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Le Seuil
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« Donner, est-ce possible ? » C'est la question que pose Jacques Derrida dans Donner le temps. 1. La fausse monnaie (1991). Un don ne peut jamais s'annoncer comme tel. Dès lors qu'il engage dans le cercle de l'échange économique et de la dette, le don semble s'annuler dans l'équivalence symbolique qui l'aura toujours réduit à l'objet d'un calcul, d'une ruse qui prétend donner généreusement mais non sans attendre quelque récompense en retour. Un don, s'il y en a, ne peut jamais se faire présent, c'est-à-dire qu'il ne peut jamais se présenter ni pour le donataire ni pour le donateur. Pour donner - si une telle chose est possible - il faudrait, peut-être, renoncer au présent.
Indiqué comme un premier tome, Donner le temps en promettait clairement un second à venir. Le présent volume fournit les éléments de cette pièce manquante en donnant à lire les neuf dernières séances du séminaire donné par Jacques Derrida à l'École normale supérieure en 1978-1979 sous le titre « Donner - le temps ». Après être passé par des lectures de Baudelaire, Mauss, Benveniste, Lévi-Strauss et Lacan, Jacques Derrida tourne son attention vers la présence subtile mais décisive du don chez Heidegger, lisant des textes qui sont parmi les plus riches et les plus énigmatiques de son corpus, dont L'Origine de l'oeuvre d'art, La Chose, Être et Temps et, surtout, Temps et Être. Suivant la trace de l'expression allemande « es gibt » (« il y a », plus littéralement « ça donne ») dans la pensée heideggérienne, Derrida donne à penser quelque « chose » qui n'est pas (une chose) mais qu'il y a, ainsi qu'un donner encore plus originaire que le temps et l'être.
Édition établie par Laura Odello, Peter Szendy et Rodrigo Therezo. Préface de Rodrigo Therezo.
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La vie la mort est l'un des séminaires les plus féconds de Jacques Derrida. En jeu : penser la vie et la mort en vertu d'une logique qui ne poserait pas la mort comme l'opposé de la vie. La pureté de la vie n'est-elle pas, par essence, contaminée par la possibilité même de la mort puisque seul un vivant peut mourir ? interroge d'emblée le philosophe. En renversant la perspective classique, Derrida entreprend d'enseigner à ses étudiants que c'est la mort, au contraire, qui rend la vie possible.
En quatorze séances érudites et palpitantes délivrées au cours de l'année 1975-1976, Derrida déconstruit l'opposition traditionnelle entre la vie et la mort à travers des lectures multiples et délibérément pluridisciplinaires, élaborant sa pensée aussi bien au contact de la philosophie (Hegel, Nietzsche, Heidegger) et de l'épistémologie des sciences (Georges Canguilhem), que dans la confrontation à la génétique contemporaine (François Jacob) et à la psychanalyse (catégories freudiennes de pulsions de vie et de mort).
L'édition de ce séminaire inédit a été établie par Pascale-Anne Brault et Peggy Kamuf.
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Femmes entre sexe et genre
Sylviane Agacinski
- Le Seuil
- La Librairie Du Xxie Siècle
- 5 Avril 2012
- 9782021078237
Vous croyez savoir de qui il s'agit quand on parle des femmes. Erreur : le doute s'est installé depuis que Monique Wittig déclara que « les lesbiennes ne sont pas des femmes ». Avec Judith Butler, la Queer theory regarde la distinction entre homme et femme comme l'expression d'une « binarité artificielle », construite par une « culture hétérosexuelle dominante ». Il n'y a plus de sexes, rien qu'une prolifération de genres (gays, lesbiennes, transsexuels...), flottant au dessus de sexes disparus - à moins qu'ils ne deviennent les produits de techniques biomédicales.
Ce livre montre les impasses d'un tel discours.
Sylviane Agacinski rappelle la dissymétrie des corps sexués, c'est à dire vivants, mais enrôlés dans des institutions, une culture et une histoire. Elle décrit les formes spécifiques de la servitude des femmes, qu'elles soient anciennes (la famille), modernes (le marché biologique des cellules et des organes), ou les deux à la fois (la prostitution).
Pour Sylviane Agacinski, « femme » et « homme » en tant que genres sont des catégories impersonnelles. En tant que personne, « je » ne suis ni un sexe ni un genre. Le sexe est moins un facteur d'identité que d'altérité.
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L'inconscient cérébral
Marcel Gauchet
- Le Seuil
- La Librairie Du Xxie Siècle
- 9 Septembre 1992
- 9782020135481
D'où vient que nous sommes prêts si communément aujourd'hui à admettre l'idée qu'un inconscient préside à nos actions, lors même que nous restons dans l'incertitude sur ces contenus ?
Telle est la question qui fait l'objet de ce livre.
Sa réponse : ce que nous savons du fonctionnement du système nerveux, ce que nous avions appris en particulier du réflexe dans la seconde moitié du XIXe siècle. Ce sont les immenses effets intellectuels de cette découverte et des controverses auxquelles elle a donné lieu que Marcel Gauchet s'attache à mettre en lumière. Il montre comment l'inconscient trouve l'une de ses bases principales d'accréditation dans les nouveaux modèles du mécanisme de l'esprit qui en ont résulté.
Ce n'est pas seulement le Freud « neurologue » que l'on comprend mieux. Avec Nietzsche, c'est le projet d'une critique du sujet qui s'alimente à la base de la psychologie nerveuse. Chez Valéry, elle nourrit l'ambition d'une psychologie authentiquement désillusionnée. L'héritage revit aujourd'hui, grâce au modèle de l'ordinateur, dans les développements de la science cognitive.
L'inconscient cérébral : un secret fil rouge de la culture contemporaine, à la racine de toute spéculation sur l'inconscient tout court.