Une journée dans la vie d'une femme. Vivant dans la haute société anglaise, au lendemain de la Première Guerre mondiale, l'héroïne s'interroge sur ses choix - pourquoi n'a-t-elle pas épousé l'homme qu'elle aimait vraiment, qui lui rend visite ce jour-là? -, ses souvenirs, ses angoisses - pourquoi est-elle si frappée par la mort d'un ancien militaire qui ne s'est pas remis de la guerre, pourtant un parfait inconnu pour elle? Crise existentielle qui mène à un dédoublement de personnalité, aux portes de la folie. Ce grand monologue intérieur exprime la difficulté de relier soi et les autres, le présent et le passé, le langage et le silence, mais aussi de se reconnaître soi-même. Comment s'émanciper du carcan social, comment assumer son identité? Publié en 1925, Mrs Dalloway est le chef-d'oeuvre de Woolf et l'un des piliers de la littérature du XX? siècle. Dans ce roman poétique, porté par la musique d'une phrase chantante et d'une narration incisive, les impressions deviennent des aventures.
Pourquoi Hamlet n'a-t-il pas été écrit par une femme? À cette question, faussement naïve et vraiment provocante en 1929, Woolf répond:car une femme n'aurait pas eu «un lieu à elle» pour écrire. De quel lieu s'agit-il? Espace concret de la pièce de travail où s'isoler; espace temporel où les femmes sont libérées des tâches domestiques; espace mental où elles sont libres de penser. Espace de liberté économique, aussi, qui leur permette de s'assumer seules. C'est enfin l'espace qui reste à créer dans la tête des hommes (et des femmes) pour admettre que oui, les femmes peuvent travailler, penser et écrire à l'égal des hommes. Impeccable démonstration historico-sociale sur les obstacles qui ont conduit les femmes à demeurer dans un état de minorité face aux hommes, Un lieu à soi est un texte hybride, tout à la fois essai, récit autobiographique, fiction utopique et manifeste idéologique. Woolf met sa finesse et son ironie au service d'une cause toujours actuelle.
Un amour de Swann est un fragment de À la recherche du temps perdu, la deuxième partie de Du côté de chez Swann.
Son sujet en est l'amour et la jalousie qu'éprouve Swann pour Odette de Crécy. C'est pourquoi il a depuis toujours fait l'objet d'éditions séparées, comme s'il constituait un petit roman autonome.
Écrit sous un pseudonyme masculin, paru en 1847, Hurlevent est le premier et le seul roman d'Emily Brontë, qui mourra un an plus tard. Ce livre aux péripéties violentes, qui fit scandale et fascina des générations d'écrivains - de Virginia Woolf à Patti Smith, en passant par Georges Bataille -, raconte l'histoire d'un amour maudit, dont l'échec pèse sur toute une famille et sur deux générations, jusqu'à l'apaisement final.
«Emily était pareille à un petit volcan qui, endormi, aurait pourtant bouillonné sans arrêt et aurait craché sa lave dans les mots et les actions des personnages qu'elle avait choisis. [.] Son esprit sans entrave n'a pas créé un monde propret. En écrivant Hurlevent, elle n'a pas offert ce que les gens souhaitaient : elle a offert ce qu'elle avait.» Patti Smith.
Mariée, au sortir de l'adolescence, à un vieux colonel, antipathique et autoritaire, Indiana est contrainte à une routine d'outre-tombe. Tout la disposait pourtant à être sauvée par l'amour:Raymon, par qui elle se laisse séduire, possède la jeunesse et la fougue que n'a plus son mari. Indiana se trouve prise dans les turpitudes de la passion, car le désir du jeune homme se révèle bientôt un appétit plus redoutable que la brutalité de son mari repu. Oppressée dans son mariage, Indiana cherche une aventure:celle-ci achèvera de l'opprimer. «J'ai écrit Indiana avec le sentiment non raisonné, mais profond et légitime, de l'injustice et de la barbarie des lois qui régissent encore l'existence de la femme dans le mariage, dans la famille et dans la société.» Paru en 1832, Indiana fut lu comme un pamphlet contre le mariage, et lança la carrière littéraire de l'auteure. Sand y expose les libérations illusoires qui enferrent les femmes dans une vie dont elles n'ont pas la clef. Son récit inverse le trajet habituel du roman:pour pouvoir être aimée, l'héroïne devra d'abord se libérer.
Marguerite Duras, qui fut une légende vivante, s'incarne pour beaucoup dans un livre particulier : souvent Un barrage contre le Pacifique (1950) ou L'Amant (1984), parfois Le Ravissement de Lol V. Stein (1964), ou encore dans un film et sa mélodie, India Song (1973). Plus rares sont les lecteurs qui se représentent l'oeuvre dans sa continuité souterraine. À travers la diversité des genres - romans, nouvelles, théâtre, scénarios, films -, Duras n'a jamais cessé d'explorer l'écriture elle-même. Car c'est précisément la recherche d'une voix qui lui fût propre qui l'a amenée à composer pour le théâtre (où le langage «a lieu») comme à prendre la caméra : «Je parle de l'écrit même quand j'ai l'air de parler du cinéma. Je ne sais pas parler d'autre chose.» Bien sûr, l'expérience de l'écriture dramatique ou cinématographique influence l'écriture romanesque, et certains sujets passent d'un genre ou d'un support à un autre, mais il y a plus : peu à peu se fait jour un style reposant...
