Twyla et Roberta avaient huit ans lorsqu'elles ont atterri dans la même chambre de l'orphelinat St. Bonaventure de Newburgh, au nord de New York. Quatre mois durant, elles sont restées inséparables - puis la vie les a éloignées. Des années plus tard, elles se recroisent trois fois de suite par hasard - dans un dîner, une épicerie, une manifestation.
Chacune, à l'occasion de ces retrouvailles inopinées, va se rendre compte à quel point elle est devenue étrangère à l'autre. Et pourtant, elles demeurent indéfectiblement liées par un événement terrible, remontant à leur enfance à l'orphelinat.
Twyla et Roberta ; l'une est noire ; l'autre est blanche ; mais laquelle ? Le lecteur ne le saura jamais - et c'est tout ce qui fait le vertige et la profondeur de cette histoire, que Toni Morrison a écrite « comme une expérience, dans l'idée d'eff acer toute trace de détermination raciale chez deux personnages pour qui la question de la race est déterminante ».
Un texte à la fois limpide et troublant, au coeur de problématiques qui agitent encore et toujours notre époque - la question raciale, l'identité, la violence, la diff érence, l'aliénation.
L'histoire se déroule dans l'Amérique des années 1950, encore frappée par la ségrégation. Dans une Amérique où le « White only » ne s'applique pas qu'aux restaurants ou aux toilettes, mais à la musique, au cinéma, à la culture populaire. L'Amérique de Home est au bord de l'implosion et bouillonne, mais c'est ici la violence contre les Noirs américains, contre les femmes qui s'exprime. Les grands changements amorcés par le rejet du Maccarthisme, par la Fureur de vivre ou le déhanché d'Elvis n'ont pas encore commencés. En effet, les Noirs Américains sont brimés et subissent chaque jour le racisme et la violence institutionnalisés par les lois Jim Crow, qui distinguent les citoyens selon leur appartenance « raciale ». Pour eux, le moindre déplacement, même le plus simple, d'un état à l'autre, devient une véritable mission impossible. En réponse à cette oppression, l'entraide et le partage ? facilités par l'utilisation du Negro Motorist Green Book de Victor H. Green qui répertorie les restaurants et hôtels accueillant les noirs dans différents états ? sont au coeur des relations de cette communauté noire dans une Amérique à la veille de la lutte pour les droits civiques.
La guerre de Corée vient à peine de se terminer, et le jeune soldat Frank Money rentre aux Etats-Unis, traumatisé, en proie à une rage terrible qui s'exprime aussi bien physiquement que par des crises d'angoisse. Il est incapable de maintenir une quelconque relation avec sa fiancée rencontrée à son retour du front et un appel au secours de sa jeune soeur va le lancer sur les routes américaines pour une traversée transatlantique de Seattle à Atlanta, dans sa Géorgie natale. Il doit absolument rejoindre Atlanta et retrouver sa soeur, très gravement malade. Il va tout mettre en oeuvre pour la ramener dans la petite ville de Lotus, où ils ont passé leur enfance. Lieu tout autant fantasmé que détesté, Lotus cristallise les démons de Frank, de sa famille. Un rapport de haine et d'amour, de rancoeur pour cette ville qu'il a toujours voulu quitter et où il doit revenir. Ce voyage à travers les États-Unis pousse Frank Money à se replonger dans les souvenirs de son enfance et dans le traumatisme de la guerre ; plus il se rapproche de son but, plus il (re)découvre qui il est, mieux il apprend à laisser derrière lui les horreurs de la guerre afin de se reconstruire et d'aider sa soeur à faire de même.
Home est le dixième roman de Toni Morrison. À travers l'histoire dure et torturée de ce jeune soldat, c'est un roman de la rédemption que nous offre ici l'auteur. Ce retour à l'Amérique du XX e siècle, avec une focalisation sur les années 1950, est un développement nouveau dans l'oeuvre de Toni Morrison, mais on retrouve pourtant les thèmes qui caractérisent son oeuvre. Elle laisse le lecteur découvrir ces années 1950 qui ne sont finalement que suggérées qu'à travers de petits indices. Elle laisse le souvenir de cette époque se reconstruire à travers les images distillées dans notre inconscient collectif. C'est encore et toujours dans la suggestion que l'art de Toni Morrison se révèle. Elle réussit à faire d'un roman finalement assez court une véritable oeuvre tout en subtilité, en vérités voilées qui se glissent progressivement jusqu'au lecteur avant d'exploser au grand jour.
