La barbe ne fait pas le philosophe « Femme, être incomplet et condamné à une éternelle enfance, tu prétends t'élever à la philosophie?! Quel aveuglement est le tien???» Les mots de Victor Cousin, personnage clé de l'institutionnalisation de la philosophie en France au XIXe?siècle, donnent le ton. La IIIe?République perpétue cette politique d'exclusion?: tandis que la philosophie est élevée au rang de couronnement des études secondaires et de pratique culturelle républicaine par excellence, chargée de suppléer la religion dans l'organisation morale de la société, elle se trouve exclue par la loi des cours prodigués aux jeunes filles.
Qu'est-ce donc qu'être philosophe en France entre 1880 et 1949 ? C'est d'abord et avant tout porter une barbe : être un homme. Pourtant, Plutarque défiait déjà quiconque de mesurer la sagesse du penseur à la longueur de son poil... Cette situation n'est pas sans susciter des rébellions, des transgressions, parfois des travestissements - et, ainsi, des évolutions.
Mêlant combats individuels et collectifs, cette enquête novatrice révèle un pan de l'histoire des femmes aux XIXe et XXe?siècles et fait ressortir une galerie de femmes philosophes qui s'affirment en dépit des obstacles?: de Jenny d'Héricourt et Julie Favre jusqu'à Dina Dreyfus et Simone de Beauvoir, en passant par Jeanne Crouzet, Julie Hasdeu, Clémence Royer, Jeanne Baudry, Léontine Zanta, Alice Steriad, Lucy Prenant, Hélène Metzger, Renée Déjean, Yvonne Picard, Simone Weil ou Marguerite Buffard Flavien.
« Vous nous en devez un?»?: les questions de la fécondité et de la maternité se posent de manière aiguë dans les familles royales et princières françaises, tant celles-ci doivent répondre à l'impératif de la loi salique, la reine n'étant vraiment reconnue dans sa fonction qu'après avoir enfanté.
Étudier les grossesses des princesses et des reines, depuis la consommation du mariage jusqu'à l'accouchement, le retour de couches et les premiers mois de l'enfant, permet de rendre compte de la centralité de cet objet à la cour. Les corps de ces femmes sont scrutés quotidiennement, afin d'y déceler les signes de la gestation d'un héritier pour le royaume. Les retards de règles sont une affaire publique, commentés jusque dans les ambassades européennes. Les ventres arrondis deviennent un outil politique pour fédérer les sujets autour de prières et de cérémonies religieuses, pour retarder une décision, détourner, parfois, le regard de l'opinion.
L'auteure montre également comment circulent les savoirs sur la grossesse et la maternité qui se constituent aux XVIIe et XVIIIe?siècles. Ceux des sages-femmes et chirurgiens accoucheurs d'abord, qui rivalisent pour ausculter et accompagner ces parturientes. Et ceux des princesses elles-mêmes, ensuite, qui échangent directement certaines de leurs connaissances et expériences, parfois au-delà des frontières. La cour apparaît alors comme un véritable laboratoire des pratiques périnatales.
Dans ce passage de l'intime, non au public, mais à l'officiel, l'auteure repense le rôle (politique) des reines qui tentent de faire respecter leur pudeur, négocient avec l'étiquette, voire mettent en place des pratiques de restriction des naissances pour ne plus être pour le royaume des «?moules à enfants?».
La domination masculine est un fait quasi universel?: plus de 80?% des groupes humains sont patrilinéaires et à fort pouvoir masculin. Le Néolithique, qui voit l'émergence de l'agriculture et de l'élevage, est sans doute une des périodes parmi les plus importantes pour comprendre comment et pourquoi nos sociétés sont encore aujourd'hui ainsi configurées. Examiner comment se constituent et interagissent les deux catégories sociales fondamentales que sont celles des femmes et des hommes lors du passage au statut d'agriculteurs-éleveurs sédentaires représente un enjeu majeur dans la recherche des origines des inégalités.
Les rapports de genre au Néolithique ont été encore peu explorés. Il faut néanmoins se montrer prudent, et fonder les conclusions sur ce que disent les données mobilisées. Or, le genre n'a d'existence que s'il s'accomplit, s'il est visible. Il se matérialise par des attributs, des postures et des gestes, par des habitudes, par la manière de conduire des activités. Cette matérialité bénéficie à la discipline archéologique dont le support principal est l'analyse des productions matérielles des humains sous toutes leurs formes?: parures, costumes et outillages, modes alimentaires, activités de subsistance, etc.
