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« Le 18 août 2021, j'ai passé la nuit au Musée Anne Frank, dans l'Annexe. Anne Frank, que tout le monde connaît tellement qu'il n'en sait pas grand-chose. Comment l'appeler, son célèbre journal, que tous les écoliers ont lu et dont aucun adulte ne se souvient vraiment.
Est-ce un témoignage, un testament, une oeuvre ?
Celle d'une jeune fille, qui n'aura pour tout voyage qu'un escalier à monter et à descendre, moins d'une quarantaine de mètres carrés à arpenter, sept cent soixante jours durant. La nuit, je l'imaginais semblable à un recueillement, à un silence. J'imaginais la nuit propice à accueillir l'absence d'Anne Frank. Mais je me suis trompée. La nuit s'est habitée, éclairée de reflets ; au coeur de l'Annexe, une urgence se tenait tapie encore, à retrouver. »L. L. -
« J'entends par western un endroit de l'existence où l'on va jouer sa vie sur une décision. » C'est à cette éternelle logique de l'Ouest que se rend Alexis Zagner, « la gueule du siècle », poussé par l'intuition d'un danger. Comédien renommé qui devait incarner Dom Juan, il abandonne brusquement le rôle mythique et quitte la ville à la façon des cow-boys - ceux-là qui craignent la loi et cherchent à fondre leur peur dans le désert.Qu'a-t-il fait pour redouter l'époque qui l'a pourtant consacré ? Et qu'espère-t-il découvrir à l'ouest du pays ?Pas cette femme, Aurore, qui l'arrête en pleine cavale et semble n'avoir rien de mieux à faire que retenir le fuyard et percer son secret.Tandis que dans le sillage d'Alexis se lève une tempête médiatique, un face à face sensuel s'engage entre ces deux exilés revenus de tout, et surtout de l'amour, qui les désarme et les effraie.Dans ce roman galopant porté par une écriture éblouissante, Maria Pourchet livre, avec un sens de l'humour à la mesure de son sens du tragique, une profonde réflexion sur notre époque, sa violence, sa vulnérabilité, ses rapports difficiles à la liberté et la place qu'elle peut encore laisser au langage amoureux.
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Prix Goncourt des lycéens 2021, Prix Femina 2021, Prix Landerneau 2021 C'est l'histoire d'un enfant aux yeux noirs qui flottent, et s'échappent dans le vague, un enfant toujours allongé, aux joues douces et rebondies, aux jambes translucides et veinées de bleu, au filet de voix haut, aux pieds recourbés et au palais creux, un bébé éternel, un enfant inadapté qui trace une frontière invisible entre sa famille et les autres. C'est l'histoire de sa place dans la maison cévenole où il naît, au milieu de la nature puissante et des montagnes protectrices ; de sa place dans la fratrie et dans les enfances bouleversées. Celle de l'aîné qui fusionne avec l'enfant, qui, joue contre joue, attentionné et presque siamois, s'y attache, s'y abandonne et s'y perd. Celle de la cadette, en qui s'implante le dégoût et la colère, le rejet de l'enfant qui aspire la joie de ses parents et l'énergie de l'aîné. Celle du petit dernier qui vit dans l'ombre des fantômes familiaux tout en portant la renaissance d'un présent hors de la mémoire.Comme dans un conte, les pierres de la cour témoignent. Comme dans les contes, la force vient des enfants, de l'amour fou de l'aîné qui protège, de la cadette révoltée qui rejettera le chagrin pour sauver la famille à la dérive. Du dernier qui saura réconcilier les histoires.La naissance d'un enfant handicapé racontée par sa fratrie.Un livre magnifique et lumineux.
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Raphaëlle est garde-forestière. Elle vit seule avec Coyote, sa chienne, dans une roulotte au coeur de la forêt du Kamouraska, à l'Est du Québec. Elle côtoie quotidiennement ours, coyotes et lynx, mais elle n'échangerait sa vie pour rien au monde.