Rachel a fait de la restriction calorique sa religion. À 24 ans, sa vie est rythmée par de petits rituels créés dans l'espoir de garder le contrôle de son alimentation. Son obsession : ne pas prendre de poids. Mais lorsqu'elle rencontre Miriam, ses certitudes vacillent... Car Miriam, son corps épanoui, ses rondeurs, ses yaourts glacés et sa famille juive orthodoxe, l'attire irrésistiblement. Alors, quand son désir charnel se confond presque avec l'appétit renouvelé pour les plaisirs de la table, et que le sentiment d'avoir trouvé une famille s'en mêle, la vie de Rachel se complique sérieusement. Les Sept Nuits de Miriam confirme le talent et surtout l'imagination débordante de Melissa Broder. Elle nous offre ici une histoire très contemporaine d'appétit, de sexe et de quête spirituelle.
Ils sont trois, une femme et deux hommes. Alors qu'il est toujours plus difficile d'accéder à l'emploi au sortir de ses études, ces trois personnages banals et sans liens apparents se voient proposer un travail à l'Usine.
L'Usine, un gigantesque complexe industriel de la taille d'une ville et qui s'étend à perte de vue, jusqu'aux montagnes environnantes. C'est là qu'ils vont désormais travailler, à des postes pour le moins curieux : l'un d'entre eux est chargée d'étudier des mousses pour végétaliser les toits, un autre relit des écrits de toutes sortes et les corrige. La dernière, elle, est préposée à la déchiqueteuse, et passe ses journées à détruire des documents. Très vite, la monotonie et l'absence de sens les saisit, mais quand on n'a pas le choix car il faut bien gagner sa vie, on est prêts à accepter beaucoup de choses... Même si cela implique de voir ce lieu de travail pénétrer chaque strate de leur existence ?
Dans une ambiance kafkaïenne où la réalité perd peu à peu de ses contours, et alors que d'étranges animaux commencent à rôder dans les rues, les trois narrateurs se confrontent de plus en plus à l'emprise de l'Usine.
Hiroko Oyamada livre un roman sur l'aliénation au travail où les apparences sont souvent trompeuses.
D'où viennent les histoires ? C'est la question que se pose la narratrice, une écrivaine et universitaire. Pour y répondre, elle se remémore plusieurs épisodes de sa vie, nous invitant à la suivre à Moscou pendant ses études, au Japon dans les sanctuaires d'Inari, au coeur des champs de mines du centre de la Croatie, sur la rive sud du Grand Canyon - en compagnie d'un certain Nabokov - ou encore dans un quartier délabré de Londres. À travers ces voyages, elle file le motif fascinant de la Renarde, démone virtuose de l'illusionnisme dans les mythologies asiatiques, érigée par certains en animal totem échu aux écrivains. Ce récit introspectif est ponctué d'anecdotes picaresques sur des figures du canon littéraire russe.
En se demandant ainsi comment naissent les récits, une nouvelle histoire est née. La Renarde est un texte vigoureux, enjoué, insaisissable et virtuose : une réflexion sur la figure de l'auteur et les oubliés de la canonisation littéraire.
Marina Jarre eut du mal à se faire à l'idée qu'elle appartenait à une famille. La sienne lui paraissait lointaine, éclatée entre plusieurs langues, cultures, et appartenances religieuses. Dans ce grand récit autobiographique en n traduit en français, elle évoque cette étrangeté dans une prose singulière et dépeint l'interrogation lancinante qui l'habita toute sa vie, sur sa place de fille, de mère et d'autrice.
Roman de formation autant que témoignage d'une exilée perpétuelle, Les Pères lointains nous offre une étonnante traversée du vingtième siècle
C'est par un bruit que tout commence. Un grondement sourd venant de loin qui annonce la catastrophe imminente : le rombo. Esther Kinsky donne à entendre ce grondement - mais surtout les voix de sept habitants d'un village isolé du Frioul - pour nous raconter le tremblement de terre du 6 mai 1976 qui a dévasté le nord-est de l'Italie. Des maisons détruites, un paysage profondément remodelé - et des femmes et hommes qui ne se reconnaissent plus dans ce qui était leur environnement naturel.
