À l'automne 1918, la Première Guerre mondiale à peine terminée, les généraux cèdent la place aux hommes d'État qui doivent définir les termes de l'armistice et ouvrir les négociations de paix. Des femmes politiquement engagées, notamment dans le mouvement pour le suffrage des femmes, n'entendent pas laisser les hommes décider seuls et demandent qu'une délégation soit reçue et admise à la table des négociations alors que doit se tenir Conférence de la paix, à Paris. Le refus du président des États-Unis, Woodrow Wilson, et du Premier ministre britannique, David Lloyd George, n'entame en rien leur détermination à agir : les femmes s'organisent entre elles et se préparent à exiger l'égalité des sexes et la justice sociale ainsi que des mesures pour instaurer une paix durable dans le monde d'après-guerre. La Conférence de la paix de Paris suscite une vague de militantisme féminin sans précédent, attirant sur la scène internationale des femmes venues du monde entier pour défendre simultanément la paix, la démocratie et les droits des femmes. Tel est le point de départ de cet ouvrage, dont le fil rouge pourrait être que « Nul ne peut se croire autorisé à parler au nom des peuples tant que les femmes seront exclues de la vie politique des nations », selon la formule de la féministe et suffragiste française Marguerite de Witt Schlumberger.
Les femmes des pays engagés dans la Première Guerre mondiale, qui ont dû remplacer dans tous les domaines les hommes partis au front, ont « accompli de grandes choses » et pris conscience de leur valeur. Pour elles, « impossible de revenir en arrière ». La Conférence de la paix se devait de reconnaître pleinement leurs droits. Le combat sera long...
Très documenté et précis dans la relation des faits historiques, Artisanes de la Paix est parsemé de notations sur la personnalité et la vie des femmes dont Mona Siegel fait le portrait, retraçant leur parcours pour s'émanciper des normes imposées par la société et par leur milieu d'origine, mettant en valeur leur capacité à s'organiser dans leur lutte incessante pour les droits des femmes dans tous les domaines - droit de vote, travail salarié, travail domestique, etc. - tant au niveau national qu'au niveau international.
Le livre vient de recevoir aux États-Unis le prix Elise M. Boulding Prize in Peace History.
« Je suis féministe, je voudrais faire quelque chose de concret mais je ne sais pas par où commencer. Vous avez des conseils ? ».
En voyant ce genre de message s'accumuler sur leurs réseaux sociaux, les deux activistes féministes Sarah Constantin et Elvire Duvelle-Charles ont compris qu'il manquait un livre. Un manuel pratique pour guider la nouvelle génération de féministes dans l'activisme. Leur expliquer comment transformer leurs idées en actions concrètes et leur montrer comment, chacune à son niveau, seule ou en groupe, que Sarah et Elvire avaient les moyens de faire évoluer la société.
Ce livre s'inscrit dans la ligne directe de ce qu'elles ont déjà commencé à bâtir avec leur série documentaire Clit Révolution, un road-trip autour du monde pour lever les tabous autour de la sexualité féminine. Ce travail leur a permis de donner corps à une communauté de femmes qui osent revendiquer leur sexualité pour changer les mentalités de la société et créer un débat public.
À leur contact, elles se sont enrichies de nouveaux savoirs et ont appris de nouvelles méthodes d'activisme toutes plus étonnantes et créatives les unes que les autres.
"Le féminisme irréductible - Discours sur la vie et sur la loi", essai majeur de la théoricienne et militante américaine Catherine MacKinnon, se porte aux racines de la misogynie et des violences exercées contre les femmes et éclaire de manière inédite la construction des rapports sociaux de sexe.
Pour l'autrice, la domination masculine est d'abord une domination sexuelle qui s'inscrit ensuite dans le champ social, légitimant et renforçant ainsi la hiérarchie entre les hommes et les femmes. Elle parle en ce sens de la violence sexuelle comme pratique sexuelle, des abus sexuels comme forme de terreur, de l'éventualité du viol comme une caractéristique de la vie courante des femmes, de la pornographie et de la prostitution comme instruments de soumission des femmes, des normes juridiques comme concourant au maintien du statu quo au bénéfice des hommes... Par la force de ces analyses et par son action, Catharine MacKinnon a largement fait évoluer le droit et la société américaine. Elle est ainsi, avec Andrea Dworkin, à l'origine aux États-Unis de la première loi sur le harcèlement sexuel qui qualifie celui-ci de discrimination de sexe, et de la reconnaissance de la pornographie et de la prostitution comme violences contre les femmes. Rassemblant des essais, élaborés à partir de conférences données dans les années 1980, ce recueil, aujourd'hui en poche et publié pour la première fois en France en 2005, reste d'une actualité brûlante et est incontournable pour quiconque « cherche des réponses aux grandes questions que pose la subordination des femmes aux hommes ».
