvement pour l'abolition de la police, dans toutes ses nuances et hors des clichés réducteurs. Comprend également les contributions de Philippe Néméh-Nombré, Robyn Maynard, Kristian Williams, Free Lands Free Peoples, Yannick Marhsall, Rémy-Paulin Twahirwa, Mad Resistance, Adore Goldman, Melina May, Alex S. Vitale, Cameron Rasmussen, Kirk « Jae » James, Dylan Rodriguez, George S. Rigakos, Mark Neocleous, Brendan McQuade, Kevin Walby et Tasasha Henderson.
Le féminisme n'a jamais cessé d'insister sur l'importance du récit intime. Croisant histoires familiales, théories politiques et faits historiques, Irene tire ici de la vie d'Hilaria, son aïeule, des armes pour outiller les mouvements féministes contemporains. Hilaria est une femme du prolétariat basque, veuve, qui élève seule ses enfants. Le tragique et le chaos de leur existence dans les années 1930 n'auront jamais raison de leur joie de vivre et de leur soif de construire un monde désirable. Ils sont une inspiration pour notre temps, où les fascismes sont à nouveau aux portes du pouvoir en Europe. Puisque la démocratisation d'un féminisme réformiste et libéral ne nous sera d'aucun secours, c'est au féminisme d'Hilaria qu'il importe de revenir, un féminisme populaire qui se dit tout à la fois anarchiste, antifasciste, anticapitaliste et anticarcéral.
Dans cette introduction claire et engagée, Hourya Bentouhami propose une relecture vivifiante de l'oeuvre de Judith Butler. Jusqu'à présent, les lecteurs français ont eu tendance à séparer ses écrits théoriques fondateurs sur le genre, les identités et le langage de ses interventions jugées plus directement politiques sur le 11 septembre, Israël-Palestine, Guantanamo, le Printemps arabe ou Occupy Wall Street... Butler se serait détournée de la réflexion sur le queer pour s'attacher à des objets plus classiques, mettant en jeu les formes de constitution du peuple. Mais, surtout, on tend à ignorer le dialogue qu'elle entretient avec les principales figures des théories postcoloniales et critiques de la race. Or, selon Hourya Bentouhami, ces séparations ne tiennent pas. Les élaborations théoriques de Butler attestent du nouage complexe entre sexe, genre, race et nation. Les discours de la différence sexuelle et de la différence raciale sont articulées et ont une généalogie étroitement entrelacée : impossible dès lors de déconstruire l'un sans déconstruire l'autre.
Dans cet ouvrage, l'initiatrice de la théorie queer montre que le corps est l'instance à partir de laquelle il est possible de penser la constitution d'identités sexuelles qui déjouent les normes de genre ordonnées à l'opposition entre masculin et féminin. Comment une sujet se forme-t-il ? Selon Judith Butler, ce processus de formation est toujours le produit paradoxal d'un assujettissement à la norme. Et ce paradoxe est constitutif de la vie psychique du pouvoir, au sens où, en tant qu'il est éprouvé psychiquement, il explique l'attachement viscéral à soi-même - autrement dit, à sa propre subordination. D'où la nécessité d'analyser avec minutie les mécanismes d'un tel assujettissement et ses résultats contrastés.
Dans cet ouvrage, qui a fait l'objet aux États-Unis d'une réception importante à sa parution, Kathryn Belle analyse la position problématique, pour ne pas dire choquante, que Hannah Arendt a défendue sur ce qu'elle appelle elle-même la « question noire », en particulier dans ses « Réflexions sur Little Rock ». Cet article d'Arendt a suscité une vive polémique dès sa parution en 1959, celle-ci s'opposant au fameux arrêt Brown de la Cour suprême qui avait mis fin à la ségrégation dans l'enseignement public. Ce faisant, Arendt manifeste à l'évidence une profonde incompréhension de la lutte des Noirs américains pour leur émancipation. Kathryn Belle montre que le conservatisme d'Arendt s'explique non seulement par ses préjugés à l'endroit des Africains et des Afro-américains, mais aussi par certaines distinctions au coeur de sa théorie politique, notamment celle entre le social, le politique et le privé : tandis que pour Arendt la sphère politique se caractérise en principe par l'égalité entre les citoyens, la sphère sociale, dont relèvent selon elle les établissements scolaires, implique un droit de discriminer, c'est-à-dire de fréquenter et d'exclure les personnes de son choix, qui ne saurait être limité par la loi. Par ailleurs, les thèses d'Arendt sur la violence sont reconsidérées à l'aune de sa tendance à discréditer la violence des opprimés plutôt que celle des oppresseurs, aussi bien dans le contexte de la lutte contre le racisme et la ségrégation que dans celui de la décolonisation.
