Luciana Peker a prononcé un discours mémorable au Congrès de la Nation, à Buenos Aires, en avril 2018, lors des débats ardus autour de la présentation du projet de loi pour l'Interruption volontaire de grossesse en Argentine. Soulignant la nécessité vitale pour les femmes de disposer de leur corps et de bénéficier d'une éducation sexuelle complète et adéquate, elle a salué le rôle majeur des plus jeunes et en particulier des adolescentes dans la prodigieuse transformation sociétale en cours. C'est là qu'elle a popularisé l'expression « La Révolution des filles » qui donne son titre à ce livre.
En partant de cet épisode, l'autrice déroule le lien historique et transgénérationnel entre les combats des grand-mères, des mères et des filles, pour valoriser chez ces dernières la place de sujet politique conquise en dépit d'une violente opposition des secteurs les plus conservateurs. Luciana Peker, mère de deux adolescent·e·s, passe au crible les enjeux intimes, politiques et stratégiques de la lutte pour le droit à l'IVG en Argentine, dans une perspective ouverte sur toute l'Amérique latine, tout en donnant la parole à des personnes issues de différentes classes sociales et des milieux les plus divers.
Dans cet essai d'une remarquable vitalité, elle brosse le portrait exhaustif d'un mouvement d'émancipation féministe de masse, jeune, laïc et inclusif, né dans un continent traversé par de profondes inégalités socioéconomiques, des féminicides endémiques et une tentative de contrôle de l'Église et de l'État sur le corps des femmes et sur leur sexualité.
« La révolution féministe ne peut être comprise que comme une révolution, une révolution des filles, politique, collective et singulière, qui va désormais plus loin. Les filles demandent, critiquent, objectent et racontent bien plus que ce que l'on pouvait imaginer. Elles ne supportent pas ce que nous, adultes, supportons. » L.P.
Qui est donc Milagro Sala, prisonnière politique la plus célèbre d'Argentine ?
Pour le savoir, Alicia Dujovne Ortiz est allée enquêter sur place, dans la province de Jujuy, au printemps 2017. Elle a rencontré Milagro Sala dans sa prison ainsi que son mari, ses camarades de luttes, des membres de son association Tupac Amaru, ses voisins, ses ennemis aussi. Au fil des témoignages se révèle une femme hors du commun, une révolutionnaire d'une générosité exceptionnelle qui a su mettre la cause indienne sur le devant de la scène, et qui est aujourd'hui en danger de mort. Ce livre se joint à la mobilisation internationale lancée pour exiger sa libération.
Ce texte sur la torture des femmes et leur tentative de survie dans les centres clandestins de détention de Córdoba est un acte testimonial unique, où la poésie se mêle à l'horreur pour narrer l'indicible. Une lutte contre l'oubli qui fait entendre, à travers la voix et la mémoire de l'auteure, celles de centaines de détenues réduites à jamais au silence par la dictature militaire argentine.
« Ici grand rassemblement de femmes, chuchotements de femelles, psalmodies de terre sans racines, esprits happés par ordres de gendarmes, comme roches aiguisées adhèrent à côtes, oreilles, palais ; pénètrent carcans, bandages, tissus rêches, entraves, ramassis de guenilles comme perles de collier. (...) - Ici il n'y a pas d'innocentes, pas d'erreurs, vous êtes ici pour quelque chose. » S.R.S.
Après la Troisième Guerre mondiale et la destruction du monde, une cinquantaine de survivants, réfugiés dans un bunker sur les rives du lac Baïkal, constituent une communauté dirigée par trois scientifiques, maçons initiés. Ces derniers, ayant allègrement passé les 90 ans, se sont transformés en tuteurs d'une humanité nouvelle de clones, qui seraient en tous points identiques aux humains s'ils ne naissaient vieillards puis rajeunissaient jusqu'à disparaître nouveau-nés... Lors du solstice d'hiver de 2039, la Terre, dans un silence profond, cesse de tourner durant 72 heures, puis repart lentement en sens inverse.
D'oméga à alpha, du chapitre 33 au chapitre un, le roman se donne la forme de son propos, une construction inversée, à l'image d'une Terre dont le sens de rotation aurait changé. Le récit est savamment construit sur un décalage entre les calculs scientifiques et fumeux de vieillards atteints d'une forme de sénilité mais toujours sûrs de leur légitimité, et l'énergie de femmes qui, bien que très armées intellectuellement, sont restées du côté du concret, des savoirs et savoir-faire relevant de traditions multiples, conservant un évident plaisir de vivre et un solide bon sens.
Plein de poésie, de fantaisie, d'une ironie tendre et jubilatoire, ce roman est aussi une méditation sur l'humanité et le cosmos.
« Elizabeth prit une feuille de papier avec un cercle gradué sur 360 degrés et sur lequel étaient inscrits les douze signes du zodiaque, chaque signe s'étalant sur 30 degrés. Elle s'appliqua à dessiner les signes de chaque planète et à les relier entre eux par des lignes bleues, rouges et vertes, qu'elle traça avec des feutres et une règle en bois. Elle aimait faire des cartes astrales à la main, et préparer des marmelades dans des casseroles en cuivre. Elle n'avait pas confiance en la technologie depuis qu'elle avait appris que les « missiles intelligents » atterrissaient sur des écoles et des hôpitaux tandis que les cibles militaires qu'ils étaient censés détruire restaient intactes. » P.R.S.