« "La sexualité est au féminisme ce que le travail est au marxisme : rien ne nous appartient davantage, et pourtant il n'est rien dont on ne soit davantage dépossédées." [...] Depuis vingt-cinq ans, aux États-Unis, le droit se trouve ébranlé par cette proposition de la juriste Catharine A. MacKinnon. » Éric Fassin, 2005.
Sexual Politics, issu de la thèse soutenue par Kate Millett en 1970 à l'université de Columbia (États-Unis) suscite un véritable engouement dès sa parution, en plein essor du Women's Lib dont l'autrice est partie prenante. L'essai, paru en France sous le titre La politique du mâle (Stock, 1970), a été réédité en 2007 par Antoinette Fouque sous son titre original, en concertation avec l'autrice avec laquelle elle a partagé amitié et bien des combats pour la libération des femmes.
Dans cet essai magistral devenu un classique et désormais disponible en édition de poche, Kate Millett critique la société occidentale en se concentrant sur la dénonciation du pouvoir patriarcal et de la négation du corps féminin à tous les niveaux : idéologique, sociologique, anthropologique, politique, ainsi que littéraire. Ce livre qui fit l'effet d'un pavé dans la mare en révélant les injustices sans nombre subies par les femmes contribua par la suite à favoriser le développement des études et recherches féminines au niveau universitaire.
« Comparable aux luttes pour l'avortement des années 70 et pour la parité, dans les années 90, le mouvement de protestation féminine récent déclenché par l'« affaire Weinstein » - véritable métaphore des agressions sexuelles et des liens entre jouissance et pouvoir - fait partie des moments d'Histoire, où se condensent les colères, où naissent les révoltes. C'est un acte collectif d'émancipation !
Au-delà de l'anecdote ou du fait divers, cet événement est pluriel, historique et politique : parce qu'il fait basculer l'un des hommes les plus puissants du monde (à la fois « chef » et « prédateur » ) ; parce qu'il a encouragé plusieurs milliers de femmes à demander justice et à remettre en cause un rapport de force ; enfin parce qu'il concerne aussi les hommes, leur masculinité et leur ressenti de la domination masculine.
À l'inverse des prises de position rétrogrades et culpabilisantes qui visent à inhiber ou à opposer, ce livre réunit les « prises de parole » et les « prises d'écriture » d'autrices et d'auteurs - militantes et militants, chercheuses et chercheurs, créatrices et créateurs, victimes ou non... -, qui, sans nier leurs divergences, s'accordent pour dénoncer les injustices et les violences réelles (professionnelles, économiques, sexuelles...) subies par les femmes aujourd'hui et réaffirment la nécessité de les penser et de les combattre.
Partant de la révélation de « l'affaire Weinstein » et des effets mondiaux de sa dissémination (#MeToo, #BalanceTonPorc, etc.), cet ouvrage pluridisciplinaire précise les enjeux des débats et des mobilisations, et les met en perspective au regard des réflexions récentes sur les violences de genre, le consentement, l'émancipation des femmes, et l'égalité des sexes. » S.L.
Avec les contributions de Asia Argento,? Alliance des femmes pour la démocratie, Fatima Benomar?, Natacha Chetcuti-Osorovitz, Wendy Delorme,? Catherine Deschamps,? Alicia Dujovne Ortiz,? Camille Froidevaux-Metterie, Valérie Gérard,? Mona Gerardin-Laverge, Charlotte Gonzalez,? Mélanie Gourarier,? He Yuhong,? Eva Illouz,? Kubra Khademi,? Catharine MacKinnon,? Michela Marzano,? Maïa Mazaurette, Jacqueline Merville?, Janine Mossuz-Lavau,? Émilie Notéris,? Patricia Paperman, Marie-Anne Paveau,? Michelle Perrot,? Élodie Petit,? Deborah de Robertis?, Sandrine Rousseau (Association Parler), Inna Shevchenko (FEMEN), ?Frank Smith,? Isabelle Steyer,? Élise Thiébaut,? Alain Viala.