Dans une prose virtuose, Rombo est le récit poignant d'un séisme, mais aussi une réflexion sur la place de l'homme dans la nature, au plus près de son sujet.
Elles avaient 17 ans et des corps bronzés et parfaits. Elles avaient prévu une joyeuse escapade par une chaude journée d'été. Elles prévoyaient d'aller se baigner dans un beau lac isolé et de rentrer au camp avant que l'on ait remarqué leur départ. Ce qu'elles n'avaient pas prévu, c'est qu'elles
seraient suivies par deux garçons errant dans une gare abandonnée.
Combien d'histoires terrifiantes n'ont pas été racontées autour d'un feu de camp entre deux chamallows grillés ? Voici celle de trois adolescentes à la fin des années soixante-dix, trois pompom girls qui décident de filer en douce de leur camp d'été à bord de la Mustang décapotable de l'une d'elles dans l'espoir de se baigner dans le mystérieux Lac des Amants. Dans leur insouciance, elles sourient à deux garçons croisés en chemin. Cette journée de rêve prend soudain des allures terribles, tout cela parce que Kristy a souri au mauvais moment, au mauvais endroit, aux mauvais garçons.
1917. William Moreland, ancien détrousseur de grands chemins, n'est plus que l'ombre de lui-même. Brisé par la mort de son grand amour, Mary Boulton - celle qu'on appelait autrefois « la Veuve » - et harassé par des années de cavale, il ressurgit à la frontière du Montana, prêt à tout sacrifier pour assurer l'avenir de son fils, Jack. Le jeune orphelin vit comme un animal en cage dans une lugubre demeure, sous la férule à la fois bienveillante et inflexible de Soeur Beatrice. Du haut de ses 12 ans, Jack n'a qu'un seul désir : tel son père, fuir à son tour, et trouver refuge dans la vieille cabane familiale tapie dans les bois. Au risque de déclencher une traque folle pour le retrouver.
Avec cette étonnante saga familiale, qui tient à la fois de la tragédie faulknérienne et de La Nuit du chasseur, Gil Adamson nous entraîne dans les paysages rudes et majestueux des Rocheuses, au coeur d'un grand Ouest américain bouleversé de fond en comble à l'aube du XXe siècle. Ce vaste roman aux accents westerns, porté par une prose flamboyante et par le souffle de l'aventure, met en scène des personnages inoubliables, animés par l'énergie du désespoir et de l'amour filial.
Alors qu'elle est à peine âgée de trente ans, Euphrosinia Kersnovskaïa voit l'URSS imposer le joug soviétique à la Bessarabie, où sa famille s'est installée après la révolution. Victime de la collectivisation, Euphrosinia perd tout. Très vite, elle est envoyée sur un chantier d'abattage de bois en Sibérie. Elle s'évade, erre des mois seule dans la taïga, puis finit par être arrêtée et condamnée à des années de camp - pour finalement travailler dans des mines de charbon. Une fois libre, elle produit cette oeuvre inouïe : un récit où le témoignage écrit cohabite avec des dessins réalisés sur des cahiers d'écolier - en illustrant elle-même son histoire, elle restitue dans les moindres détails les scènes dont elle a été témoin et auxquelles elle a participé.
Sa destinée s'apparente à celle des plus grandes héroïnes de roman. On se demande avec stupéfaction comment autant d'épreuves et de malheurs peuvent tenir en une seule vie : Euphrosinia affronte les obstacles de sa vie d'un coeur pur et candide, faisant toujours passer les autres avant elle-même. Le dessin, qui aurait pu n'être pour elle qu'un simple passe-temps, devient entre ses mains la lance de Don Quichotte qui lui sert à pourfendre inlassablement le mal.
Écrit à l'insu des autorités, Envers et contre tout est le récit d'un destin hors du commun. Un témoignage fort et inspirant, l'odyssée d'une irréductible qui constitue une source de joie profonde, un antidote aux compromissions et à la peur, au mensonge et à l'oubli.
À la sortie d'un concert où elle s'était rendue avec une voisine de son âge, Yésica, quinze ans est enlevée. La disparition de l'adolescente secoue Sant Antoni, le quartier populaire de Barcelone dans lequel les deux jeunes filles ont grandi. Pendant des années, on ne trouve aucune trace d'elle, laissant Désirée traumatisée par les circonstances de la perte de sa camarade.
