«J'aimerais leur dire ce que je pense. J'aimerais leur dire qu'il faut venir chanter. Venez chanter tout ce que vous n'acceptez pas. Tout ce qu'au fond vous ne comprenez pas. Les compromis des parents. Les complications des adultes. Les regards qui ne sont pas pour vous. L'amour et le sexe. Venez chanter votre liberté d'enfant.»Aujourd'hui, Toni a vingt ans. C'est son anniversaire mais elle se réveille avec un chagrin dans la gorge, sans bien savoir pourquoi. Heureusement, ce soir, tout sera différent.
«J'allais jouer l'amour, pour qu'il lui fasse un mal fou, qu'il ne la quitte pas une seconde, qu'il l'envahisse la nuit, le jour, et qu'elle ne puisse plus faire un geste sans penser à mon amour pour elle. Je savais, au fond de moi, que c'était la seule solution pour parvenir à la retenir.»Agathe a onze ans. Elle passe l'été sur une plage de la Côte d'Azur avec sa mère. Ces vacances improvisées, débutées avant la fin de l'année scolaire, déboussolent l'enfant. Surtout lorsque les joyeux bains de mer laissent place aux réprimandes et aux scandales dans les restaurants. Agathe devine que quelque chose cloche chez cette mère adorée qui enchante les moments autant qu'elle les détruit. Mais ce n'est que des années plus tard, en déroulant le souvenir à vif de ces jours pleins de bruit et de fureur, qu'elle comprendra en¿n.
«Au-delà, on n'apercevait de la mer et du ciel qu'une seule masse grise, informe, agitée de profonds remous. J'aurais aimé peindre cela. Cette informité. Cette force aveugle. Ce chaos.»En route pour le Finistère, Claire est décidée à vendre la vieille maison de l'Île-Tudy où, depuis l'enfance, elle passait ses vacances. À son arrivée, une bien mauvaise surprise l'attend, et la police doit ouvrir une enquête. Les souvenirs attachés à cette maison remontent alors:l'énigme d'une mère, la disparition d'un père, une soeur détestée... Autant de silences et questions en suspens qui trouveront peu à peu leurs réponses sur cette île du bout des terres.
À la mort de sa mère, Paloma hérite d'une maison abandonnée, chargée de secrets au pied des montagnes cévenoles. Tout d'abord décidée à s'en débarrasser, elle choisit sur un coup de tête de s'installer dans la vieille demeure et de la restaurer. La rencontre de Jacques, un entrepreneur de la région, son attachement naissant pour lui, réveillent chez cette femme qui n'attendait pourtant plus rien de l'existence bien des fragilités et des espoirs.Ode à la nature et à l'amour, Saint Jacques s'inscrit dans la lignée de Suiza, le premier roman de Bénédicte Belpois, paru en 2019 aux Éditions Gallimard. Avec une simplicité et une sincérité à nulles autres pareilles, l'auteure nous offre une galerie de personnages abîmés par la vie mais terriblement touchants.
FILLE, nom féminin 1. Personne de sexe féminin considérée par rapport à son père, à sa mère. 2. Enfant de sexe féminin. 3. (Vieilli.) Femme non mariée. 4. Prostituée. Laurence Barraqué grandit avec sa soeur dans les années 1960 à Rouen. «Vous avez des enfants? demande-t-on à son père. - Non, j'ai deux filles», répond-il. Naître garçon aurait sans doute facilité les choses. Un garçon, c'est toujours mieux qu'une garce. Puis Laurence devient mère dans les années 1990. Être une fille, avoir une fille:comment faire? Que transmettre? L'écriture de Camille Laurens atteint ici une maîtrise exceptionnelle qui restitue les mouvements intimes au sein des mutations sociales et met en lumière l'importance des mots dans la construction d'une vie.
De Kibogo, le fils du roi, ou du Yézu des missionnaires, lequel des deux est monté au ciel? Qui a fait revenir la pluie, sauvant ainsi son peuple de la sécheresse et de la famine? Est-ce Maria de la chapelle ou la prêtresse de Kibogo qui a dansé sur la crête de la montagne au-dessus du gouffre? Au Rwanda, colonisation et évangélisation avaient partie liée. En 1931, la destitution du roi Musinga qui refusait le baptême entraîna la conversion massive de la population. Souvent, ces baptêmes à la chaîne, pour beaucoup opportunistes, aboutirent à un syncrétisme qui constituait une forme de résistance. Est-ce qu'il fallait croire aux contes que prêchent les pères blancs à longue barbe ou à ceux que raconte votre mère, chaque soir, à la veillée, jusqu'à ce que le foyer ne soit plus que braises rougeoyantes? Dans ces histoires miraculeuses, la satire se mêle d'humour et de merveilleux:un immense plaisir de lecture.