« Premier ouvrage complet écrit par le mouvement international FEMEN, dévoilant les témoignages personnels de nos activistes dans différents pays et développant nos combats et nos idées, Rébellion s'empare de thématiques telles que la prostitution, la laïcité, les violences faites aux femmes, les droits LGBT, la montée des intégrismes et la liberté d'expression, emmenant les lectrices et les lecteurs au coeur de notre lutte. Nous sommes parties d'un constat on ne peut plus actuel : les politiques délaissant le peuple, c'est au peuple, et donc à nous, de prendre la parole. C'est aux femmes de faire leur révolution. Mener des actions politiques, pratiquer la désobéissance civile, prendre tout espace public, politique et discursif réservé aux hommes est impératif pour que la voix et les intérêts des femmes résonnent dans ce système de domination masculine.
Rébellion est l'expression des nouveaux combats à mener, des revendications féministes actuelles. Nous voulons donner aux lectrices et aux lecteurs le courage de s'insurger et les moyens de s'organiser pour résister au patriarcat de façon active, puissante et efficace. Nous voyons l'activisme comme une responsabilité civique. Il est pour nous l'une des principales formes que le féminisme doit prendre, impérative pour réaliser ce monde égalitaire auquel nous rêvons. » Le mouvement FEMEN
Dans "Femmes, Race et Classe", Angela Davis, historienne et militante, développe une analyse critique des liens parfois conflictuels ayant existé au cours des XIXe et du XXe siècles entre féminisme et luttes d'émancipation du peuple noir. Elle démontre que les luttes ont porté leurs fruits à chaque fois qu'elles ont été solidaires. Se refusant à mettre en concurrence les différents éléments constitutifs de sa propre identité, elle affirme que les oppressions spécifiques doivent être articulées à égalité pour dépasser les contradictions et mener un combat global contre le système capitaliste au fondement de toutes les exploitations.
Cet essai dense et fondateur, écrit en 1980, trouve aujourd'hui une actualité centrale avec les débats contemporains sur le féminisme dit « intersectionnel ».
Les essais de la théoricienne et militante américaine Catharine A. MacKinnon qui forment ce recueil ont été élaborés à partir de conférences données dans les années 1980. Pionniers et mondialement connus, ils ont marqué les consciences, les travaux universitaires et fait évoluer les politiques publiques et le droit américain: reconnaissance en 1986 du harcèlement sexuel comme discrimination de sexe, puis de la pornographie et de la prostitution comme violences contre les femmes. Soubassement du mouvement #MeToo, ils sont incontournables pour quiconque « cherche des réponses aux grandes questions que pose la subordination des femmes aux hommes».
La sexualité est au féminisme ce que le travail est au marxisme : rien ne nous appartient davantage, et pourtant il n'est rien dont on ne soit davantage dépossédées. C.A. McK.
Du côté des petites filles est une analyse, fondée sur de très nombreuses observations de la vie de l'enfant selon qu'il est un garçon ou une fille, l'étude des fondements d'une éducation qui se transmet à l'identique, de manière presque inconsciente, automatique. L'auteure montre comment cette dernière est le résultat de toute une série de conditionnements passant par les jeux, les jouets, la littérature enfantine et critique les méthodes pédagogiques, le manque presque total de préparation des enseignants, les rapports toujours faussés de ces derniers avec les enfants. L'ouvrage connaît un immense succès en France (comme auparavant en Italie), il a été tiré à 250 000 exemplaires. « Qu'est-ce qu'un garçon peut tirer de positif de l'arrogante présomption d'appartenir à une caste supérieure, du seul fait qu'il est né garçon ? La mutilation qu'il subit est tout aussi catastrophique que celle de la petite fille persuadée de son infériorité du fait même d'appartenir au sexe féminin. » E.G.B.
Hommage à des femmes exceptionnelles, le 8 mars 1990, à l'initiative d'Antoinette Fouque et de l'Alliance des femmes pour la démocratie avec Simone Veil, Michèle Barzach, Edith Cresson, Michèle André, Françoise Giroud, Danielle Mitterrand, Hélène Cixous, Benoîte Groult, Sonia Rykiel, Arielle Dombasle... pour honorer douze femmes, venues des cinq continents...
