Quand Aya Cissoko était jeune, sa mère, Massiré Dansira, ne cessait de lui répéter : « Tu n'es pas l'enfant de rien ni de personne ! ».
Devenue mère à son tour, l'autrice entend ici rappeler à sa propre fille ses origines ; son enfant est en effet issue d'une double lignée à l'histoire violente et douloureuse, celle de guerriers bambaras du Mali qui ont affronté la colonisation, et de juifs ashkénazes déportés à Auschwitz. Comment calmer les brûlures de ces destins mêlés ? Il faut continuer à parler, dénoncer, lutter, ne pas cacher les difficultés de la condition noire, regarder en face les vexations subies par une mère vaillante dans un pays hostile. Il faut continuer à se battre et à interroger les hiérarchies sociales, montrer comment racisme et mépris de classe se mêlent dans une logique perverse. Parce qu'elle a compris que l'ascension sociale, si elle éloigne de la pauvreté, ne protège pas des préjugés, Aya Cissoko ne veut oublier ni les siens, ni d'où elle vient. Elle sait maintenant transformer en mots puissants et éruptifs, dans une ultime tentative de conciliation, une colère qui jaillit des tréfonds de son enfance.
Depuis la vague #MeToo, les dossiers de violences sexuelles se multiplient. Dans les commissariats, à la barre, les victimes tentent de faire entendre leur parole. Mais la réponse policière et judiciaire n'est pas toujours à la hauteur. Les institutions sont mises en cause : de l'accueil défaillant au moment de la déclaration aux non-lieux trop souvent prononcés, on leur reproche leur inadaptation, voire leur indifférence. « La justice nous ignore, on ignore la justice », avait lancé Adèle Haenel au nom de toutes celles et ceux qui ne portent pas plainte de peur de s'engager dans un parcours du combattant. C'est cette formule qui a guidé Marine Turchi dans une enquête saisissante sur les raisons de la défiance.
Forte du témoignage de près de quatre-vingts interlocuteurs, des magistrat·e·s, des avocat·e·s, des policier·e·s, mais aussi des femmes et des hommes de tous les milieux sociaux, protagonistes d'affaires médiatisées (Gérald Darmanin, Luc Besson, Roman Polanski...) ou pas, l'autrice pointe les obstacles que rencontrent ces dossiers et mesure, sur le terrain, l'impact des politiques affichées. Chemin faisant, elle contrecarre les arguments de ceux qui dénoncent opportunément un « tribunal médiatique » et crient à la « chasse à l'homme », mais montre aussi les limites de ce que peut la justice. Ainsi au fil de chapitres qui font alterner coulisses de l'enquête et récits poignants, c'est bien le système dans son entier qu'elle nous dévoile. Il appartient à toutes et à tous, ensuite, de le changer.
Qu'y a-t-il de commun entre un T-shirt Dior à message féministe et une Barbie à l'effigie de Frida Kahlo ? Entre une pub pour du gel douche Dove ou des serviettes hygiéniques Always ? Entre deux multinationales qui affirment donner leur chance aux femmes dans leurs communiqués ...alors qu'elles sont poursuivies aux prud'hommes pour discriminations sexistes ? Tous pratiquent le « féminisme washing », ou son pendant publicitaire le « femvertising », et repeignent les marques aux couleurs du féminisme, sans questionner leurs engagements réels pour les femmes.
Grâce à une enquête journalistique fouillée qui confronte les usages militants aux productions et ressources humaines des entreprises, Léa Lejeune démontre comment elles cherchent à séduire - parfois à berner - la nouvelle génération féministe. Elle s'appuie sur des exemples concrets et sur la vulgarisation de travaux de recherche en économie. Et conclut son livre en donnant des pistes pour les femmes engagées qui souhaitent s'affranchir des discours mercantiles. Et des pistes pour les entreprises qui veulent corriger leurs mauvaises habitudes ?
Alors que le féminisme est plus que jamais nécessaire, il est malmené de toutes parts. D'un côté, des pseudo-radicalités instruisent le procès d'un « féminisme blanc » qui irait d'Olympe de Gouges à aujourd'hui. De l'autre, une mouvance de droite et d'extrême droite instrumentalise le féminisme dans une perspective identitaire, nationaliste et raciste. Face à ces entreprises de brouillage et de régression, il est urgent de réaffirmer la valeur de l'émancipation et de plaider pour un féminisme universel, concret et pluriel. Ni décolonial ni occidental, le féminisme se construit sans cesse, dans les luttes et la solidarité des combats quotidiens.
