Nombre de femmes et d'hommes qui cherchent l'épanouissement amoureux ensemble se retrouvent très démunis face au troisième protagoniste qui s'invite dans leur salon ou dans leur lit : le patriarcat. Sur une question qui hante les féministes depuis des décennies et qui revient aujourd'hui au premier plan de leurs préoccupations, celle de l'amour hétérosexuel, ce livre propose une série d'éclairages.
Au coeur de nos comédies romantiques, de nos représentations du couple idéal, est souvent encodée une forme d'infériorité féminine, suggérant que les femmes devraient choisir entre la pleine expression d'elles-mêmes et le bonheur amoureux. Le conditionnement social, qui persuade les hommes que tout leur est dû, tout en valorisant chez les femmes l'abnégation et le dévouement, et en minant leur confiance en elles, produit des déséquilibres de pouvoir qui peuvent culminer en violences physiques et psychologiques. Même l'attitude que chacun est poussé à adopter à l'égard de l'amour, les femmes apprenant à le (sur ?) valoriser et les hommes à lui refuser une place centrale dans leur vie, prépare des relations qui ne peuvent qu'être malheureuses. Sur le plan sexuel, enfin, les fantasmes masculins continuent de saturer l'espace du désir : comment les femmes peuvent-elles retrouver un regard et une voix ?
FéminiSpunk est une fabulation à la Fifi Brindacier. Elle raconte l'histoire, souterraine et infectieuse, des petites filles qui ont choisi d'être pirates plutôt que de devenir des dames bien élevées. Désirantes indésirables, nous sommes des passeuses de contrebande. Telle est notre fiction politique, le récit qui permet à l'émeute intérieure de transformer le monde en terrain de jeu. Aux logiques de pouvoir, nous opposons le rapport de forces. À la cooptation, nous préférons la contagion. Aux identités, nous répondons par des affinités. Entre une désexualisation militante et une pansexualité des azimuts, ici, on appelle « fille » toute personne qui dynamite les catégories de l'étalon universel : meuf, queer, butch, trans, queen, drag, fem, witch, sista, freak... Ici, rien n'est vrai, mais tout est possible. Contre la mascarade féministe blanche néolibérale, FéminiSpunk mise sur la porosité des imaginaires, la complicité des intersections, et fabule une théorie du pied de nez. Irrécupérables !
Qu'elles vendent des grimoires sur Etsy, postent des photos de leur autel orné de cristaux sur Instagram ou se rassemblent pour jeter des sorts à Donald Trump, les sorcières sont partout. Davantage encore que leurs aînées des années 1970, les féministes actuelles semblent hantées par cette figure. La sorcière est à la fois la victime absolue, celle pour qui on réclame justice, et la rebelle obstinée, insaisissable. Mais qui étaient au juste celles qui, dans l'Europe de la Renaissance, ont été accusées de sorcellerie ? Quels types de femme ces siècles de terreur ont-ils censurés, éliminés, réprimés ?
Ce livre en explore trois et examine ce qu'il en reste aujourd'hui, dans nos préjugés et nos représentations : la femme indépendante - puisque les veuves et les célibataires furent particulièrement visées ; la femme sans enfant - puisque l'époque des chasses a marqué la fin de la tolérance pour celles qui prétendaient contrôler leur fécondité ; et la femme âgée - devenue, et restée depuis, un objet d'horreur. Enfin, il sera aussi question de la vision du monde que la traque des sorcières a servi à promouvoir, du rapport guerrier qui s'est développé alors tant à l'égard des femmes que de la nature : une double malédiction qui reste à lever.
Au début des années 1990, de jeunes féministes nord-américaines lançaient du fond de leurs tripes un cri de colère et de ralliement dans le milieu punk underground : « Revolution, Grrrl Style, Now ! » La culture riot grrrl - littéralement, les « émeutières » - était en train de naître. Des groupes comme Bikini Kill ou Bratmobile partaient à l'assaut de la production musicale, décidés à rendre « le punk plus féministe et le féminisme plus punk ».
Leur offensive fut une secousse incroyablement positive pour toute une génération assommée par la culture mainstream. Car les riot grrrls ont été bien davantage qu'un simple courant musical : appliquant les principes du Do-It-Yourself, elles ont construit une véritable culture alternative, dont la force de frappe tient en une « proposition » que suivront des milliers de jeunes femmes : celle d'oser devenir qui elles sont et de résister corps et âme à la mort psychique dans une société capitaliste et patriarcale.
Manon Labry retrace l'histoire de cette révolution politique et culturelle. Elle déploie une écriture punk bien frappée qui entremêle paroles de chansons, témoignages, réflexions personnelles, extraits de fanzines et illustrations pour faire la chronique d'une génération.