États généraux organisés par l'Alliance des Femmes pour la Démocratie « Deux ans après la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, une voix anonyme dressait ce constat du sort actuel des femmes : « Il y a vingt-six mois que le corps législatif est assemblé, il y a vingt-six mois qu'un des plus importants objets de l'ordre social est ou paraît être méconnu. La moitié de l'espèce humaine est privée de ses droits naturels. » Qu'en est-il deux siècles plus tard ? Nous nous sommes réunies par milliers, dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne, à Paris, pour tenter de faire un bilan : quel chemin parcouru, quels nouveaux droits acquis, quels droits à conquérir demain ? Il est urgent de mettre en culture de démocratie les lieux où les libertés et les droits des femmes sont en friche. Ces Actes des États généraux des Femmes présentent les témoignages, rendent compte de la réflexion de celles qui, ce jour-là, ont voulu y contribuer ensemble. » Antoinette Fouque
Ce livre retrace de façon vivante, nuancée et distancée, les batailles féministes de la Troisième République. Dans un pays très attaché au mythe de l'éternel féminin, le féminisme est habituellement rangé au magasin des accessoires sociaux. Laurence Klejman et Florence Rochefort en donnent, elles, une interprétation politique. Non seulement elles retracent les difficultés d'une entreprise à laquelle se dévouèrent toute leur vie de nombreuses femmes, et quelques hommes, mais elles mettent en évidence la richesse d'une pensée trop souvent négligée. Il ne faut pas oublier que, si l'on se bat encore pour parvenir à la véritable égalité des sexes, les féministes du début du siècle avaient déjà tracé les grandes lignes du programme, avec leurs revendications politiques, juridiques, économiques, sociales ou identitaires. Les femmes et le féminisme sont bien, à part entière, des acteurs de l'histoire.
Les récentes recherches historiques ont mis en évidence la participation des femmes aux transformations sociales et politiques sous la Révolution française, qui fut aussi une révolution culturelle. Documents à l'appui - inconnus pour la plupart -, ce livre présente le riche éventail de leurs créations littéraires, artistiques et pédagogiques.
L'autre versant de cette révolution culturelle est l'apparition de nouvelles images de la femme. Elle s'affirme héroïque et patriotique, dans une visée progressiste. Mais, au nom de la Nature, elle incarne également désormais la Mère républicaine, La Liberté et la Raison, divinités réparatrices et régénérantes, surgies d'un après-régicide aussi coupable qu'angoissé. Les femmes sont idéalisées et bannies du politique.
Elke et Hans-Christian Harten proposent une interprétation socio-historique et psychanalytique inédite de ces profonds bouleversements et des perspectives tout à fait neuves pour la compréhension de la Révolution française.
L'ouvrage est constitué de huit articles. Le premier date de 1975 et contient le fil conducteur qui permet de relier ceux écrits après 1984. Il porte sur la question de la théorie freudienne de la féminité. J. Chasseguet-Smirgel en montre les contradictions et en fait la critique, qui porte sur ce qu'elle appelle « la théorie du monisme sexuel phallique » : contrairement à ce qu'affirme Freud, il y a avant la puberté une connaissance de l'existence du vagin, mais celle-ci est refoulée dans un but défensif. La deuxième partie développe l'hypothèse centrale d'« une matrice archaïque du complexe d'oedipe » et l'auteure étudie la pensée utopique pour y déceler la présence de ce fantasme. La troisième partie consiste en des essais de psychanalyse appliquée. L'ensemble de l'ouvrage présente une tentative convaincante pour éclairer la question de l'image de la mère et de la femme, tant au point de vue collectif qu'au point de vue individuel.
L'intérêt de cet essai sociologique est double. Il réside tout d'abord dans l'analyse de la condition féminine au Japon jusqu'aux années 1980 : l'exposé de la conquête des droits des femmes et l'abondance des statistiques permettent de replacer la question dans son contexte historique et culturel. Les nombreuses comparaisons internationales, tout en rectifiant certaines idées reçues sur « la Japonaise », la font effectivement apparaître comme un « cas particulier » et jettent un éclairage direct sur la société de ce pays parmi les plus modernes du monde, et pourtant encore si profondément ancré dans la tradition.