Jusqu'au jour où cette dernière réapparaît vivante. Brisée, elle refuse catégoriquement de raconter l'enfer qu'elle a vécu.
Seule Désirée, qui ne l'aimait pourtant pas beaucoup, semble la comprendre.
Des années plus tard, Désirée participe à un atelier d'écriture au centre pénitencier de Wad-Ras. Peu à peu elle révèle aux autres prisonnières captivées ce qui s'est véritablement passé.
D'allumettes et d'écailles se lit avec le suspense addictif d'un roman policier et la tension glaçante d'une histoire d'horreur, en renouvelant les codes de ces genres littéraires. Toute l'attention est concentrée sur les victimes, sur la vie quotidienne de deux adolescentes ordinaires secouées par la terreur.
À Buenos Aires, une mystérieuse faussaire a atteint le statut de légende. Imitatrice de génie et peintre de talent, la Negra s'est entourée d'artistes et comparses pour inonder le marché de l'art d'« authentiques faux » - se spécialisant elle-même dans les portraits de la célèbre Mariette Lydis. Nuit après nuit, tous se rassemblent dans un étrange établissement appelé Hôtel mélancolique.
Enriqueta Macedo était l'une d'entre eux ; amie et mentor de la narratrice, elle lui a raconté cette fascinante histoire. Des années plus tard, cette dernière revient sur cette rencontre qui a façonné sa vie, son initiation au monde de l'art, et l'histoire de la Negra. Passionnée par cette figure mystérieuse disparue sans laisser (trop) de traces, elle se penche d'abord sur la figure centrale de Mariette Lydis, plonge dans les archives de la bande de l'Hôtel mélancolique et en interroge les anciens camarades pour tenter de tracer en creux le portait de l'insaisissable Negra.
Mêlant personnages réels et imaginaires, María Gainza enveloppe et envoûte son lecteur par touches, oscillant entre humour, délicatesse et triviale réalité. Porté par l'obsession et plein de subtiles surprises, Portrait d'une inconnue est une méditation passionnante sur ce que nous entendons par « authenticité » - dans l'art et ailleurs -, et une exploration de l'écart entre ce qui est vécu et ce qui est dit.
En surface, Dans la maison rêvée pourrait être considéré comme un témoignage : Carmen Maria Machado a vécu avec une femme une intense histoire d'amour qui s'est peu à peu muée en une relation faite d'emprise et de brutalité. Mais comment analyser et comprendre son expérience sans récits antérieurs auxquels se raccrocher ? Il n'existe en effet que peu d'archives queer, et presque pas de témoignages sur le tabou de la violence conjugale au sein de couples homosexuels.
Pour raconter ce qu'elle a vécu, Carmen Maria Machado a donc inventé une forme pyrotechnique qui n'appartient qu'à elle et qui étonnera plus d'un lecteur. En déroulant de courts chapitres dont chacun joue sur les codes d'un genre littéraire particulier (du roman fantastique à l'histoire horrifique en passant par... le livre dont vous êtes le héros), Dans la maison rêvée ne se contente pas de relater les faits d'une histoire singulière : il interroge aussi la force des clichés et des représentations, dissèque les mythologies qui fondent notre rapport aux autres, que celles-ci proviennent des contes de fées ou de la pop culture. Un récit nécessaire, furieusement innovant, et qui fait l'effet d'une détonation.
« On me pose très souvent la même question depuis que j'ai été nommée première danseuse étoile noire américaine à l'American Ballet Theatre. Et maintenant ? [...] Le plus souvent, lorsqu'on m'interroge sur mes projets pour l'avenir, je hausse les épaules, souris, et réponds : "répéter".
Les annonces de nomination se font de manière inattendue et elles ne se basent sur aucun modèle défini, cependant il était normal que j'apprenne la mienne dans le studio où j'ai passé tant de temps ces dernières années depuis que j'ai intégré la compagnie de l'American Ballet Theatre en 2000. [...] La nouvelle fut une surprise totale. [...] j'ai fondu en larmes. Comment aurais-je pu réagir autrement quand mon plus grand rêve venait juste de se réaliser? » Misty Copeland
Rosary, Californie. Ici, pas de palmiers et de plage dorée mais une raffinerie de pétrole, une décharge de pneus et de fervents chrétiens évangéliques. C'est ici que Helen tente de vivre une adolescence normale, malgré le décès de sa mère et un père à côté de la plaque. Heureusement, elle peut compter sur le soutien de sa bande d'amis plus ou moins marginaux, les « Têtes-de-bite », et sur celui de sa tante, une voyante mal tolérée par la communauté.
