Filtrer
Anamosa
-
"On ne peut plus rien dire..." : Liberté d'expression ; Le grand détournement
Thomas Hochmann
- Anamosa
- 13 Mars 2025
- 9782381911175
" On ne peut plus rien dire... " La complainte de celles et ceux qui dénoncent la " censure " s'étire à longueur de journée sur les plateaux télévisés. Il semblerait que la réaction se soit approprié la liberté d'expression pour mieux la dévoyer. Comment en est-on arrivé là ? Comment récupérer cette liberté fondamentale en démocratie ? Voilà l'enjeu de ce texte incisif.
" On ne peut plus rien dire... " La complainte de celles et ceux qui dénoncent la " censure ", à l'instar d'un Donald Trump, s'étire à longueur de plateaux télévisés. Toute contradiction est dénoncée comme une agression, la lutte contre le racisme est présentée comme une marque d'intolérance " woke ". Par un incroyable retournement, tout effort de protéger le débat démocratique est aujourd'hui brocardé comme une atteinte à " liberté d'expression ". Pourtant, la haine et le mensonge nuisent gravement à la délibération démocratique : les restrictions de l'expression publique, loin d'être en contradiction avec la liberté d'expression, lui sont consubstantielles.
Le juriste Thomas Hochmann révèle la manière dont la réaction a accaparé la liberté d'expression pour mieux imposer ses manières de dire. Mais il montre également comment se réapproprier cette liberté fondamentale, après avoir rappelé et défendu, exemples à l'appui, les lois qui interdisent les discours de haine et les campagnes de désinformation. Leur mise en oeuvre constitue désormais une de nos dernières chances de repousser l'extrême droite. -
Féminisme : mot explosif, chargé de batailles, d'identifications et de contradictions. Mot d'importance donc pour la collection Le mot est faible, dont la professeure en études de genre Éléonore Lépinard s'empare ici avec brio pour le recharger d'une exigence toujours renouvelée de penser ses propres contradictions et de réinventer de nouvelles pratiques d'émancipation.
Si le mot " féminisme " est explosif, c'est qu'il serait pour certain·es porteur d'excès, d'une demande d'égalité risquant de renverser l'ordre établi, d'un désir d'imposer de nouvelles identités ou de prescrire un nouveau langage. Le féminisme brûle en effet : des " pétroleuses " incendiaires de la Commune de Paris, aux soutiens-gorges que les féministes du Mouvement de libération des femmes auraient brûlés, ces mythes tenaces associent dans notre imaginaire collectif les féministes avec un feu ravageur. L'incandescence de ce mot est aujourd'hui ravivée, à coups de hashtags, de témoignages et de colères rendues publiques, de manifestations et de chorégraphies à dimension planétaire.
Il y a aussi danger quand certain·es voudraient non pas s'opposer au féminisme et à ses demandes, mais au contraire se l'approprier, en donner une définition commune et légitime pour toutes celles et ceux qui voudraient se revendiquer de ce projet politique. Les luttes pour imposer ce que devrait être le " vrai " féminisme, sont aussi chargées d'affects, d'histoires et de conflits. Les rassemblements de toutes, #NousToutes, contrastent avec les conflits et colères, les #NousAussi clamés par les exclu·e·x·s d'un discours qui se veut universaliste mais qui ne manquerait pas de toujours ériger des frontières, des clôtures autour d'un " bon " féminisme, accessible à certaines et pas à d'autres.
Il faut dire qu'avec les féminismes revendiqués de Beyoncé, de Sheryl Sandberg, de Chimamenda Ngozi Adichie, d'Élisabeth Badinter, d'Annie Ernaux, d'Amandine Gay, d'Adèle Haenel... ou d'Emmanuel Macron, on dispose d'autant de versions, contradictoires, opposées, oxymoriques ou alliées à explorer. La tendance à qualifier le féminisme indique que ces versions semblent pouvoir se multiplier à l'infini : business feminism, féminisme radical, féminisme néolibéral, féminisme matérialiste, afro-féminisme, transféminisme, féminisme queer, écoféminisme... Devant cette avalanche de tendances on peut se demander si le mot a vraiment encore un sens, s'il peut désigner un projet commun dont les contours seraient identifiables. Comment un mouvement qui semble s'énoncer au nom d'un sujet qui a l'apparence de l'évidence, les femmes, peut-il s'avérer si protéiforme ? Comment peut-il être étiré jusqu'aux limites de ses possibilités et de son histoire puisqu'il devient revendiqué par des fractions de ceux-là même qui l'ont tant combattu, les idéologies de droite voire d'extrême droite ? Y a-t-il encore un dénominateur commun ? Le féminisme est-il voué à l'éclatement et la récupération ou peut-il continuer de nourrir nos imaginaires, nos désirs, nos luttes et nos vies ?