Samuel raconte Lucas - l'amour, le désamour, le sexe après l'amour, l'amour après la mort de Lucas.Samuel, d'une bourgeoisie de gauche, et Lucas, d'un milieu populaire, étudient à Sciences Po. La Manif pour Tous défile. Lucas, très engagé aux côtés des «antifas», descend dans la rue avec son bandana rouge au milieu des fumigènes. Il est blessé lors d'une bagarre, il ne survit pas.Samuel se souvient de Lucas - de leur rencontre, de leurs hésitations, du désir fou, des jalousies, des ruptures. Car Samuel n'a jamais tout à fait coupé les ponts avec Victoire, qu'il a aimée; car Lucas s'est laissé séduire par Mélanie aux jambes fines et fuselées.Ils n'ont rien pour s'entendre, tout pour se plaire. Ils tombent amoureux et c'est un amour hérissé de violence et de tendresse, qui laisse sur les lèvres un goût de sel et de fumée.
À dix-huit ans, l'autrice alors étudiante à Paris se lance un défi fou : traverser l'Amérique latine seule en autostop. En « allant avec la chance », comme disent les Colombiens, elle met la violence du monde à l'épreuve et laisse le hasard la guider vers des questionnements et rencontres inattendus. Un voyage humain fait de spontanéité, accompli grâce à une solidarité inspirante.
Comme un écrivain qui pense que « toute audace véritable vient de l'intérieur », Leïla Slimani préfère la solitude à la distraction. Pourquoi alors accepter cette proposition d'une nuit blanche à la Pointe de la Douane, à Venise, dans les collections d'art de la Fondation Pinault, qui ne lui parlent guère ? Autour de cette « impossibilité » d'un livre, avec un art subtil de digresser dans la nuit vénitienne, Leïla Slimani nous parle d'elle, de l'enfermement, du mouvement, du voyage, de l'intimité, de l'identité, de l'entre-deux, entre Orient et Occident, où elle navigue et chaloupe, comme Venise à la Pointe de la Douane.
«Certains, ou plutôt devrais-je dire certaines, se sont étonnés du peu d'artistes femmes citées dans notre programme d'histoire de l'art. Je leur ai donné carte blanche aujourd'hui. Mesdemoiselles, c'est à vous!»Quand la narratrice s'inscrit aux Beaux-Arts, au début des années 2000, la peinture est considérée comme morte. Les professeurs découragent les vocations, les galeries n'exposent plus de toiles.Devenir peintre est pourtant son rêve. Celui aussi de Luc et Lucie, avec qui elle forme un groupe quasi clandestin dans les sous-sols de l'école. Un lieu de création en marge, en rupture.Pendant ces années d'apprentissage, leur petit groupe affronte les humiliations et le mépris. L'avenir semble bouché. Mais quelque chose résiste, intensément.
Habile, Condorcet met en lumière les contradictions d'une Révolution qui, tout en souhaitant faire table rase du passé, le prolonge irrémédiablement. Il croit aux capacités des femmes à participer à la chose publique. Et il pose bientôt la question inhérente à celle, première, du droit de cité : à quoi servirait le droit de vote s'il était octroyé à des femmes privées du savoir et des moyens d'accéder à la raison critique ?
Laura El Makki et Nathalie Wolff Penseur des Lumières, Condorcet (1743-1794), non loin d'Olympe de Gouges, ouvre dans ces quatre textes méconnus la voie d'un féminisme particulièrement exigeant et plaide pour une émancipation intellectuelle de toutes et tous. Il y déplie aussi la profondeur singulière du lien père-fille dans une lettre remarquable de finesse et de sensibilité.