Alors que les adolescents se cherchent à coups d'Action ou Vérité et d'antiques romans porno, la tension monte à Rosary : le cabinet de voyance de la tante de Helen est de plus en plus menacé, et quelques-uns de ses amis commettent des actes qui pourraient leur coûter cher.
Des dieux sans majuscule déborde de personnages aussi tordus que touchants. À les voir se lancer dans l'exploration hasardeuse de leurs coeurs respectifs, on glane de quoi réviser sa copie sur l'art et la manière de bâtir une famille face à un avenir dont on ignore tout.
Cahiers d'enfance est le sixième ouvrage publié par Norah Lange. en 1937. Il marque le passage définitif de la poésie à la prose de celle qui fut une amie de Borges et la muse des poètes ultraïstes. L'auteur y relate des fragments de son enfance. depuis le voyage à Mendoza avec ses parents et ses soeurs jusqu'au retour de la famille à Buenos Aires, après la mort du père : événements marquants, personnes côtoyées, mais aussi obsessions et rituels mis en place pour les éloigner... Construit en courts épisodes, ces Cahiers évoquent un album de photos, tant le regard y joue un rôle primordial - un regard curieux de tout. lucide, sans concession. Aussi bien par la qualité de son écriture - à la fois dense et légère, toujours percutante et résolument moderne - que par l'ambition expérimentale soutenue de ses recherches esthétiques. Norah Lange est incontestablement l'un des grands écrivains de la littérature argentine. Cahiers d'enfance est " l'un des plus beaux et des plus lumineux livres de souvenirs d'enfance de la littérature latino-américaine. " (César Aira).
Il est quatre heures du matin dans la gare de Peterborough, en Angleterre. Un renard solitaire trotte sur les voies tandis que le silence est parfois rompu par le lent crissement d'un train de marchandises. Un homme se croyant seul se dirige vers une partie isolée de la gare, au bord du quai numéro 7, et se jette sur les rails. Ce qu'il ne sait pas, c'est qu'il est observé par Lisa Evans, ou plutôt par son fantôme : elle aussi est décédée au même endroit, dix-huit mois plus tôt.
Deux décès en dix-huit mois : pourraient-ils être liés ? Personne n'est plus désespéré de comprendre ce qui les relie que Lisa Evans elle-même. Après tout, elle a été la première des deux à mourir. Et elle est bien décidée à comprendre ce qui a poussé cet inconnu à commettre l'irréparable.
Quai numéro 7 décrit la mécanique implacable qui peut faire basculer les vies dans la tragédie, et transformer l'amour en une relation d'emprise et de manipulation. Louise Doughty explore les zones d'ombre présentes au coeur de nos vies.
Carmen Mondragon est plus connue sous son nom d'artiste Nahui Olin. Dans les années 1920-1930, celles de la Révolution d'Emiliano Zapata et de Pancho Villa, elle est " la plus belle femme de Mexico ". Fille préférée du général Mondragon, Carmen épouse Manuel Rodriguez Lozano pour échapper à l'emprise familiale. Après un long séjour en Europe et la mort du général, Carmen quitte son mari. Elle fréquente alors le monde artistique et intellectuel de Mexico, peint, écrit des poèmes, pose pour Diego Rivera et le photographe Edward Weston. Elle entretient une relation passionnelle avec Gerardo Murillo (" Docteur Atl "), artiste violent et caractériel qui contribuera à sa légende. Par l'entremise du poète Homero Aridjis qui la rencontre, vieillissante, vendant des cartes postales d'elle jeune, Pino Cacucci tire de l'oubli cet extraordinaire personnage féminin dont le destin s'inscrit dans la lignée de ceux de Frida Kahlo et Tina Mondotti. Il donne forme à une grande histoire d'âmes en révolte contre le monde, tourmentées et guidées par un rêve de liberté si élevé qu'elles ne peuvent l'atteindre.
au début de l'été, ward, 15 ans, passe son temps à la plage.