L'écoféminisme est une philosophie, une éthique et un mouvement né de la conjonction des deux « surgissements du monde moderne » que sont l'écologie et le féminisme. Ce nouveau concept opère la synthèse entre l'idée d'une double exploitation : celle de la nature par l'homme et celle de la femme par l'homme.
Dans cet ouvrage initialement paru en 1978, mais d'une actualité brûlante, l'auteure remet radicalement en question la notion de croissance, économique et démographique, dénonçant le capitalisme comme stade ultime du patriarcat.
La surpopulation et l'épuisement des ressources illustrent l'« illimitisme » caractéristique de ce qu'elle nomme le « système mâle », et elle est l'une des premières à affirmer qu'il faut préserver ce qui reste encore de l'environnement, sous peine de mort. Dans ce combat universel, les femmes, fortes de leur longue expérience d'exploitation, ont un rôle déterminant à jouer.
Nostalgie. Algérie. Jérémiades. C'est par ces trois mots, regroupés en Nostalgériades que s'ouvre le nouveau livre de Fatiha Agag-Boudjahlat, alternant l'essai politique et le récit autobiographique. Décrivant les naïves croyances des collégiens auxquels elle enseigne chaque jour (« Au bled, ça coûte rien », « Seul Allah guérit »), et la difficulté qu'éprouvent les professeurs à enseigner la colonisation, la guerre d'Algérie ou la Shoah, la cofondatrice du mouvement Viv(r)e la République décrypte la condition féminine, en France comme dans les pays de culture musulmane. Rêvant d'un MeToo mondial, elle affirme dans sa splendide conclusion que si la condition féminine est un malheur, alors « il ne faut pas renoncer à ce malheur ».
Sans langue de bois, sans naïveté et sans ressentiment, voici le nouvel essai flamboyant d'une femme puissante appelé à provoquer le débat.
Il n'est pas exagéré de dire qu'en France, la laïcité instituée par la loi de 1905 n'est pas un long fleuve tranquille. On croit le débat apaisé, terminé même, et de nouveau il rebondit, souvent là où on ne l'attendait pas. Comment expliquer tant de conflits, de malentendus, de haines parfois ? Sans quitter le terrain du débat social, Jean Baubérot propose une lecture d'historien et de sociologue pour comprendre l'origine d'une « passion française », puis ses rebondissements au cours d'un siècle, et enfin ses querelles qui ne sont toujours pas vidées. N'en déplaise à ceux qui voudraient en faire une idée éternelle, une statue figée dans le marbre de la loi de 1905, il montre en particulier que l'objet « laïcité » est une réalité vivante, complexe, toujours recommencé, en proie aux contradictions de l'histoire et peut-être même à l'usure du temps. Dès le départ, le « camp laïc » était divisé sur l'interprétation et la portée de la loi, et ce ne sera pas sans conséquences. A-ton ensuite assez tenu compte des droits de l'homme ? La laïcité ne s'est-elle pas elle-même laïcisée en cours de route ? N'est-elle pas atteinte, comme les religions, par l'individualisme de notre époque ? Ce sont au moins des questions qu'on doit poser. Mais essoufflement ne signifie pas fin. Au contraire, une prise en compte des questions nouvelles pourrait renforcer l'universalité de cette « exception française ».
Le livre de Baubérot contient beaucoup d'informations historiques, sociologiques, culturelles, et à ce titre il est très intéressant. Ce n'est pas un livre d'histoire de la laïcité. Il traite plutôt certaines périodes charnières.
L'auteur fait partir de ceux qui souhaitent « réformer » la laïcité française, et il débat, par conséquent, tout au long du livre, avec les tenants d'une sorte de forme pure de laïcité, qui serait la seule solution possible pour régler le problème des religions dans l'État.