« Je vois dans la misandrie une porte de sortie. Une manière d'exister en dehors du passage clouté, une manière de dire non à chaque respiration. Détester les hommes, en tant que groupe social et souvent en tant qu'individus aussi, m'apporte beaucoup de joie - et pas seulement parce que je suis une vieille sorcière folle à chats.
Si on devenait toutes misandres, on pourrait former une grande et belle sarabande. On se rendrait compte (et ce serait peut-être un peu douloureux au début) qu'on n'a vraiment pas besoin des hommes. On pourrait, je crois, libérer un pouvoir insoupçonné : celui, en planant très loin au-dessus du regard des hommes et des exigences masculines, de nous révéler à nous-mêmes. »
À l'heure où paraissent ces « cahiers », trois mois sont passés depuis que la pandémie mondiale du Covid-19 s'est imposée à nous, trois mois que le monde entier a basculé dans un état de crise dont on ne voit pas l'issue et dont on ne mesure pas les effets sur les sociétés qu'il a frappées.
Aux premières heures du confinement, des sentiments nombreux et contradictoires nous ont toutes et tous traversés : de la sidération à l'angoisse, de la tristesse à la colère... Et puis, très vite, les questions se sont bousculées dans nos têtes : que s'est-il donc passé ? Mais que nous arrive-t-il ? Quelles conséquences cet événement aura-t-il sur le monde et sur nos existences ? Et quelles leçons en tirer ? Il faut dire que, pour beaucoup d'entre nous, la vision d'un monde littéralement arrêté a soudain rendu évidentes, presque sensibles, les contradictions insoutenables dans lesquelles ce monde se trouvait pris depuis trop longtemps. Et si cette catastrophe était l'occasion d'empêcher qu'il retrouve sa trajectoire catastrophique antérieure ?
Comme le disait magnifiquement un graffiti repéré sur un mur de Hong Kong, « we can't return to normal, because the normal that we had was precisely the problem». Autrement dit, serons-nous capables de saisir cet événement, à la fois le comprendre et nous en emparer, afin d'imaginer et construire le monde que nous voulons, le monde dont nous rêvons ?
Ces « cahiers » ne pouvaient être que collectifs, au sens fort, parce que issus d'une volonté partagée par les éditeurs et auteurs de la maison de faire sens face à l'événement. S'y engage une conception du travail intellectuel et du débat public comme espace de confrontation argumentée. Ils accueillent des textes de pensée offrant des perspectives et des analyses fortes, mais aussi des textes et propositions littéraires qui font résonner notre époque dans des formes et des formats singuliers, ainsi que des interventions graphiques. Cette crise bouleverse les cadres de pensée et d'interprétations, elle met à l'épreuve bien des certitudes et des convictions, ce qui imposait d'ouvrir un espace original de dialogue, où trouvent à s'exprimer des sensibilités intellectuelles diverses, où peuvent s'ordonner la confrontation des points de vue, les divergences de fond, les incertitudes et les interrogations.
« L'émancipation des femmes a suivi deux chemins parallèles et distincts au lendemain de la Révolution française, et au commencement du débat démocratique : celui du «pour toutes» et celui du «pour chacune». Le premier menait aux droits civils et civiques, citoyenneté, éducation, emploi, responsabilité individuelle, autonomie sociale. Le second ouvrait la voie à la liberté de créer, de penser, d'écrire, de partager avec les hommes les lieux de la jouissance intellectuelle et artistique. C'est sur le deuxième chemin, emprunté par ce livre, que j'ai voulu arpenter la suite de l'Histoire.
La suite de l'Histoire, pour une femme artiste, ce n'est pas seulement la conquête de droits et la transgression des contraintes établies, c'est aussi la construction de pratiques nouvelles et le déplacement des repères obligés. L'égalité, c'est encore la liberté de trouver de nouvelles formes de création. Et c'est pourquoi, sans s'arrêter à l'identité sexuelle ou à la visibilité sociale, ce qui est en jeu, ici, c'est d'abord et avant tout leur production. »
« Ceci est une adresse. Aux femmes en général, autant qu'à leurs alliés. Je vous écris d'où je peux. Le privé est politique, l'intime littérature ».
En France, la quatrième vague féministe a fait son entrée : non plus des militantes, mais des femmes ordinaires. Qui remettent en cause les us et les coutumes du pays de la gaudriole, où une femme sur dix est violée au cours de sa vie, et où tous les trois jours une femme est assassinée par son conjoint.
Dans ce court texte incisif qui prône la sororité comme outil de puissance virale, Chloé Delaume aborde la question du renouvellement du féminisme, de l'extinction en cours du patriarcat, de ce qu'il se passe, et peut se passer, depuis le mouvement #metoo.