alex l'incite à venir à une fête chez beth, riche en alcools, en filles et en toute autre occasion de s'amuser. mais ward est timide et renfermé, il lutte pour se défaire de l'emprise de son père. ward préfère attendre la bonne vague sur la plage. il n'est heureux que lorsqu'il prend sa planche et va surfer, pour échapper provisoirement à ses angoisses. comme le soleil s'approche du zénith, les courants changent et ward se trouve confronté à un événement spectaculaire qui bouleversera sa vie à tout jamais.
un court roman d'apprentissage sensuel et enivrant qui décrit à la perfection les gênes et les défis de nos quinze ans, un conte où se mêlent danger et sexualité, sur les mères et leurs fils, sur les pères qui les dominent et sur la mer.
Le ciel est bas sur Berlin, il neige. Une femme, qui, des décennies plus tard,aurait pu s'appeler Christa T., délaissée par les hommes qu'elle a aimés, le mari parti expliquer le monde à une jeune femme en jupe courte, et le fils mutique, écrit. Une femme à la soixantaine, solitaire comme tant d'autres, dans la ville écartelée entre l'Est et l'Ouest, une femme de la génération d'après-guerre, en RDA, une génération sacrifiée. Cette histoire est une quête d'identité, un voyage dans le passé avec superposition de sa propre histoire et de celle, enfouie, de sa famille, et un voyage en Pologne, à Katowice, où elle fait revivre une histoire d'amour et d'espionnage de son père. Dans un café d'avant la guerre, un café patiné par le temps, avec piste de danse sur laquelle évoluent des femmes qui ont l'élégance de ces années-là. Pas comme les amies du passe d'Elisabeth Schlosser, ces femmes du Berlin-est d'avant la chute du mur, qui n'ont rien, elles, que leur force, leur amitié, leur liberté. Ces femmes dépourvues de tout, ce sont elles, en fin de compte, les femmes libres. Le passé envahit le présent, les scènes se superposent, dans une atmosphère chargée de mélancolie, le rêve et le réel se mêlent. Les grues, les pelleteuses qui envahissent son quartier, sa propre maison, ne peuvent venir à bout de l'énergie forcenée de cette solitaire. Elisabeth Schlosser, toujours, se redresse, avec son bonnet de laine râpé, grandiose sous la neige dont les flocons font renaître une forme, la forme d'une maison, d'un lieu enfoui. Il neige.
Après son entrée en littérature très remarquée avec le roman Le Nageur paru en France en 2004 (« la plus belle découverte qu'on vienne de faire », Les Inrockuptibles, « une révélation littéraire », Le Journal du dimanche », « un récit subtil de la mélancolie et de la perte »), Zsuzsa Bánk, jeune auteur allemande d'origine hongroise, nous revient avec un recueil de nouvelles fascinantes consacrées à la séparation, au départ et aux adieux. De New York au Canada en passant par l'Australie et l'Europe, à travers douze récits, Zsuzsa Bánk brosse une galerie de personnages attachants et fragiles : une conférencière qui retrouve, dans une ville de l'est, une famille perdue de vue depuis longtemps, un gigantesque poète new-yorkais à la recherche de son petit amant à la peau blême, deux amies d'enfance isolées du monde par le froid et la neige du grand nord, un couple à la recherche du lieu idéal dans la fournaise australienne, l'étrange ballet amical de deux femmes après la mort d'un garagiste écrasé par un moteur de voiture... Faisant preuve d'une remarquable maîtrise de la langue, maniant l'ellipse, l'intuition, l'empathie, Zsuzsa Bánk déploie une fois de plus dans ce recueil tout son art littéraire pour donner le jour à des nouvelles attachantes, poignantes, parfois brutales à force de pureté et de force du récit et du langage.