« À quinze ans la guerre, à vingt-cinq ans la guerre froide, à trente-cinq ans le comité central du Parti communiste d'Europe le plus important, à quarante-cinq ans ce parti se libère de moi. À cinquante-cinq ans, me voilà, dans le reflux de la vague d'une marée dont je connais les allées et venues et qui m'entraînera toujours avec elle... » C'est ainsi que Rossana Rossanda, une des fondatrices du Manifesto, quotidien de la gauche italienne extra-parlementaire, refait son itinéraire de militante entre cause du peuple et cause des femmes. Les femmes et la politique : tel est le thème qu'elle a traité dans une série d'émissions à la radio en Italie où elle aborde la liberté, la fraternité, l'égalité, la démocratie, le fascisme, la résistance, l'État, le parti, la révolution et le féminisme.
Ce livre réunit des articles parus dans la revue italienne L'Erba Voglio et des textes inédits. De son trajet dans le Mouvement de Libération des Femmes, Lea Melandri tire une série d'interrogations sur la « prise de conscience » féminine qui contraint à l'identification, sur la peur de l'abandon comme butée pour les femmes, etc. Convaincue qu'une attention constante à l'inconscient est nécessaire pour pousser plus loin la force et l'originalité de la lutte des femmes, elle propose des éléments d'analyse, élaborés collectivement, pour faire sauter les limites des luttes traditionnelles, gauchistes et féministes, « au moment où l'on doit s'efforcer à la dialectique pour ne pas risquer d'être assimilées, il faut se prémunir d'une grande marge d'autonomie et d'originalité. Il faut avoir claire à l'esprit sa propre différence ».
La lutte des femmes pour leur libération se définit de plus en plus comme une recherche, une création, une affirmation, d'une culture et d'une identité spécifiques sans référence à l'identité et à la culture masculines reconnues jusqu'à ce jour comme nos modèles universels.
Cette identité des femmes, leur langage, se construiront peut-être pour une part à travers la recherche menée par des intellectuelles mais à condition que cette recherche ne soit pas séparée des luttes menées par les femmes sur les lieux de leur vie et de leur travail quotidiens. Ces luttes, par leur autonomie, par les formes originales qu'elles prennent, par leurs objectifs propres, sont déjà, en soi, l'expression d'une identité, ainsi qu'il apparaît à travers une série d'enquêtes menées auprès d'ouvrières, de paysannes, d'employées, enquêtes qui constituent l'essentiel de ce livre, reportage et non ouvrage théorique.
Dans la première partie de son essai, Sheila Rowbotham dit très concrètement à partir de son expérience personnelle, qui est aussi celle de toute la génération d'avant 1968, comment elle a pris conscience de son oppression et commencé à lutter. Du maquillage aux rêves, de la mode au militantisme, dans un monde créé par les hommes et pour l'homme, les femmes ont compris qu'elles étaient exclues, reléguées dans les rôles de mères et d'épouses, envers des rôles masculins dominants.
Elle approfondit ensuite cette analyse dans la seconde partie en montrant la fonction particulière des rôles « féminins » dans le système capitaliste. Par le sous-paiement des emplois, le non-paiement du travail domestique et la reproduction qu'elles assurent, les femmes sont exploitées économiquement, idéologiquement et sexuellement. Et si cette situation prouve que le pouvoir capitaliste et le pouvoir masculins sont liés, c'est bien contre elle que les femmes se sont mises à lutter ensemble.
Erin Pizzey crée, en 1971, le premier refuge du Women's Aid (aide et assistance pour les femmes), dans la banlieue de Londres. C'était au début une maison où femmes et enfants venaient pour se rencontrer, échapper momentanément à la solitude. Mais elle se rend compte, très vite, que toutes celles qui viennent à « la maison » ont de très sérieux problèmes avec leur mari, leur famille, que toutes subissent de graves sévices corporels et sont très perturbées sur le plan affectif et psychique.
Ce livre regroupe les témoignages de ces femmes, récits dramatiques mais situations déjà distanciées. Erin Pizzey a réussi à mettre en place un espace vivable pour les femmes battues et les enfants, sans la lourdeur d'une organisation hiérarchisée et bureaucratique. S'associant à cette lutte, Benoîte Groult écrit dans sa préface : « toutes ces femmes qui racontent leur enfer presque sans révolte se sont tues trop longtemps. C'est à nous de crier pour elles ».