L'une des premières cultures néolithiques européennes, le Rubané, se prête parfaitement à une telle approche?: de nombreux caractères de cette société sont connus et peuvent être mobilisés pour faire ressortir les premières informations qu'il est possible d'énoncer sur les conditions des femmes au Néolithique.
Selon des représentations bien ancrées dans les esprits, le viol est commis dans un lieu isolé par un inconnu violent et armé. Pourtant en France, 9 fois sur 10, la victime connaît l'agresseur et dans ce cas une fois sur deux, le violeur est le conjoint ou un ex-conjoint.
Depuis longtemps, le viol est considéré en France comme un crime. Le viol conjugal faisait exception. Le mari avait le droit d'avoir des rapports sexuels avec sa femme, y compris contre la volonté de cette dernière et par la force. Depuis la loi du 4 avril 2006, le code pénal reconnaît le viol entre conjoints comme un viol aggravé. Pourtant, les victimes portent rarement plainte et lorsqu'elles le font, les affaires sont souvent jugées, non pas en cour d'assises comme tous les crimes, mais au tribunal correctionnel.
Le viol conjugal est occulté par son invisibilité, lorsqu'il a lieu entre les murs d'un domicile commun. Comme les autres violences sexuelles, il laisse peu de traces visibles : ni bleu, ni plaie. Le viol conjugal, crime du quotidien, est à l'opposé du fait divers.
Peu propice aux raccourcis accrocheurs, le sujet est éclairé par les contributions d'un collectif multidisciplinaire associant médecins, psychologues, sociologues et juristes. Ce livre montre l'urgence d'un infléchissement des pratiques judiciaires.
A travers la figure exemplaire des cheikhat, chanteuses traditionnelles autrefois respectées et honorées, aujourd'hui méprisées, repoussées aux franges de la misère et de la prostitution, c'est l'ensemble des mutations et contradictions du Maroc moderne que l'auteur donne à voir.
Entre tradition et modernité. Entre villes et campagnes. Entre islam et islamisme. Mais aussi entre tradition et folklore, entre émancipation et exploitation.
Quatrième étape d'une étude magistrale sur La France, les femmes et le pouvoir depuis le Ve ?siècle, ce volume explore les six premières décennies du XIXe?siècle. D'un empire à l'autre, en passant par le retour de la monarchie et celui de la République, la période a vu se consolider la domination des hommes sur les femmes à un point jamais atteint jusqu'alors en France. Entreprise difficile et conflictuelle, dans une société où la question de l'égalité des sexes était débattue depuis la fin du Moyen Âge, et où tant de femmes en avaient fait la démonstration.
D'où le déploiement sans précédent de constitutions, de lois, de mesures règlementaires, de théories pseudo-scientifiques, de discours historiques délibérément muets sur les femmes, mais aussi de violences verbales, physiques et symboliques destinées à asseoir le nouvel ordre et à confiner le sexe dit «?faible?» dans les emplois les plus déqualifiés, loin des lieux de pouvoir et d'excellence. Le tout sans parvenir à désarmer celles et ceux qui pensaient qu'une autre société était possible, et qui, exploitant toutes les failles du système, se donnèrent peu à peu les moyens de changer la donne, pour que l'égalité, la liberté, ne restent pas le bien des frères.
La grande taille apparaît au premier regard comme un attribut féminin enviable, signe de séduction et d'élégance. Pourtant, si l'on écoute ce que disent les femmes de TRÈS grande taille (mesurant plus d'1,77?m, soit 2 à 3?% de la population féminine), c'est une tout autre histoire, faite de difficultés à surmonter et de stigmates à déconstruire. Rejet, exclusion, gêne, tel est leur quotidien aux différents âges de la vie. Elles peinent aussi bien à s'accepter comme des personnes «?normales?» pouvant évoluer sereinement en société qu'à se construire comme de «?vraies?» femmes, malgré leur aspiration affirmée en ce sens.