Germaine de Staël a pour père Jacques Necker, ministre de Louis XVI, et pour mère Suzanne Curchod, qui tient un salon dont Diderot et Buffon sont les habitués. Elle accède dès son plus jeune âge au monde des Lettres, à celui des idées, au «monde» tout court. «Condamnée à la célébrité sans pouvoir être connue», elle entend être jugée sur ses écrits. Son premier ouvrage significatif est consacré à Rousseau. Elle est d'une certaine manière la fille des Lumières et de la Révolution. Elle deviendra, de son vivant, la femme la plus célèbre d'Europe.
La destinée des femmes - en particulier la question de leur liberté - est au coeur de son oeuvre. Au tournant du siècle (1800), on lit dans De la littérature que l'ordre social est «tout entier armé contre une femme qui veut s'élever à la hauteur de la réputation des hommes». Cela se vérifiera. Le livre, ambitieux, se propose de «caractériser l'esprit général de chaque littérature dans ses rapports avec la religion, les moeurs et le gouvernement». La seconde partie est consacrée à «l'état actuel des Lumières en France». Le Premier Consul préfère entendre parler du siècle de Louis XIV. Il n'aura de cesse d'éloigner Staël et de l'empêcher de (lui) nuire.
Elle met en pratique ses idées sur le roman avec Delphine (1802), que l'on citera, avec La Nouvelle Héloïse et Werther, parmi les modèles du roman moderne. La forme épistolaire rassure le public, mais le texte est un véritable terrain d'exploration psychologique. L'héroïne appartient à la même génération que l'auteur, partage ses espérances, doit comme elle faire son deuil de la société idéale à laquelle elle aspirait. L'amour est peut-être le «seul sentiment qui puisse dédommager les femmes des peines que la nature et la société leur impose», mais que valent les sentiments face à l'opinion publique? Comme Staël, comme bientôt Corinne, Delphine détonne dans une société qui préfère l'hypocrisie à l'enthousiasme. Le livre connaît un immense succès. La manière dont il aborde les questions politiques et sociales - émigration, religion, divorce - n'a rien pour plaire en haut lieu. Trop anticatholique, trop anglophile, trop révolutionnaire : Germaine de Staël devra désormais se tenir à plus de quarante lieues de Paris.
Elle va se consoler en Allemagne, découvre l'appel de l'Italie, publie en 1807 son second roman, Corinne ou l'Italie. Corinne, une poétesse anglo-italienne, ne se conforme pas au modèle féminin en vigueur dans la société. Éperdument amoureuse d'Oswald, un Écossais mélancolique assujetti aux lois patriarcales, elle lui sacrifie ses talents littéraires. D'aucuns verront dans cette tragédie d'une artiste géniale et insoumise, mais victime de l'amour, un autoportrait déguisé de la romancière, dont Benjamin Constant, qui savait de quoi il parlait, disait qu'elle avait un «esprit d'homme, avec le désir d'être aimée comme une femme».
Édition de Catriona Seth avec la collaboration de Valérie Cossy.
Marguerite Duras, qui fut une légende vivante, s'incarne pour beaucoup dans un livre particulier : souvent Un barrage contre le Pacifique (1950) ou L'Amant (1984), parfois Le Ravissement de Lol V. Stein (1964), ou encore dans un film et sa mélodie, India Song (1973). Plus rares sont les lecteurs qui se représentent l'oeuvre dans sa continuité souterraine. À travers la diversité des genres - romans, nouvelles, théâtre, scénarios, films -, Duras n'a jamais cessé d'explorer l'écriture elle-même. Car c'est précisément la recherche d'une voix qui lui fût propre qui l'a amenée à composer pour le théâtre (où le langage «a lieu») comme à prendre la caméra : «Je parle de l'écrit même quand j'ai l'air de parler du cinéma. Je ne sais pas parler d'autre chose.» Bien sûr, l'expérience de l'écriture dramatique ou cinématographique influence l'écriture romanesque, et certains sujets passent d'un genre ou d'un support à un autre, mais il y a plus : peu à peu se fait jour un style reposant sur la porosité des genres. Sur la couverture d'India Song se lit une triple mention, «texte théâtre film»...
Sa voix propre, Duras ne l'a pas trouvée d'emblée, et le mystère de sa découverte est l'un des charmes d'une lecture chronologique de son oeuvre. Ses deux premiers romans respirent l'air «existentialiste» de l'époque. Les trois suivants - Un barrage contre le Pacifique (1950), Le Marin de Gibraltar (1952), Les Petits Chevaux de Tarquinia (1953) - s'inscrivent dans l'«âge du roman américain». Puis, peu à peu, le romanesque narratif s'efface, les personnages s'estompent ou s'affinent - au point de se réduire bientôt, dans la nouvelle «Les Chantiers» (et plus tard dans Détruire dit-elle), à des séries d'états d'âme presque anonymes, voire à un étrange statut de regard regardé. L'évolution, toutefois, n'est pas linéaire : la tendance à la déréalisation du réel et au primat de la parole dialoguée ou soliloquée était marquée dès L'Après-midi de monsieur Andesmas (1962), mais les personnages du Vice-consul (1966) prennent corps dans la chaleur moite d'un décor indien quasi baroque.