Un matin, Raphaëlle est troublée de découvrir des empreintes d'ours devant la porte de sa cabane. Quelques jours plus tard, sa chienne disparaît. Elle la retrouve gravement blessée par des collets illégalement posés. Folle de rage, elle laisse un message d'avertissement au braconnier. Lorsqu'elle retrouve des empreintes d'homme devant chez elle et une peau de coyote sur son lit, elle comprend que de chasseuse, elle est devenue chassée. Mais Raphaëlle n'est pas du genre à se laisser intimider. Aidée de son vieil ami Lionel et de l'indomptable Anouk, belle ermite des bois, elle échafaude patiemment sa vengeance.
Un roman haletant et envoûtant qui nous plonge dans la splendeur de la forêt boréale, sur les traces de deux-écoguerrières prêtent à tout pour protéger leur monde et ceux qui l'habitent.
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Comme un écrivain qui pense que « toute audace véritable vient de l'intérieur », Leïla Slimani n'aime pas sortir de chez elle, et préfère la solitude à la distraction. Pourquoi alors accepter cette proposition d'une nuit blanche à la pointe de la Douane, à Venise, dans les collections d'art de la Fondation Pinault, qui ne lui parlent guère ?
Autour de cette « impossibilité » d'un livre, avec un art subtil de digresser dans la nuit vénitienne, Leila Slimani nous parle d'elle, de l'enfermement, du mouvement, du voyage, de l'intimité, de l'identité, de l'entre-deux, entre Orient et Occident, où elle navigue et chaloupe, comme Venise à la pointe de la Douane, comme la cité sur pilotis vouée à la destruction et à la beauté, s'enrichissant et empruntant, silencieuse et raconteuse à la fois.
C'est une confession discrète, où l'auteure parle de son père jadis emprisonné, mais c'est une confession pudique, qui n'appuie jamais, légère, grave, toujours à sa juste place : « Écrire, c'est jouer avec le silence, c'est dire, de manière détournée, des secrets indicibles dans la vie réelle ».
C'est aussi un livre, intense, éclairé de l'intérieur, sur la disparition du beau, et donc sur l'urgence d'en jouir, la splendeur de l'éphémère. Leila Slimani cite Duras : « Écrire, c'est ça aussi, sans doute, c'est effacer. Remplacer. » Au petit matin, l'auteure, réveillée et consciente, sort de l'édifice comme d'un rêve, et il ne reste plus rien de cette nuit que le parfum des fleurs. Et un livre.
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« D'elle, il me reste un foulard bleu, une bouteille vide de son parfum et ce cliché sépia, conservé dans un cadre rouge : la vingtaine resplendissante, chignon laqué, bustier soulignant le galbe de sa poitrine, Arlette trône sur la cheminée de mon salon. Mais je ne sais presque rien d'elle, quelques dates, mes souvenirs d'enfance. Je fouille ma mémoire, gratte le passé. Comment la saisir, elle qui ne s'est jamais laissé attraper par personne ? » Entre Tunis et Marseille, Olivia Elkaim nous entraîne dans le sillage de sa grand-mère maternelle, une femme libre et magnétique au destin percuté par la guerre, la décolonisation et l'exil, dont elle livre un portrait incandescent.