Automne 1918, Elm City, Caroline du Nord. Des rumeurs d'une paix prochaine en Europe commencent à se répandre, mais se répandent encore plus vite les premiers cas de grippe espagnole, annonciateurs de la terrible épidémie qui va ravager le pays. Maureen Ross vit une grossesse difficile, dans l'indifférence de son mari. Fille d'une famille pauvre du delta du Mississipi, elle a épousé Troop Ross, grosse fortune de Caroline du Nord, et l'a suivi à Elm City. Troop, qui est un homme froid et coupé de ses sentiments, incapable de s'émouvoir pour autre chose que son statut social et son prestige, s'est acharné au fil des années de leur mariage à étouffer l'énergie vitale de Maureen, ne reculant devant aucun traitement médical, aussi cruel soit-il, pour en faire une marionnette correspondant à son idéal de l'épouse docile. Maureen est à présent une femme brisée ; alors qu'elle approche de son terme sans nouvelles de sa famille ni soutien de son mari, elle se sent de plus en plus isolée et perd jusqu'à l'espoir de survivre à l'accouchement. C'est dans ce foyer sans amour qu'arrive Mary Oliver, la nièce de Troop. Enfant choyée d'une riche famille de libres-penseurs de Washington - chez qui les uns pratiquent le nudisme et se passionnent pour la science et la psychologie modernes, les autres parlent aux
fantômes, et tous prônent l'amour et la liberté - Mary est envoyée par sa mère pour aider Maureen dans les dernières semaines de sa grossesse. Horrifiée par le comportement de Troop, elle comprend vite que son devoir est de protéger sa tante.
A mesure que l'épidémie de grippe se répand et que le nombre des victimes augmente, la peur s'empare de la ville et la tension monte dans la maison des Ross. Troop harcèle sa femme avec une virulence redoublée, lui reproche sa "basse extraction", cache les lettres de sa mère, terrorise le personnel. Mais, soutenue par l'amour de Mary, Maureen va trouver la force de renaître à elle-même et de rejeter la tyrannie destructrice de son mari pour s'ouvrir à la vie, triomphant de la mort qui s'acharne sur la maisonnée...
L'intrigue se situe dans la campagne anglaise, autour de la magnifique demeure de la famille d'Eugenia Malmains, où gravite une poignée de jeune gens de la bonne société, en quête du grand amour... ou du grand mariage.
Les deux protagonistes principaux sont deux jeunes représentants de cette classe privilégiée : Noel Foster vient de toucher un petit héritage et abandonne son travail dans la City ; Jasper Aspect, un ami désargenté, a une morale plutôt élastique et exerce sur lui une influence douteuse. À l'instigation de ce dernier, ils décident de se mettre en quête d'une riche héritière que l'un d'eux (mais lequel ?) pourrait épouser, et jettent leur dévolu sur le village éloigné de Chalford, où réside la très jeune Eugenia Malmains, héritière de la plus grosse fortune d'Angleterre. À peine arrivés, ils tombent sur elle tandis que, debout sur une baignoire retournée, elle harangue quelques villageois ébahis. Eugenia est en effet tout acquise à la cause des Union Jackshirts, mouvement ouvertement fasciste. Sitôt rentrés à leur hôtel, Jasper et Noel rencontrent deux jeunes femmes arrivées incognito sous les noms de miss Smith et miss Jones. Miss Smith - en réalité Mme Poppy St. Julien - accompagne son amie lady Marjorie Fitzpuglington, qui s'est enfuie après avoir rompu ses fiançailles. Les choses vont encore se compliquer le lendemain, lorsqu'entre en scène la beauté locale, Anne-Marie Lace, mariée à un hobereau du cru profondément ennuyeux. Deux idylles se nouent aussitôt : entre Jasper et Poppy d'une part et entre Noel et Anne-Marie d'autre part.
Ainsi détournés de la poursuite d'Eugenia, les deux compères se trouvent entraînés dans de nouvelles péripéties : une garden-party donnée par la grand-mère d'Eugenia dans le parc de Chalford ; un spectacle où défileront des personnages historiques interprétés par tous les proches d'Eugenia. N'écoutant que sa passion politique, celle-ci veut transformer la réunion en un vaste rallye de soutien à ses partisans. C'est compter sans un groupe d'artistes d'avant-garde proche d'Anne-Marie, farouchement opposés aux fascistes... La fête se termine par un vaste pugilat, connu depuis lors comme la Bataille de Chalford Park.
Derrière l'humour se cache ici une peinture de l'attraction pour le fascisme et le nazisme qui caractérisa une minorité de l'aristocratie anglaise de cette époque. Sous forme d'une satire échevelée, à travers les aventures rocambolesques d'une galerie de personnages appartenant en majorité à l'" Upper class " britannique, c'est un tableau presque documentaire que brosse ici Nancy Mitford.