Les deux premiers volumes des oeuvres complètes, enrichis de nombreux textes et documents rares, retracent l'histoire d'une écriture et, par le biais d'épisodes ou de personnages récurrents (dont certains deviendront de véritables mythes littéraires), mettent en place les «cycles», informels et poreux, qui traverseront toute l'oeuvre : l'Indochine de l'enfance, l'Inde du fantasme.
À la fois femme de lettres et femme politique, Olympe de Gouges est l'une des premières féministes françaises.
Dans ce manifeste aujourd'hui mondialement connu, qu'elle rédige et adresse à la reine Marie-Antoinette en 1791, elle réécrit et féminise une Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, en écho à celle de 1789... : « La femme naît libre et demeure égale à l'homme en droits. » Considéré par beaucoup comme un texte absolument essentiel, il est aujourd'hui proposé en une jolie édition illustrée.
« Le monde nous dérobe à nous-mêmes, et la solitude nous y rend. Le monde n'est qu'une troupe de fugitifs d'eux-mêmes. » Pour combattre cette idée désenchantée, la marquise de Lambert (1647-1733) s'exprima d'abord oralement dans son salon de l'hôtel de Nevers à Paris, puis dans divers petits traités, inspirés de la morale antique (Cicéron, Sénèque), de Montaigne, de Pascal et de Fénelon. Son esprit, dépourvu de préjugés, sa culture, son art de la formule firent de cette savante mondaine un mythe dans le Paris littéraire du XVIIe siècle. Parues d'abord sous le manteau, puis officiellement, les oeuvres de Mme de Lambert connurent une grande vogue entre le milieu du XVIIIe siècle et à la fin du XIXe siècle. Fontenelle, Montesquieu, Marivaux, Voltaire, Leopardi, Louise Colet ou encore Sainte-Beuve en vantèrent les mérites.
« Apprenez que la plus grande science est de savoir être à soi. J'ai appris, disait un Ancien, à être mon ami : ainsi je ne serai jamais seul. Il faut vous ménager des ressources contre les chagrins de la vie, et des équivalents aux biens sur lesquels vous aviez compté. Assurez-vous une retraite, un asile en vous-même ; vous pourrez toujours revenir à vous, et vous retrouver. Le monde, vous étant moins nécessaire, aura moins de prise sur vous. » «Avis d'une mère à sa fille» est le traité le plus important de Madame de Lambert (1647-1733), on retrouve la beauté du style, la finesse psychologique, l'élévation des sentiments et la liberté d'esprit.
Comme le montre séverine auffret dans sa préface, " marie le jars de gournay ne fut pas seulement l'amie ambiguë de montaigne, le satellite d'un astre.
Elle fut avant tout une femme libre ". si la " fille d'alliance " a succédé à la boétie, le " frère d'alliance " trop tôt disparu, l'intense relation de marie avec l'auteur des essais sera elle aussi très brève, puisqu'ils ne partageront que quelques semaines au château de gournay. marie restera fidèle à michel de montaigne, mort quatre ans après cette mémorable rencontre, en veillant aux éditions posthumes des essais.
Mais surtout, on le verra dans l'égalité des hommes et des femmes, publié la première fois en 1622, elle se construira elle-même comme femme indépendante, créatrice et pensante. c'est en puisant à deux sources principales - les hautes figures de l'antiquité et la bible - que marie défend avec bonheur sa thèse : les femmes ne sont ni inférieures aux hommes, ni " supérieures ", comme le prétendent quelques sophistes des deux sexes, mais tout simplement leurs égales, quoique différentes.
Publié quatre ans plus tard, le grief des dames, petit texte franchement polémique, soustrait définitivement les femmes à " la quenouille ", en établissant l'état de femme de lettres.
Qu'est-ce que la "verve" ? Pour la définir, les dictionnaires, comme le Grand Littré et le Petit Larousse, ont recours à une métaphore : "chaleur d'imagination" disent-ils...
Bonheur d'expression qui surprend le lecteur, arrêté soudain par un "mot", une réflexion, une répartie, dont la justesse et la cocasserie inattendue le laissent ravi devant la page ouverte. Depuis que la langue existe, la verve n'appartient qu'à ceux qui sont pris parla rage des mots et du verbe. Bref, tous les grands créateurs et les virtuoses du langage. Mais elle n'apparaît pas seulement dans les oeuvres imprimées ; certains la confient à leur journal intime, ou la sèment en formules heureuses dans la conversation.
Les plus brillantes (qui ne sont pas toujours les plus connues) sont rassemblées dans cette collection.