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Deux fois dans le même fleuve : La guerre de Poutine contre les femmes
Sofi Oksanen
- Stock
- Les Essais Stock
- 8 Novembre 2023
- 9782234096455
Le 22 mars 2023, l'Académie suédoise a organisé une conférence sur les facteurs menaçant la liberté d'expression et la démocratie. Les intervenants étaient entre autres Arundhati Roy, Timothy Snyder et Sofi Oksanen, dont le discours s'intitulait La guerre de Poutine contre les femmes.Ce discours a suscité un si grand intérêt dans le public que Sofi Oksanen a décidé de publier un essai sur ce sujet, pour approfondir son analyse tout en abordant d'autres thèmes.L'idée dévelopée par Sofi Oksanen est la suivante : la Russie ressort sa vieille feuille de route en Ukraine - comme l'impératrice Catherine la Grande en Crimée en 1783, et comme l'URSS et Staline par la suite, à plus grand échelle et en versant encore plus de sang. La Russie n'a jamais tourné le dos à son passé impérialiste. Au contraire, le Kremlin s'est efforcé de diaboliser ses adversaires, s'appuyant ensuite sur cette propagande pour utiliser la violence sexuelle dans le cadre de la guerre et pour déshumaniser les victimes de crimes contre les droits de l'homme. Dans la Russie de Poutine, l'égalité est en déclin. La Russie réduit les femmes au silence, utilise le viol comme une arme et humilie ses victimes dans les médias en les menaçant publiquement de représailles.Un essai coup de poing par l'une des grandes autrices européennes contemporaines.Traduit du finnois par Sébastien Cagnoli
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Un si gros ventre : expériences vécues du corps enceint
Camille Froidevaux-Metterie
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- Les Essais Stock
- 6 Septembre 2023
- 9782234092204
Agréable ou pénible, exaltante ou angoissante, intime et sociale, la grossesse est une expérience à la fois profondément individuelle et éminemment politique.Parce que la maternité a longtemps été le destin « naturel » des femmes, il leur a fallu s'en affranchir et conquérir la liberté de choisir d'être mères ou pas. Mais, aussi libre soit-il, le choix de la maternité n'en reste pas moins synonyme de charges et de doutes, y compris - et peut-être même surtout - durant la période de gestation. Être enceinte, c'est se soumettre aux regards, aux commentaires et aux normes qui prennent le contrôle de ce si gros ventre.La philosophe Camille Froidevaux-Metterie a passé du temps en immersion dans une maternité, elle y a rencontré des femmes enceintes qu'elle a interrogées sur leur expérience vécue du corps enceint. À travers ces paroles singulières qui disent la troublante transformation physique, les sentiments de joie ou de rejet, les innombrables injonctions - au silence, au bonheur, au poids idéal -, c'est le double mouvement de l'aliénation et de la réappropriation du corps des femmes qui se déploie. En pensant ce qui ne se pense pas, en questionnant ce qui est considéré comme naturel, Camille Froidevaux-Metterie poursuit son travail d'élaboration d'un féminisme incarné qui place l'intime des corps sur le chemin de la libération.
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« Il y a les adieux, et puis on repêche les corps - entre les deux, tout est spéculation. » Sur le sable d'une plage hongkongaise, une main soulève des draps. La jeune Anh, 16 ans, reconnaît ses parents et quatre de ses frères et soeurs, noyés. Anh et ses deux frères, Thanh et Minh, sont désormais seuls au monde. Il y a quelques mois à peine, ils étaient encore une famille. Une famille obligée de fuir le Vietnam après le départ des dernières troupes américaines. Alors que les fantômes des absents et la culpabilité leur collent à la peau, qu'ils dérivent de camps de réfugiés en centres de réinstallation, les trois orphelins finissent par poser leurs valises à Londres, dans la Grande-Bretagne de Thatcher. Une nouvelle vie commence.
Un premier roman éblouissant qui explore les blessures générationnelles et le pouvoir guérisseur des mots.
Traduit de l'anglais par Carine Chichereau -
« À mesure que je lis tous les documents que je réussis à retrouver, je commence à voir apparaître leur silhouette, les phrases qu'elles ont lancées aux flics, aux juges... Chaque fois je me demande si celle qui est décrite, celle qui parle, qui rit, qui injurie, qui chante, celle qui a les mains en sang et les vêtements déchirés, est la femme que je cherche. »Voleuses, fugueuse, vagabondes, de petites vertus, les filles de la prison de Fresnes se mutinent. Le 6 mai 1947, elles défoncent des portes, brisent des carreaux, pillent l'économat, s'empiffrent de chocolat et de confiture, escaladent le mur de la prison et finissent par en occuper le toit. Pendant des heures, elles tiendront bon. Les prisonniers masculins, derrière leurs barreaux, les acclameront. Il faudra cent vingt policiers pour les déloger. Les journaux s'en emparent un temps, qualifiant l'événement d'« hystérie collective », et, après une nouvelle condamnation, les révoltées retourneront à l'obscurité de leurs cachots. Vies d'anonymes diablesses, semeuses de troubles sans voix, la postérité les oublie.Jusqu'au jour où Serge Valère, un avocat médiatique comme le XXIe siècle en façonne, décide de démêler les fils de ses origines. Lui qui ne connaît pas son père, engage la généalogiste, Elvire Horta, pour retrouver sa mère Madeleine qui l'a abandonné. Elle apprend que celle-ci est une des mutinées de Fresnes. 1947 rencontre alors notre époque. Madeleine rencontre Elvire. Les filles perdues, celles d'aujourd'hui.Avec force et passion, Dorothée Janin fait surgir la violence, la révolte et la liberté fugace de ces femmes qui n'existaient plus. Porté par une écriture frontale, à la manière du Journal d'un voleur, La révolte des filles perdues interroge notre mécanique sociale et nos obsessions.