Valorisation dans les imaginaires mais moqueries quotidiennes?: cet ouvrage vise à résoudre ce paradoxe de la très grande taille. Celle-ci serait gênante parce qu'elle perturbe les normes qui veulent que les femmes soient douces, fragiles, passives, et dominées physiquement par les hommes qui les entourent. Ces femmes hors norme remettent donc en cause, par leur simple existence, l'ordre genré du monde.
Sur la base d'une enquête, l'ouvrage retrace la trajectoire de ces femmes très grandes et s'intéresse à la manière dont elles apprennent, avec plus ou moins de succès, à contourner, à dépasser, à transgresser, à dénier, voire à renverser ces stigmatisations.
« A l'instar du feu sous la cendre, ces mêmes femmes simples, ordinaires, qui étaient négligées par les intellectuelles à l'époque du Chah, ce sont elles qui, aujourd'hui, incarnent le mouvement. Etant sorties hors des quatre murs de leur maison à la faveur de la révolution, elles ont commencé à se rencontrer et à se raconter dans les files de ravitaillement et ont enfin compris qu'elles ont une histoire, qu'elles sont l'histoire ».
Shahla Sherkat 1979. L'Imam Khomeiny demande la création d'une presse féminine « islamique ».
1992. Shahla Sherkat fonde Zanan, « Femmes », qui s'impose vite comme le premier, le plus libre, le plus critique, et le plus détonnant des magazines iraniens.
2008.L'hebdomadaire est fermé pour « raison administrative ».
2009.Trente ans après la révolution, CNRS éditions donne à lire, au public français, cet autre Iran que dévoile Zanan, de A comme Ayatollah à Z comme Zarathoustra, en passant par la guerre, l'embargo, le nucléaire, mais aussi la mode, le cinéma, la fête.
Elizabeth Anscombe (1919-2001) est l'une des grandes philosophes britanniques du xxe siècle. Influencée par Aristote et la scolastique médiévale, mais surtout par son maître Ludwig Wittgenstein, elle a renouvelé les débats en philosophie de l'action et en philosophie morale.
L'action est un sujet de perplexité pour le philosophe car, irréductible à un mouvement sans agent, elle engage une volonté, des intentions et des valeurs morales. Elle se situe donc entre philosophie de l'esprit et philosophie morale : préciser le rôle de la volonté et des intentions dans l'action nous éclaire sur les degrés de responsabilité - en particulier morale - de l'agent.
Dès lors, comprendre comment s'intriquent la spontanéité de l'action et sa dimension téléologique devient un enjeu majeur de la philosophie.
L'esprit en pratique explique pourquoi la philosophie de l'esprit selon Anscombe doit opérer un détour par la philosophie de l'action et décrire le « mental » dans ce qu'il a de visible. Mais aussi pourquoi toute considération sur l'éthique impose de s'appuyer sur une vision claire des motifs de l'action et du type d'agent qui en est le moteur.
En s'inscrivant pleinement dans les débats actuels sur la subjectivité, l'intentionalité, la responsabilité, la philosophie d'Anscombe renouvelle en profondeur la notion d'intention.
Que valent les formes de pensée traditionnelles face à l'apparition des régimes totalitaires ? La démocratie a-t-elle présenté des lacunes favorisant l'émergence en son sein de tels régimes ? Que devient l'idéal de progrès, de bonheur et de liberté des citoyens ?
Leo Strauss et Hannah Arendt ont tous deux affronté ce dilemme et posé la question de la portée de la philosophie politique. C'est leur démarche, strictement parallèle mais radicalement opposée, que Carole Widmaier confronte dans une étude stimulante : du constat de la crise à leur parcours dans l'histoire de la pensée et à leur rapport respectif à la tradition et à la modernité.
Tandis que Strauss invite à réhabiliter l'idée classique d'une nature humaine, Arendt montre la nécessité d'abandonner cette idée pour approcher l'existence humaine et ses différentes modalités. D'une part la défense d'un mode de vie philosophique retiré, la recherche de la vérité, de l'autre le " souci du monde " et l'attention à l'événement.
Une réflexion salutaire pour affronter les maux de la modernité et s'ouvrir au changement politique.
Le corps se réinvente par la couleur. Éphémère ou permanente, individuelle ou communautaire, la mise en couleur du corps s'inscrit dans des systèmes de représentations complexes. Capables d'aliéner la vision des formes et des volumes, la couleur et ses régimes symboliques se déclinent à l'infini.