L'autrice défend ici brillamment que ces luttes et ces conflits sont essentiels au féminisme, au sens où ils en constituent l'essence même et sont aussi essentiels à sa dynamique propre. Pour autant, accepter l'importance de ces conflits n'est pas céder au relativisme : toutes les versions du féminisme ne sont pas bonnes à adopter ou équivalentes. Loin de là. Le féminisme porte une exigence toujours renouvelée de penser ses contradictions, de répondre à celles qui en contestent les frontières, de réinventer de nouvelles pratiques d'émancipation. -
Dans la France du XXIe siècle, on attend beaucoup de la laïcité, devenue injonction, au risque de devenir discriminatoire dans le discours juridique et politique. Laïcité, donc, un mot fort aux enjeux de taille pour notre société, décrypté de manière limpide par la professeure de droit Stéphanie Hennette-Vauchez.
Parangon des valeurs républicaines qui connaissent un regain d'exaltation dans le discours juridique et politique, la laïcité se fait métonymie de la République. On lui demande alors de trancher une multitude de questions. A-t-on le droit de porter des tenues religieuses - à l'école, au travail ou à la piscine ? Comment lutter contre le communautarisme ou le séparatisme ? Ne faudrait-il pas accroître les limites à la liberté d'expression ?
Face à cette hypertrophie du champ et de la portée souvent conférée dans le débat public à la laïcité , l'autrice propose ici une analyse juridique du principe. Le propos poursuit deux objectifs principaux. Le premier est de rappeler que la laïcité est d'abord un principe visant à organiser les rapports entre l'État et les cultes - et non un principe censé réguler les conduites individuelles ou collectives. Est restituée l'histoire moderne du principe (XIXe-XXe siècles) et les trois principes dans lesquels se décline alors la laïcité sont présentés : séparation (des Églises et de l'État), garantie (de la liberté de culte) et neutralité (des autorités publiques). Dans un second temps, l'ouvrage documente et analyse les multiples bouleversements de ce régime républicain et libéral de la laïcité. Il s'agit en particulier de revenir sur les multiples réformes qui, depuis le début du XXIe siècle, tendent à en faire un principe qui met l'accent sur les restrictions davantage que sur la garantie de la liberté religieuse, via, notamment, des obligations multipliées de discrétion sinon de neutralité religieuse qui pèsent désormais sur les personnes privées.
L'analyse de ces mutations est critique, tant du point de vue de la non-neutralité de cette nouvelle laïcité qui s'érige en authentique injonction que du point de vue de son potentiel discriminatoire (vis-à-vis, en particulier, de l'islam). -
La Paix des ménages - Histoire des violences conjugales XIXe-XXIe siècle
Victoria Vanneau
- Anamosa
- Chaki
- 7 Décembre 2023
- 9782381910796
Si la question des violences conjugales est aujourd'hui présente dans les médias et l'espace public comme un " fait de société ", nommé et condamné, leur lente définition n'avait été écrite. C'est chose faite avec ce livre, contribution majeure à la compréhension du XIXe siècle et à la définition de ces " brutalités domestiques ", et désormais disponible en poche.
À l'heure où les historiens s'emploient à revisiter la place de l'État dans l'organisation des sociétés, ce livre est une contribution majeure à la compréhension historique de la place du droit et de la justice dans le processus de pacification des moeurs qui tenaille tant le xixe siècle. Nourri des centaines d'affaires de violences conjugales dont les tribunaux n'ont pas cessé d'être saisis, il souligne la difficulté de saisir ces violences bien particulières, plonge le lecteur dans l'ambiance des tribunaux et fait le pari de se placer au plus près des magistrats qui traitent ces affaires. Y apportant des arguments solides et historiquement fondés, il permet également d'alimenter les débats citoyens et d'aller à l'encontre de certaines idées reçues : les hommes battus existent aussi, le xixe siècle ne fut pas que celui du " droit de correction " et peut-être, ayant fait de ces violences un " fait de droit " et non pas un " fait de société ", savait-il mieux les punir qu'aujourd'hui. -
L'appel de la guerre ; des adolescents au combat, 1914-1918
Manon Pignot
- Anamosa
- Chaki
- 7 Décembre 2023
- 9782381910710
La version poche du travail pionnier de l'historienne Manon Pignot, lauréate du Prix Augustin Thierry des Rendez-vous de l'histoire de Blois et du Prix Pierre Lafue.