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« Prénom ? Roman, Romain, Romouchka, Émile.Nom de famille ? Kacew, de Kacew, Gari, Gary, Ajar, Sinibaldi, Bogat. Lieu de naissance : Wilno, Koursk, Moscou, steppes russes, en 1914, en mai, en décembre, dans l'après-midi... » Difficile de mettre de l'ordre dans la biographie hors norme de Romain Gary, unique auteur à avoir reçu deux fois le Prix Goncourt (pour Les Racines du Ciel et La Vie devant soi), diplomate, scénariste, pilote de guerre, voyageur. Homme célèbre qui s'est suicidé en 1980 après une carrière littéraire fulgurante. Mystificateur. Enfin, illusionniste qui jonglait avec les faits et les inventions, avec ses histoires et celles qu'il entendait, créateur infatigable de son opus magnum : sa propre biographie.
Seule Agata Tuszy ska, l'autrice de Wiera Gran l'Accusée et de La Fiancée de Bruno Schulz pouvait relever ce défi ! Elle se met en scène, enquête pour chercher la vérité, tente de dévoiler les nombreux portraits de son personnage et engage avec lui un dialogue tout en essayant de résoudre les mystères de l'identité juive de l'auteur de La Promesse de l'aube - et de la sienne. Elle évoque sa mère dominatrice et fascinante, Nina Owczy ska, leur séjour de plusieurs années à Varsovie dans les années 1920, la route pour Nice, les deux mariages tempétueux de l'écrivain (dont celui avec la star de Hollywood Jean Seberg), sa carrière artistique et celle de diplomate. Elle raconte sa faiblesse pour les pseudonymes, les destins parallèles et le jeu. Dans Le Jongleur, Agata Tuszy ska peint un portrait unique de Romain Gary, et montre comment son personnage va au-delà des limites de la pirouette artistique et des responsabilités humaines. Jongler devient ainsi la métaphore de l'art.
Traduit du polonais par Isabelle Jannès-Kalinowski -
Le féminisme se porte-t-il sur un t-shirt ? Kim Kardashian est-elle un objet sexuel ou une femme puissante ? La série Grey's anatomy peut-elle changer la vie des femmes ?Dans un essai à la première personne documenté, passionné et engagé, Jennifer Padjemi, journaliste spécialiste questions de société, explore l'alliance, pour le meilleur et pour le pire, du féminisme et de la pop culture. En reprenant le fil des mouvements féministes modernes, de l'émergence d'un féminisme intersectionnel au mouvement « body positive » en passant par Me too et en se basant sur son expérience de femme noire, elle décortique le rapport que nous entretenons avec les objets culturels les plus populaires. Biberonnée aux clips vidéo, chansons grand public et maintenant aux séries TV, notre consommation de divertissement façonne, accompagne, et parfois challenge notre vision du monde. En utilisant la pop culture comme un miroir de notre société mondialisée, l'auteure questionne à travers elle le féminisme, le genre, la sexualité, l'intersectionnalité.Jennifer Padjemi interroge les liens d'interdépendance entre consommation de masse et idéologie progressiste, et jette un regard joyeux et lucide sur nos divertissements, sans concession au patriarcat.Un livre à mettre entre toutes les mains !
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Raphaëlle et Anouk ont passé l'hiver dans leur yourte en Gaspésie, hors du temps et du monde. À l'approche du printemps, Raphaëlle convainc sa compagne de rejoindre la communauté de la Ferme Orléane pour explorer la possibilité d'une agriculture et d'un vivre-ensemble révolutionnaires... ainsi que la promesse de suffisamment de conserves pour traverser les saisons froides, au chaud dans leur tanière.