Simple camouflage, effet de mode, affirmation individuelle, marquage identitaire, signal social, expression artistique, art sacré, figuration de l'invisible ? La réinvention du corps humain par les couleurs est une pratique universelle et un mode d'action engagé en fonction de correspondances établies entre l'Homme et la société, la nature ou l'univers. Le monde s'organise en couleurs dotées de sens qui participent à la construction des identités, des statuts, des émotions, des perceptions. Les couleurs sont alors signe et production de l'Homme.
Croisant les regards du chimiste, de l'historien, du physicien, du philosophe, du linguiste ou de l'anthropologue, cet ouvrage explore les formes, les significations, les valeurs, les fonctions multiples des modifications chromatiques du corps et de leurs variations dans le temps et dans l'espace.
Avec les mots, avec le corps, le genre s'impose. En ouvrant la bouche ou en nous habillant le matin, nous portons les marques du genre.
Nos moyens d'expression sont genrés. Nous en jouons et, ce faisant, nous élaborons un imaginaire de la différence sexuelle. Le plus souvent, nous nous contentons d'activer des stéréotypes. Étudier ces marques du genre est donc un vaste chantier, auquel cet ouvrage collectif entend contribuer.
Les mots d'abord. La langue continue à véhiculer de redoutables préjugés sexistes. En témoigne la règle apprise à l'école : « Le masculin l'emporte sur le féminin. » Mais l'écriture inclusive aujourd'hui proposée s'insurge contre la prééminence du masculin sur le féminin dans la langue française.
Et l'histoire des langues et des oeuvres littéraires donne bien des exemples de résistance à ce masculin qui s'impose comme neutre et universel.
Le corps ensuite. Des espaces de liberté se sont ouverts, mais les normes traditionnelles n'ont pas disparu. Le corps vêtu continue de dire le genre.
À moins de perturber le regard avec un travestissement, des pilosités inattendues ou une gestuelle inhabituelle, s'« attaquer » au genre, à son binarisme obligatoire et hiérarchisé, n'est pas chose facile.
Peut-on dépasser le genre ? L'annuler ? Créer du neutre ?
Après cinq siècles de République, Rome met en place un régime impérial, caractérisé par la figure du Princeps se plaçant au-dessus des institutions existantes.
Ce changement supprime-t-il le vote du peuple romain? L'étude des règnes fondateurs d'Auguste et Tibère (27 av. -37 ap. J.-C.) permet de définir le vote romain comme un rituel politique qui, tout en devenant une simple formalité, demeure, du moins tout au long du Ier siècle de notre ère, un moment incontournable de la vie politique à Rome. Cette formalité ritualiste, qui fait le lien entre République et Empire, confère au vote toute sa valeur et pourrait même donner une coloration démocratique à la vie politique romaine.
Popularisée en 1910 dans le cadre du projet de recrutement d'une force noire en Afrique occidentale, la catégorie de race guerrière est utilisée dans l'empire colonial français des années 1850 à la fin de la Première Guerre mondiale...
Popularisée en 1910 dans le cadre du projet de recrutement d'une ?force noire? en Afrique occidentale, la catégorie de ?race guerrière? est utilisée dans l'empire colonial français des années 1850 à la fin de la Première Guerre mondiale. Elle y désigne certaines populations jugées particulièrement aptes à porter les armes, pour des raisons à la fois biologiques et culturelles : Bambara, Wolof et Toucouleurs d'Afrique de l'Ouest, Sakalava de Madagascar et habitants des hauts plateaux du Vietnam partagent ainsi le privilège discutable d'avoir été considérés par les Français comme des ?soldats nés?, prédisposés à exercer et à subir la violence extrême des guerres des XIXe et XXe?siècles.
Menée à partir d'archives militaires, médicales et coloniales, cette étude retrace l'apparition et le développement d'une catégorie méconnue, fruit de la rencontre entre les officiers français et les populations colonisées, et mesure les conséquences concrètes et durables des stéréotypes raciaux sur la vie des individus. Elle propose ainsi une histoire nouvelle de la pensée raciale en France, attentive à ses contradictions, à ses effets pratiques et à ses mirages.