Folio
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«Je suis un cobaye volontaire, je rengaine mon envie de mettre mon tablier au mur et je recommence à brosser. Là, je me demande comment cela doit se passer pour mes soeurs qui n'ont nulle part où se réfugier en cas de révolte, qui sont obligées de rester nuit et jour en compagnie de telles bonnes femmes parce qu'elles ont un voyage à rembourser !» En 1962, Françoise Ega se fait embaucher comme femme de ménage au sein d'une famille de la bourgeoisie marseillaise. Cette dactylographe farouchement indépendante aurait pu choisir une autre voie. Mais elle veut vérifier de ses propres yeux les conditions de travail que lui décrivent des centaines de jeunes femmes débarquées des Antilles et placées comme domestiques dans les riches demeures de la cité phocéenne. Ce qu'elle découvre dépasse l'imagination. Françoise Ega organise alors la résistance... Ce journal, authentique, est la trace de ce combat.
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L'homme se tient sur une brèche, dans l'intervalle entre le passé révolu et l'avenir infigurable. Il ne peut s'y tenir que dans la mesure où il pense, brisant ainsi, par sa résistance aux forces du passé infini et du futur infini, le flux du temps indifférent.Chaque génération nouvelle, chaque homme nouveau doit redécouvrir laborieusement l'activité de pensée. Longtemps, pour ce faire, on put recourir à la tradition. Or nous vivons, à l'âge moderne, l'usure de la tradition, la crise de la culture.Il ne s'agit pas de renouer le fil rompu de la tradition, ni d'inventer quelque succédané ultra-moderne, mais de savoir s'exercer à penser pour se mouvoir dans la brèche.Hannah Arendt, à travers ces essais d'interprétation critique - notamment de la tradition et des concepts modernes d'histoire, d'autorité et de liberté, des rapports entre vérité et politique, de la crise de l'éducation -, entend nous aider à savoir comment penser en notre siècle.
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«Quand je dis que je travaille à un essai sur la vieillesse, le plus souvent on s'exclame : "Quelle idée ! Mais vous n'êtes pas vieille ! Quel sujet triste..." Voilà justement pourquoi j'écris ce livre : pour briser la conspiration du silence. À l'égard des personnes âgées, la société est non seulement coupable, mais criminelle. Abritée derrière les mythes de l'expansion et de l'abondance, elle traite les vieillards en parias. Pour concilier cette barbarie avec la morale humaniste qu'elle professe, la classe dominante prend le parti commode de ne pas les considérer comme des hommes ; si on entendait leur voix, on serait obligé de reconnaître que c'est une voix humaine. Devant l'image que les vieilles gens nous proposent de notre avenir, nous demeurons incrédules ; une voix en nous murmure absurdement que ça ne nous arrivera pas : ce ne sera plus nous quand ça arrivera. Avant qu'elle ne fonde sur nous, la vieillesse est une chose qui ne concerne que les autres. Ainsi peut-on comprendre que la société réussisse à nous détourner de voir dans les vieilles gens nos semblables. C'est l'exploitation des travailleurs, c'est l'atomisation de la société, c'est la misère d'une culture réservée à un mandarinat qui aboutissent à ces vieillesses déshumanisées. Elles montrent que tout est à reprendre, dès le départ. C'est pourquoi la question est si soigneusement passée sous silence ; c'est pourquoi il est nécessaire de briser ce silence : je demande à mes lecteurs de m'y aider.» Simone de Beauvoir.