Rapidement la vie en collectivité pèse à Anouk et les premières frictions entre elle et Raphaëlle se font sentir. La jeune femme décide d'aller se ressourcer dans sa cabane au Kamouraska, entre les pins millénaires et le murmure de la rivière. Elle ne tarde pas à y recroiser Riopelle-Robin, un farouche militant écologique, avec qui elle a eu une liaison aussi brève que passionnée. Aux côtés d'« éco-warriors » chevronnés, ce dernier prépare une nouvelle mission : l'opération Bivouac. Son objectif : empêcher un projet d'oléoduc qui doit traverser les terres du Bas-Saint-Laurent et menace de raser une forêt publique, véritable bijou de biodiversité.
Anouk, bientôt rejointe par Raphaëlle et ses alliées de la Ferme Océane, se lance à corps perdu dans la défense du territoire. La lutte s'annonce féroce, car là où certains voient une Nature à protéger, d'autres voient une ressource à exploiter, peu importe le coût.
Gabrielle Filteau-Chiba renoue avec ses personnages de marginaux sensibles et libres et signe un grand roman d'amour et d'aventure sur la défense de l'environnement. -
« Si être une femme ne signifie pas être enceinte, être enceinte m'a rappelé que j'étais une femme. »Line a vingt-quatre ans, et pour la première fois de sa vie, elle tombe enceinte. Quelle joie, se dit-elle, et quelle surprise : dans son ventre, il y a deux poches, des jumeaux. Tandis que la pandémie plonge le monde dans la crainte et dans la mort, Line observe son corps se transformer pour créer deux avenirs. À ses yeux, tout est un rêve : elle découvre le territoire inconnu de la maternité. Pourtant, à la clinique, on lui apprend bientôt que les foetus n'ont pas tenu. Il faut les retirer.Cette interruption de grossesse bouscule tout : son esprit, son corps, son couple. Elle prend conscience de la fragilité de nos vies, du hasard de nos naissances et du silence qui entoure les femmes.De retour à Paris, un an plus tard, elle est de nouveau enceinte. Au fond d'elle, Line sent qu'elle a changé. L'allégresse et la candeur de la première fois sont remplacées par une grande détresse. Elle se sent incapable de porter la vie et de donner naissance à un être dans une telle angoisse. Elle décide d'avorter.Avec cette plume à la fois pudique et photographique, Line Papin signe son émouvant retour à l'autofiction. Un texte littéraire sobre et puissant, dans la droite lignée des Os des filles.
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« Voilà derrière qui je cours : un homme né sage qui s'est un jour mis en tête de découvrir l'Amérique. Celle des invisibles, voix et visages effacés par les logiques institutionnelles. L'Amérique des marges mais aussi de ceux qu'on ne voit plus à force de les croiser tous les jours.Je cours derrière un homme qui, armé de quatre instruments - une caméra 16 mm pour l'image, une perche pour le son, des ciseaux pour la tension et de la colle pour le sens -, est parti observer comment vivent les hommes. » À première vue, rien ne semble rapprocher l'écrivaine Constance Rivière du cinéaste américain Frederick Wiseman. Ni l'origine, ni la nationalité, ni l'âge. Est-ce cette profonde différence qui fonde ce livre ? Ce que cherche Wiseman depuis un demi-siècle, à travers plus de cinquante films documentaires consacrés à la société américaine, c'est la trace que laissent les laissés pour compte, les internés, les victimes de violence conjugale, les exclus du miracle économique, les habitants des cités, mais aussi les membres d'une communauté humaine éparse qui va du petit port de Belfast dans le Maine à la banlieue de Chicago et l'Amérique rurale de l'Indiana.La fabrique de l'exception humaine. Qu'est-ce qu'on refuse de voir ? Comment dire ce qui se joue hors cadre, sur le théâtre du monde ? Constance Rivière a voulu voir à son tour ce qui se cachait derrière l'apparente logique des images, quelles histoires pouvaient en naître.Ni biographie d'un documentariste à l'oeil caméra, ni essai sur une humanité à la dérive, le récit de Constance Rivière est un voyage profondément personnel qui ressemble à une filature de détective. Un récit d'apprentissage des temps modernes. La vie des ombres est un passionnant livre hybride, qui tient parfois de la comédie, parfois de la tragédie, et qui toujours raconte une part de notre humanité.