Il s'agit d'un des premiers romans de Nancy Mitford, publié en 1935 et jamais réimprimé depuis 1951, sur demande de l'auteur qui craignait de se fâcher avec ses proches. En effet, elle s'inspire largement du parcours de ses soeurs Unity et Diana pour les personnages qu'elle met en scène dans Wigs on the green. Car sous les traits d'Eugenia se dessine la silhouette de sa petite soeur Unity, qui a voué un culte à Hitler au point d'effectuer de nombreux voyages en Allemagne pour assister aux congrès des nazis dont elle partageait les pires convictions. Au-delà de Unity, cette caricature touchait une autre de ses soeurs, Diana : cette dernière avait épousé le riche Bryan Guiness à l'âge de 19 ans avant de le quitter en 1933 pour épouser Oswald Mosley, le leader du BUF, parti fasciste anglais. C'est de ce dernier que Nancy Mitford s'est ouvertement inspirée pour créer le personnage de Captain Jack, qu'elle moque volontiers dans Wigs on the green. Nancy Mitford avait bien anticipé les réticences de ses soeurs à l'égard de ce texte. Pour éviter de vexer Diana, et de crainte qu'Oswald Mosley n'en fasse interdire la publication, elle avait d'ailleurs demandé à Diana de relire le manuscrit et de lui donner son accord. Laquelle avait alors exigé que trois chapitres consacrés à Mosley soient supprimés et resta brouillée avec Nancy pendant de nombreuses années.
Ces tensions familiales, ajoutées à l'évolution du contexte international dans lequel les nazis avaient pris une importance plus que démesurée et néfaste, ont conduit Nancy Mitford à s'opposer à la republication de Wigs on the green malgré les demandes insistantes de son éditeur. Voici ce qu'elle écrivait à son amie Evelyn Waugh en 1951 : " Trop de choses se sont produites depuis pour que les plaisanteries au sujet des nazis soient drôles ou relèvent d'autre chose que du pire mauvais goût. Donc c'est hors de question. " Née le 28 novembre 1904 à Londres, Nancy Mitford est la fille de David Freeman-Mitford, deuxième Lord Redesdale. Aînée d'une fratrie de sept filles, elle fut élevée avec ses soeurs de façon plutôt atypique dans le manoir d'Asthall dans l'Oxfordshire. Sa famille n'avait en effet pas seulement la réputation de tolérer l'originalité, mais aussi de la cultiver. Célèbre pour le rôle prépondérant qu'elle a joué dans la vie mondaine entre les deux guerres, aussi bien en Grande-Bretagne qu'en France, Nancy Mitford a écrit de nombreux ouvrages : des biographies, parmi lesquelles celles de Voltaire et de Frédéric le Grand ; un essai intitulé Noblesse oblige dans lequel elle a élaboré la classification U and non-U, quintessence du snobisme britannique, qui répertorie les usages U (c'est-à-dire upper class, aristocratiques) et non-U (propres à la petite bourgeoisie, et donc à proscrire) ; et des romans. Elle connut notamment un grand succès avec À la poursuite de l'amour. Elle fut l'amie de Gaston Palewski, un des lieutenants du général de Gaulle, pour qui elle quitta l'Angleterre et vint s'installer à Paris. Mais il lui brisa le coeur en se remariant avec une autre de ses maîtresses. Elle mourut à Versailles le 30 juin 1973 des suites d'un cancer.
" 44 est une réponse à la vie qui se déroule autour de moi tandis que je vis et travaille avec ma famille à la maison.
ce n'est ni un carnet de bord ni un journal intime, ce ne sont pas des mémoires, mais plutôt une sorte d'album poétique, un endroit où je peux rassembler les différents textes issus des événements, nouvelles et autres informations qui adviennent tous les jours dans mon univers domestique. ( ... )
quarante-quatre textes de genres différents (...) parce que la vie à la maison est comme elle est : chaotique, indécise, fragmentaire.
comment pourrais-je être grandiose, tant en dimension qu'en intention, quand le brouillon d'une nouvelle se trouve griffonné à côté d'une assiette de weetabix laissée en plan oe"
kirsty gunn nous attire vers les confins les plus privés de son monde tout en se situant dans une tradition littéraire. elle convoque des auteurs de littérature de jeunesse, c.s. lewis et james barrie, et d'autres grands écrivains anglo-saxons, george eliot, virginia woolf, angela carter, raymond carver ou toni morrison.