Christian Sarton du Jonchay, Ernest Wrentmore, Marina Yurlova, Rudolf Hoss, Jack Cornwell... Ces jeunes Français, Américain, Russe, Allemand ou Anglais sont nés entre 1899 et 1904 ; ce sont des combattants juvéniles, dont l'historienne Manon Pignot est allée chercher la trace dans les archives d'Europe et d'Amérique du Nord. Bien souvent camouflés, du fait du caractère illicite de leur engagement au sein des armées régulières, trouver ces " ado-combattants " relève du jeu de piste, tant les sources sont parcellaires, dissimulées. L'autrice interroge les raisons comme les modalités de l'engagement de ces adolescents, les obstacles aussi qu'ils ont dû surmonter et la manière, s'ils ont survécu, dont cette expérience de guerre les a marqués. Patriotisme, transgression et filiation, désir d'aventure et désir de guerre... C'est une histoire délicate à écrire, tant elle touche à nos conceptions contemporaines de l'enfance et de l'adolescence. Avec ce travail pionnier, Manon Pignot s'attaque à un angle mort de l'historiographie contemporaine. -
De colère et d'ennui ; Paris, chronique de 1832
Thomas Bouchet
- Anamosa
- Chaki
- 25 Avril 2024
- 9782381910956
En 1832 à Paris, les funérailles du général Lamarque, icône populaire victime du choléra, déclenchent l'insurrection des 5 et 6 juin. Alors que Victor Hugo choisissait ce décor pour hisser Gavroche sur les barricades, Thomas Bouchet livre une chronique de cette année exceptionnelle à travers les voix de quatre femmes que tout oppose.
1832 : tandis que Paris vibre, vacille et gronde sous les coups redoublés de l'épidémie et de la guerre des rues, Adélaïde s'ennuie. Elle frémit dans son salon à la lecture des journaux, se délecte du chocolat que sa domestique lui rapporte de chez Marquis, s'émerveille en recluse des oiseaux du Jardin des plantes où elle vit, loin des barricades où Gavroche meurt.
Émilie se bat et débat du côté de Ménilmontant et dans les cafés enfumés pour faire entendre la cause féministe chez les saint-simoniens. Louise, marchande ambulante du centre de Paris, atteinte du choléra puis soupçonnée d'avoir participé à l'insurrection, est sans cesse contrainte à faire face - au commissaire, au juge, au médecin, au directeur de sa prison. Lucie enfin, la mystique, jouit en son corps et du corps de Jésus derrière les murs d'un couvent, puis le choléra l'emporte.
C'est dans la compagnie des archives que Thomas Bouchet a pratiqué jusqu'ici son travail d'historien. Il s'appuie cette fois, en outre, sur les ressources de la fiction. Les quatre voix qu'il entrelace composent une histoire sensible et sociale. Son texte met les sens en éveil ; dans le Paris de naguère il donne chair à des visions du monde, à de douces rêveries, à d'intolérables douleurs.
Un livre couronné du Grand Prix de l'Histoire de Paris - LE GESTE D'OR, catégorie Fiction.
"
De colère et d'ennui, que publie l'historien Thomas Bouchet, mérite d'être salué à sa juste valeur. Voilà un livre qui ne ressemble à aucun autre."
Dominique Kalifa, Libération
"Troublant, sensible, l'ouvrage réalise son ambition en forme d'oxymore : celle de "forger et restituer quelques éclats de réel"."
André Loez, Le Monde des livres
"En reconstituant de façon fictive et pourtant si réelle la "vie affective" de 1832, Thomas Bouchet surpasse les attentes de Lucien Febvre qui, dès 1941, invitait ses pairs à croiser histoire et sensibilité et à plonger "dans les ténèbres de la psychologie". Voilà un nouveau et beau "cri d'artiste" poussé par un "pauvre historien"."
Nicolas Dutent, L'Humanité
"De colère et d'ennui est une illustration émouvante (littérairement) et convaincante (scientifiquement) de la féconde rencontre entre fiction et sciences sociales. (...) Il y a bien évidemment des vertus pédagogiques à choisir ainsi de rendre compte d'événements historiques ou de phénomènes sociologiques de façon fictionnée/fictionnelle. C'est l'ambition des " passeurs de sciences sociales " que de donner à voir ce qui ne peut se montrer et à entendre ce qui ne se dit pas. Mais il se joue quelque chose d'autre dans cette hybridation, quelque chose qui a à voir avec la puissance créatrice de l'écriture, quelle que soit sa forme. (...) Les quatre femmes de 1832 parlent à la première personne, c'est ainsi Thomas Bouchet qui parle avec elles et c'est l'histoire de cette année méconnue qui résonne à nos oreilles. Nous n'en saurons pas tout, car l'historien ne peut tout dire, mais ce qui demeure lorsque l'on referme le livre, de façon évidente et, pour tout dire, magnifique, c'est l'impression d'avoir entendu, véritablement entendu, les voix à jamais dissoutes des femmes et des habitants du Paris populaire du premier 19e siècle."
Camille Froidevaux-Metterie, AOC
Lauréat en 2019 du Grand Prix de l'Histoire de Paris - LE GESTE D'OR, catégorie Fiction