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« Qu'est-ce qui m'a poussée, jeune fille, à abandonner mes proches, ma maison, ma langue maternelle ?
Pourquoi ai-je laissé derrière moi mes amis, mes petits frères, ma mère, mon pays ?
Qu'est-ce qui fait qu'un homme tendre comme mon père est devenu un monstre, à un moment donné ?
Quel est ce mal qui m'a rongée jusqu'à presque en crever ?
Cela s'appelle Italie : ma douleur, mon amour, ma patrie.
Un pays qui n'a pas fait les comptes avec le fascisme dont il fut l'inventeur.
Un pays comme une famille, plein de secrets - bruyants, destructeurs, meurtriers. ».
Après Dolce Vita 1959-1979 et Les Nouveaux Monstres 1978-2014, Simonetta Greggio poursuit son « autobiographie de l'Italie ». Pour la première fois, elle raconte l'histoire de sa famille, de ses parents, et la sienne. À la violence intime répondent les années sombres et rouges de l'Histoire.
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Redécouvrir Saint Phalle ? C'est partir, avec Gwenaëlle Aubry, explorer un jardin, un ailleurs, où l'adulte annule la distance avec l'enfance, où l'artiste s'exprime de tout son corps, de tout son regard. Cet ailleurs, avec ses sculptures monumentales et miroitantes, se situe à mi-chemin entre Pise et Rome: « Il Giardino dei Tarocchi ». « Le Jardin des Tarots », car la vie est jeu, la vie est pari, elle est une réponse énigmatique et ritualisée aux violences de l'enfance.
Niki de Saint Phalle a été violée par son père à onze ans, pendant « l'été des serpents », et maltraitée par sa mère. De ce saccage inaugural, elle est sortie victorieuse, déterminée à « voler le feu aux hommes » et à « faire la révolte ». Elle a peint à la carabine, créé des Accouchées sanglantes et des Mariées livides, des Nanas bariolées et des Skinnies filiformes, des Black Heroes, des films hallucinés. Avec Jean Tinguely, elle a inventé « 36 000 façons d'être déséquilibrés ». Le Jardin est son Grand oeuvre, son « destin », où rage et rêve se mêlent dans des figures vengeresses mais aussi magiciennes. En les sculptant, elle a rencontré La Force, Le Magicien, Le Soleil, La Papesse, Le Fou, La Mort, Le Monde. Elle a vécu dans L'Impératrice.
Puisque le mystère de la vie est colossal, ses répliques le seront aussi : immenses, à la démesure de l'enfance.
« On dit tomber en enfance» comme tomber amoureux» : mais Saint Phalle n'est pas tombée, elle est montée en enfance. Son lourd legs elle l'a, comme on souffle un métal, transmué en légèreté. » Gwenaëlle Aubry traverse le miroir pour nous montrer cette puissance de vie et de métamorphose à l'oeuvre chez une des plus célèbres artistes du XXe siècle. Elle joue au tarot avec Saint Phalle, rebat ses cartes, rencontre les artisans du Jardin qui, jour après jour, lui en livrent les clefs. Avec eux, elle part à la recherche de l'enfance fugitive : « Je suis venue te chercher, tu vois, un peu en retard mais je suis là, allez viens, n'aie pas peur, on va au Jardin. ».
Une évocation littéraire menée avec une précision qui le dispute à l'émotion. Un portrait magistralement écrit.
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Pilules roses : de l'ignorance en médecine
Juliette Ferry-Danini
- Stock
- Les Essais Stock
- 25 Octobre 2023
- 9782234091269
Vous en avez probablement au fond de votre trousse à pharmacie. Le Spasfon est l'un des médicaments les plus prescrits et vendus en France, en majorité aux femmes. Une pilule rose familière lorsque l'on souffre de règles douloureuses. Et pourtant, aucun essai clinique ne soutient son efficacité pour cette indication.
Juliette Ferry-Danini retourne aux origines du médicament, dans les années 1960. L'histoire du Spasfon n'est pas toute rose : des malades empoisonnés à dessein, des données scientifiques défaillantes et le sexisme ont marqué son développement, construisant une situation d'ignorance scientifique qui perdure aujourd'hui.