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En décembre 1934, Simone Weil entre comme «manoeuvre sur la machine» dans une usine. Professeur agrégé, elle ne se veut pas «en vadrouille dans la classe ouvrière», mais entend vivre la vocation qu'elle sent être sienne : s'exposer pour découvrir la vérité. Car la vérité n'est pas seulement le fruit d'une pensée pure, elle est vérité de quelque chose, expérimentale, «contact direct avec la réalité». Ce sera donc l'engagement en usine, l'épreuve de la solidarité des opprimés - non pas à leurs côtés, mais parmi eux. L'établissement en usine, comme, plus tard, l'engagement aux côtés des anarchistes espagnols ou encore dans les rangs de la France libre, est la réponse que Simone Weil a trouvée au mensonge de la politique, notamment celle des dirigeants bolcheviks qui prétendaient créer une classe ouvrière libre, alors qu'aucun «n'avait sans doute mis le pied dans une usine et par suite n'avait la plus faible idée des conditions réelles qui déterminent la servitude ou la liberté des ouvriers». Ce qui, toujours, a fait horreur à Simone Weil dans la guerre, qu'elle soit mondiale ou de classes, «c'est la situation de ceux qui se trouvent à l'arrière».
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L'étonnement philosophique ; une histoire de la philosophie
Jeanne Hersch
- Folio
- Folio Essais
- 13 Mai 1993
- 9782070327843
L'étonnement est cette capacité qu'il y a à s'interroger sur une évidence aveuglante, c'est-à-dire qui nous empêche de voir et de comprendre le monde le plus immédiat. La première des évidences est qu'il y a de l'être, qu'il existe matière et monde. De cette question apparemment toute simple est née voilà des siècles en Grèce un type de réflexion qui depuis lors n'a cessé de relancer la pensée : la philosophie.L'histoire de cet étonnement, toujours repris, sans cesse à vif, continûment reformulé, Jeanne Hersch nous la raconte à partir de quelques philosophes occidentaux : les présocratiques, Socrate, Platon, Aristote, les épicuriens, les stoïciens, saint Augustin, Thomas d'Aquin, Descartes, Spinoza, Leibniz, Locke, Kant, Hegel, Comte, Marx, Freud, Bergson, Kierkegaard, Nietzsche, Husserl, Heidegger, Jaspers. Aussi cette histoire de la philosophie nous dit-elle, en réalité, comment la philosophie fut en tout temps, actuelle.
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Défense des droits des femmes : Extraits
Mary Wollstonecraft
- Folio
- Folio 3 Euros
- 11 Juillet 2024
- 9782073073662
«J'espère que, quand on reverra la Constitution, les droits de la femme seront enfin comptés pour quelque chose et respectés comme ils doivent l'être, surtout quand il sera bien prouvé, comme cela ne peut manquer de l'être, que la raison exige que l'on fasse attention à leurs plaintes et réclame hautement justice pour une moitié de l'espèce.» Directement inspiré par la pensée des Lumières, un texte puissant et original, par une figure majeure du féminisme anglo-saxon.
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Pour une morale de l'ambiguïté ; Pyrrhus et Cinéas
Simone de Beauvoir
- Folio
- Folio Essais
- 23 Janvier 2003
- 9782070426935
«Les hommes d'aujourd'hui semblent ressentir plus vivement que jamais le paradoxe de leur condition. Ils se reconnaissent pour la fin suprême à laquelle doit se subordonner toute action : mais les exigences de l'action les acculent à se traiter les uns les autres comme des instruments ou des obstacles : des moyens [...] Chacun d'entre eux a sur les lèvres le goût incomparable de sa propre vie, et cependant chacun se sent plus insignifiant qu'un insecte au sein de l'immense collectivité dont les limites se confondent avec celles de la terre ; à aucune époque peut-être ils n'ont manifesté avec plus d'éclat leur grandeur, à aucune époque cette grandeur n'a été si atrocement bafouée. Malgré tant de mensonges têtus, à chaque instant, en toute occasion, la vérité se fait jour : la vérité de la vie et de la mort, de ma solitude et de ma liaison au monde, de ma liberté et de ma servitude, de l'insignifiance et de la souveraine importance de chaque homme et de tous les hommes [...] Puisque nous ne réussissons pas à la fuir, essayons donc de regarder en face la vérité. Essayons d'assumer notre fondamentale ambiguïté. C'est dans la connaissance des conditions authentiques de notre vie qu'il nous faut puiser la force de vivre et des raisons d'agir.»Simone de Beauvoir.