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Gallimard
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La lecture est l'une de ces conduites par lesquelles, quotidiennement, nous donnons un aspect, une saveur et même un style à notre existence. «J'allais rejoindre la vie, la folie dans les livres. [...] La jeune fille s'éprenait de l'explorateur qui lui avait sauvé la vie, tout finissait par un mariage. De ces magazines et de ces livres j'ai tiré ma fantasmagorie la plus intime...» Lorsque le jeune Sartre se rêve en héros après avoir lu les aventures de Pardaillan, il ne fait rien d'exceptionnel, sinon répéter ce que nous faisons tous quand nous lisons, puissamment attirés vers des possibilités d'être et des promesses d'existence que donne la littérature. C'est dans la vie ordinaire que les oeuvres se tiennent, qu'elles déposent leurs traces et exercent leur force. Il n'y a pas d'un côté la littérature, et de l'autre la vie ; il y a au contraire, dans la vie elle-même, des formes, des élans, des images et des styles qui circulent entre les sujets et les oeuvres, qui les exposent, les animent, les affectent. Car les formes littéraires se proposent dans la lecture comme de véritables formes de vie, engageant des conduites, des démarches, des puissances de façonnement et des valeurs existentielles. Dans l'expérience ordinaire de la littérature, chacun se réapproprie son rapport à soi-même, à son langage, à ses possibles et puise dans la force du style une esthétique.
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Les mots des femmes - essai sur la singularite francaise
Mona Ozouf
- Gallimard
- Tel
- 23 Septembre 1999
- 9782070756438
Édition augmentée d'une postface
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Les vies politiques auxquelles ces essais sont consacrés n'ont en commun que l'époque au cours de laquelle elles se sont déroulées. Ainsi, Martin Heidegger, Karl Jaspers, Hermann Broch, Walter Benjamin, Bertolt Brecht, Rosa Luxemburg et Jean XXIII, par exemple, ont tous vécu ce que l'un d'eux, Brecht, appela de «sombres temps».L'objectif principal de ce livre n'est cependant pas de dénoncer un mal d'époque mais de réfléchir un peu de «la lumière incertaine, vacillante et souvent faible que des hommes et des femmes, dans leur vie et leur oeuvre, font briller dans presque n'importe quelles circonstances».S'il s'agit bien ici de biographies, c'est donc au sens fort ; entendons : des histoires singulières où la suite des «événements» compte moins que la manière d'être au monde qui s'y manifeste. Ces différents styles d'être que l'auteur parvient à identifier et à restituer dans ce livre inclassable (car irréductible aux domaines de la philosophie politique ou de la critique littéraire) permettent de reconnaître en ces onze vies politiques autant de destins individuels.
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«Il y a déjà un certain temps que je cherche à découvrir l'origine de deux attitudes, connues depuis toujours : l'envie et la gratitude.
Je suis arrivée à la conclusion que l'envie était le facteur le plus actif pour saper, à leur base même, l'amour et la gratitude, dans la mesure où elle s'attaquait à la plus archaïque de toutes les relations humaines : la relation à la mère», écrit Melanie Klein. Au-delà de la seule expérience clinique, elle s'attache à une interprétation de Si j'étais vous, le roman de Julien Green, à une réflexion sur L'Orestie d'Eschyle, centrée sur le matricide, et à une analyse du sentiment de solitude. -
Marthe Robert prend pour point de départ un texte de Freud, «Le roman familial des névrosés» , pour analyser le phénomène romanesque à travers - entre autres - Defoe, Cervantès, Balzac ou Flaubert : «À strictement parler, il n'y a que deux façons de faire un roman : celle du bâtard réaliste, qui seconde le monde tout en l'attaquant de front ; et celle de l'enfant trouvé, qui, faute de connaissances et de moyens d'action, esquive le combat par la fuite ou la bouderie.»
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Voici le premier livre de l'auteur de L'effort pour rendre l'autre fou. Harold Searles était alors un jeune psychiatre psychanalyste traitant des malades mentaux à Chesnut Lodge et déjà, comme il le fut toujours, totalement engagé dans son travail thérapeutique. C'est pendant cette période que prit corps l'interrogation qui anime tout le livre : comment s'acquiert et comment se perd le sentiment d'identité personnelle, et d'abord celui d'être un être humain ? Pour nous assurer de notre humanité, nous n'avons que trop tendance à définir tout ce qui n'est pas nous en termes purement négatifs : nous en faisons du «non humain». Nous y englobons la nature, les animaux et parfois même nos semblables. Or, singulièrement chez les psychotiques, dont le sentiment d'identité est fragile, toujours menacé, cette bipartition ne tient plus. À l'angoisse panique de devenir non humain - une machine par exemple - répond leur désir de le devenir, de s'identifier à un paysage, à un arbre, à un chien...
Nul mieux que Searles ne sait rendre sensibles la proximité et l'étrangeté de la folie, ce que le délire porte à la fois de souffrance et de vérité.
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Correspondance avec le pasteur Pfister : 1909-1939
Sigmund Freud
- Gallimard
- Tel
- 3 Mai 1991
- 9782070722938
«Oskar Pfister (1873-1956), fils de pasteur, suisse, pasteur lui-même, découvre les travaux de Freud en 1908, soit peu de temps après les Trois essais sur la théorie sexuelle, et cette rencontre oriente tout le cours de son existence. Pendant près d'un demi-siècle, il va tenter de concilier en sa personne, et dans une production littéraire très variée, les exigences de la psychanalyse et celles de son ministère. [...] Si Freud taquine parfois le Seelsorger, celui qui prend soin des âmes, il respecte toujours son interlocuteur, assez pour tenir compte de ses avis, assez surtout pour le malmener. Aussi le voit-on, tout au long de cette correspondance, soucieux en chaque occasion de marquer, sous l'accord apparent, les différences. Pas un mot de son côté pour entretenir le malentendu - entre l'athée et le croyant, entre l'analyste et l'éducateur. Mais des réticences, des mises en garde, des points de doctrine vigoureusement réaffirmés quand leur oubli, de proche en proche, conduirait à émousser le tranchant de la découverte. Il arrive alors que ce soit le pasteur qui se fasse sermonner.» J.-B. Pontalis.
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Avant de constituer l'axe de la théorie psychanalytique, le conflit entre les pulsions de vie et les pulsions de mort, entre Eros et Thanatos, a été incarné par l'individu Freud : dans sa névrose et ses idées obsédantes, dans les rêves qui alimentent son auto-analyse, dans ses deuils et ses passions amicales, dans la souffrance de son corps. L'oeuvre freudienne, soumise aujourd'hui à tant d'exégèses, est ici reliée, avec une extrême précision, aux données biographiques, psychologiques, médicales et historiques. Elle en reçoit un éclairage nouveau. Elle apparaît comme une tentative, sans cesse reprise et menée plus avant, pour surmonter l'angoisse de mort. L'auteur (1897-1969), qui était à la fois le médecin personnel de Freud, depuis 1928, et psychanalyste, procède à une recension minutieuse des documents à sa disposition ; il s'appuie notamment sur des lettres à Wilhelm Fliess demeurées inédites. Son livre n'est pas une biographie linéaire ni un commentaire de textes, mais une lecture, singulièrement attentive, des archives entrelacées d'une histoire que le travail créateur a transformée en une oeuvre toujours vivante.