Dans cet essai de philosophie féministe, l'autrice analyse les conséquences de cette ignorance en médecine et propose des outils essentiels pour redonner du pouvoir et de l'autonomie aux patientes et patients. -
Le Bel au Bois Dormant et autres contes ou les princesses volent au secours de leurs princes
Karrie Fransman, Jonathan Plackett
- Stock
- 3 Novembre 2021
- 9782234092426
Il était une fois un monde où les princesses sautaient sur leur fidèle destrier pour sauver leurs princes endormis, où les grandes méchantes louves portaient des talons et où les princes faisaient des insomnies à cause d'un satané petit pois...
Depuis des centaines d'années les parents lisent et relisent les mêmes contes de fées à leurs enfants. Karrie Fransman et Jonathan Plackett n'ont pas échappé à la règle. Mais en redécouvrant ces histoires avec leur fille, ils se sont soudain demandé pourquoi les princesses attendaient-elles toujours bien sagement leurs princes charmants ? Pourquoi la Belle n'était-elle pas le Beau ? Pourquoi les princes n'avaient-ils pas le droit d'aller au bal ?
Et ils ont décidé de dépoussiérer un peu tout ça.
Mais attention, ils n'ont pas réécrit les contes. Ils n'ont réinventé ni les fins ni les personnages. Ils ont simplement interverti leur genre à l'aide d'un algorithme malicieux créé par Jonathan. Ainsi, d'un coup de baguette magique, les princesses ont pris le rôle des princes, les sorciers des sorcières et les reines des rois.
Subliment illustré par Karrie, Le Bel au Bois Dormant deviendra à coup sûr le nouveau livre de chevet de toute la famille.
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Les bombes larguées par les Autrichiens sifflent sur les cimes de la Carnie, dans le Frioul italien. Mille mètres plus bas, les femmes les entendent et prient pour que leurs hommes soient épargnés. Agata prie aussi. Elle qui a abandonné ses études pour s'occuper de son père malade, elle qui a une maison remplie de livres qu'elle n'a plus le temps de lire depuis que la Grande Guerre a fait d'elle « une porteuse ».Chaque matin, à l'aube, Agata court vers les entrepôts militaires de la vallée, remplit sa hotte de vingt, trente, parfois quarante kilos de nourriture et de munitions et se lance à l'assaut de la montagne. Elle marche des heures dans la neige pour atteindre les lignes de front où sont retranchés les militaires qui tentent de repousser les assauts des Autrichiens. Un voyage épuisant et dangereux qu'elle entreprend avec ses amies du village. Ensemble, les porteuses chantent pour se donner du courage, parlent pour couvrir le bruit des armes, et quand elles redescendent, leurs hottes sont vides mais leurs mains tiennent les brancards des blessés à soigner ou des morts à enterrer.
Avec Fleur de Roche, Ilaria Tuti célèbre le courage, le sacrifice des femmes, et le rôle qu'elles ont joué - et qu'elles continuent de jouer - dans la guerre.
Un extraordinaire récit de courage, d'amour et de résilience.
Traduit de l'italien par Johan-Frederik El-Guedj -
« Un matin de mai, le téléphone sonne, je réponds, Bonjour, gendarmerie de Mantes-la-Jolie, la tombe de votre mère a été profanée dans la nuit. »Une femme écrit à sa fille qui vient de naître. Elle lui parle de ses joies, ses peines, ses angoisses, et surtout d'une absence, celle de sa propre mère, Romy Schneider. Car cette mère n'est pas n'importe quelle femme. Il s'agit d'une grande star de cinéma, inoubliable pour tous ceux qui croisent le chemin de sa fille.Dans un récit fulgurant, hanté par le manque, Sarah Biasini se livre et explore son rapport à sa mère, à la mort, à l'amour. Un texte poétique, rythmé comme le ressac, où reviennent sans cesse ces questions : comment grandir quand on a perdu sa mère à quatre ans ? Comment vivre lorsqu'on est habitée par la mort et qu'elle a emporté tant de proches ? Comment faire le deuil d'une mère que le monde entier idolâtre ? Comment devenir à son tour mère ? La réponse, l'auteure la porte en elle-même, dans son héritage familial, dans l'amour qu'elle voue à ses proches, à ses amis, à ces figures féminines qui l'ont élevée comment autant d'autres mères. Le livre de la vie, envers et contre tout.