Nadege Beausson-Diagne - Mata Gabin - Maïmouna Gueye - Eye Haïdara - Rachel Khan - Aïssa Maïga - Sara Martins - Marie-Philomène NGA - Sabine Pakora - Firmine Richard - Sonia Rolland - Magaajyia Silberfeld - Shirley Souagnon - Assa Sylla - Karidja Touré - France Zobda.
Stéréotypes, racisme et diversité : 16 actrices témoignent.
Convaincus de vivre dans une société désormais soumise au règne des femmes, des hommes s'emparent aujourd'hui des instruments de la protestation minoritaire pour revendiquer une place qu'ils auraient perdue. Emblématique de ce mouvement, la « Communauté de la séduction » entend réhabiliter la masculinité en façonnant des séducteurs d'exception : des coachs à l'audience grandissante dispensent à des hommes en quête d'accomplissement des techniques de développement personnel réputées pouvoir transformer, selon la hiérarchie d'excellence du groupe, n'importe quel « looser » en « alpha mâle ».
Mélanie Gourarier restitue ici l'ethnographie de cette confrérie d'un nouveau genre. Des forums et sites Internet de la Communauté aux ateliers organisés par ses mentors, en passant par les rues et les bars où ses membres poursuivent leur formation de « terrain », elle interroge la « crise de la masculinité » à laquelle ceux-ci s'emploient à remédier.
Pourquoi l'aptitude à séduire les femmes s'éprouve-t-elle entre hommes ? Quelle masculinité désirable les apprentis séducteurs projettent-ils en se mesurant à l'aune de leur pouvoir de conquête ? À travers l'enquête apparaît un masculinisme inédit, opposé aux femmes comme aux hommes « sans qualités ».
« Ce livre, nous le portons en nous depuis toujours. Chaque injustice que nous avons observée ou subie depuis notre naissance est venue inconsciemment noircir une de ses lignes. Il émerge à une époque où un terrible fléau intégriste se déploie. Chaque bulletin d'informations nous donne une nouvelle raison de sortir de notre silence. Chaque jour, de nouvelles paroles et mesures contre les femmes sont prononcées au Vatican, à La Mecque, à Jérusalem, et dans des synagogues, des mosquées et des églises du monde entier. Chaque jour, les femmes sont méprisées, dépréciées, salies, blessées ou tuées. Chaque jour, des femmes cachées en public, enfermées à la maison, privées d'éducation et de perspectives d'avenir, forcées au silence, humiliées, battues, mutilées, fouettées, lapidées et brûlées, nous accompagnent. Nous ne pouvons plus nous taire.
« La responsabilité des religions dans les malheurs du monde crève nos écrans et nos yeux, mais beaucoup refusent encore de voir leur rôle dans les malheurs des femmes. Ce livre, nous l'avons écrit parce que nous ne voulions plus qu'elles croient, mais qu'elles sachent ».
Inna Shevchenko et Pauline Hillier.
Chaque chapitre de cette surprenante « anatomie » (La tête, Le coeur, Les seins, Le ventre, Les mains, Le sexe, Les pieds...) révèle les persécutions religieuses perpétrées sur le corps des femmes, les dégâts qu'elles infligent, l'ordre patriarcal qu'elles imposent.
« Imaginez qu'un beau matin, au réveil, vous découvriez une France totalement différente de ce qu'elle est et de ce qu'elle a toujours été. Le président de la République ? Une femme. Le président de l'Assemblée nationale ? Une femme. Au Sénat, une présidente. Au gouvernement, un Premier ministre "Première" ministre... Et entourée de 90 % de ministres... femmes ! La Cour des comptes, le Conseil d'État, le conseil constitutionnel ? Tous présidés par des femmes. A l'Assemblée nationale, en 1997, 90 % de femmes députées. Même topo au Sénat, en bien pire... » A ce moment, sur ma droite, dans un murmure (masculin) : « Mais c'est un vrai cauchemar ! » Gisèle Halimi.
Ce miroir inversé donne à voir le cauchemar que vivent aujourd'hui les citoyennes. Pour y mettre fin, Gisèle Halimi, vingt ans après l'incontestable succès de La cause des femmes, lance un nouveau manifeste. L'égalité réelle pour toutes, c'est, en démocratie, la parité. Mordant, plein d'anecdotes vécues et d'éminents témoignages, ce livre plaide cette exigence.
« mais, prévient la célèbre avocate, femmes savantes et experts chevronnés s'abstenir... »