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L'enlèvement de Perséphon ; et autres mythes où les déesses règnent sur l'Olympe
Karrie Fransman, Jonathan Plackett
- Stock
- La Cosmopolite
- 2 Novembre 2022
- 9782234094062
Qui n'a pas entendu parler d'Ulysse et de ses sirènes ? De l'amour fou d'Orphée pour Eurydice ? Ou de la mystérieuse boîte de Pandore ?
Depuis des milliers d'années nous lisons avec délice les aventures des dieux et déesses de la mythologie grecque. Dans ces récits, la force et le courage sont l'apanage des hommes tandis que les femmes sont trop souvent cantonnées aux rôles de jeunes filles sans défense ou d'épouses jalouses éconduites. Ces mythes continuent pourtant de forger notre représentation du monde.
Inspirés par l'incroyable succès du Bel au Bois dormant, Karrie Fransman et Jonathan Plackett ont donc décidé de ressortir leur baguette magique et de dépoussiérer tout cela en intervertissant - à l'aide de leur malicieux algorithme - le genre des personnages, sans rien modifier d'autre.
Ainsi, le pauvre Perséphon se fait enlever par la puissante Hadéesse, Théséa triomphe de la terrifiante Minogénisse tandis que Circé le magicien transforme allègrement les compagnes d'Ulyssa en truies...
Subliment illustré par Karrie, L'Enlèvement de Perséphon deviendra à coup sûr le nouveau livre de chevet de toute la famille. Un roman d'une impressionnante puissance littéraire et une révélation de cette rentrée. -
« On ne nait pas féministe, on le devient.
Pour cette raison, peut-être, je me suis demandé :
Et si c'était moi la femme bafouée, la femme battue, la gamine prostituée, jetée à la rue, la patiente qui souffre d'endométriose, ou la militante harcelée sur les réseaux ? Si c'était moi celle qu'on humilie, si c'était moi celle qu'on viole ou celle qu'on tue ?
Je n'ai rien subi de tout ça. Quel droit, alors, ai-je de parler ?
Et bien leurs droits à elles, justement.
Des droits qui continuent à être, tous les jours, foulés aux pieds.
Et parce qu'il faut encore le dire, le marteler, le hurler, et que je peux (veux) faire entendre ma voix, voici : un peu de moi, pour énormément d'elles. »J. G.
Depuis une dizaine d'années, ses aventures d'actrice et de productrice ont mené Julie Gayet sur les chemins du féminisme, bien avant la vague Metoo. Un féminisme fort, sincère et concret, loin de la posture. Un féminisme qui trouve ses racines au plus profond de sa propre histoire, avec cette certitude chevillée au corps : ensemble, on est plus fortes.
À travers les portraits de celles qu'elle admire pour leurs engagements auprès des femmes, elle se livre elle-même ici, en creux, comme rarement.
Un ouvrage pudique, tendre, violent, drôle parfois. Absolument nécessaire. -
"Toujours m'appuyer sur des choses annexes, faire des rapprochements, depuis que j'écris, il y a toujours ay d'autres voix, d'autres textes, d'autres choses, un autre angle sous lequel j'essaie de me montrer. Moi et autre chose, toujours. Il faut que je compte sur moi maintenant, le plus proche, le plus réel, pas grand choses, avec l'inceste je ne peux pas me sentir grand chose, le corps, la vie, le lieu où je vis, la comédie que je me joue, dans mes angoisses mes crises de larmes, mes coups de fil, mon intelligence, etc., toutes mes limites, être juste sur ma limite, m'appuyer dessus, comme à la rampe qui monte chez l'avocat. Que tout le monde la voie, ma nullité, mon rien, mon minimum d'être humain, le tout petit écrivain que je suis." Christine Angot a publié quatre romans chez Fayard, Interviews, Léonore, toujours, Les autres, Sujet Angot et un recueil de théâtre, L'usage de la vie.