L'eût-on vue, on l'eût à peine reconnue. Tellement elle était changée. Les yeux seuls restaient, non brillants, mais armés d'une très étrange et peu rassurante lueur. Elle-même avait peur de faire peur. Elle ne les baissait pas. Elle regardait de côté; dans l'obliquité du rayon, elle en éludait l'effet. Brunie tout à coup, on eût dit qu'elle avait passé par la flamme. Mais ceux qui observaient mieux sentaient que cette flamme plutôt était en elle, qu'elle portait un impur et brûlant foyer.Jules Michelet, La SorcièreQuatorze portraits de sorcières intrépides, fascinantes et multiples, adulées ou rejetées, par autant de plumes, classiques et contemporaines, de Michelet à Sand, de Shakespeare à Maryse Condé.
Quand on a fait, comme le dit Seyoum avec cynisme, «de l'espoir son fonds de commerce», qu'on est devenu l'un des plus gros passeurs de la côte libyenne, et qu'on a le cerveau dévoré par le khat et l'alcool, est-on encore capable d'humanité?C'est toute la question qui se pose lorsque arrive un énième convoi rempli de candidats désespérés à la traversée. Avec ce convoi particulier remonte soudain tout son passé:sa famille détruite par la dictature en Érythrée, l'embrigadement forcé dans le camp de Sawa, les scènes de torture, la fuite, l'emprisonnement, son amour perdu...À travers les destins croisés de ces migrants et de leur bourreau, Stéphanie Coste dresse une grande fresque de l'histoire d'un continent meurtri. Son écriture d'une force inouïe, taillée à la serpe, dans un rythme haletant nous entraîne au plus profond de la folie des hommes.
«D'une certaine façon, la distance n'était plus la question, où qu'elle vive à la surface de la Terre, elle ne pourrait échapper au rayonnement du passé, aux conséquences de ses actes.»Née sur une petite île bretonne, Liv Maria grandit au milieu des livres. À dix-sept ans, elle est envoyée à Berlin où, le temps d'un été, elle fait une rencontre qui bouleversera le cours de son existence. Éprise de liberté, elle deviendra tour à tour une amoureuse, une aventurière, une libraire, une mère, et connaîtra mille vies. Mais laquelle est véritablement la sienne?Julia Kerninon brosse le portrait éblouissant d'une femme qui, malgré un secret inavouable, cherchera sans cesse à réécrire son histoire.
Le récit montre comment l'héroïne se révèle peu à peu capable de retourner ses handicaps (différence de langue, de culture, déracinement, manque d'autonomie...) à son profit, réussissant à penser comme telle sa condition singulière, à l'accepter et à la dépasser. La différence (de sexe, de race, de classe) s'impose comme une force dont la jeune Inca va tirer le meilleur parti. En véritable autodidacte, elle va s'instruire grâce à l'observation puis à la lecture, faisant profiter son correspondant des savoirs qu'elle a patiemment acquis. L'héroïne ne choisit ni l'assimilation pure et simple à la France, ni l'oubli du passé et des origines. À l'inverse, elle se compose une existence propre, riche de tout ce qui la constitue : l'ailleurs et l'ici (le Pérou et la France de Louis XV), le passé et le présent, l'altérité assumée, mais aussi la capacité de s'adapter et de se transformer.
«Chaque matin je me lève à l'aube, quand les brumes de la vallée trempent le pied de la montagne. La veille, Maman a allongé le fond de soupe laissé sur le poêle; j'en remplis une gourde, puis me barbouille le visage de cendres et décroche mon arc. Avant de sortir, je pose un baiser sur son front. Des notes d'amande et de reine-des-prés s'échappent de ses cheveux.»Gemma, sa soeur et leurs parents ont trouvé refuge dans un chalet de montagne isolé. La famille vit depuis des années à l'abri d'un virus qui a décimé la quasi-totalité de l'humanité. Gemma, née et élevée dans ce «Sanctuaire», obéit aux lois imposées par son père. Elle a apprivoisé chaque recoin de son territoire, devenant une chasseuse hors pair. Mais ces frontières imposées commencent à devenir trop étroites pour l'adolescente...
« Il n'y avait pas de mots assez souples et multicolores. Les couleurs de cette nuit blanche ont réveillé en moi une palette d'espérance, bien plus que tous les amants du monde. L'hiver me sembla chaque jour plus doux, plus lumineux, plus riche en apprentissages. » Lassée par un quotidien aliénant, Anouk quitte son appartement de Montréal pour une cabane abandonnée dans la région du Kamouraska, là où naissent les bélugas. « Encabanée » au milieu de l'hiver, elle apprend peu à peu les gestes pour subsister en pleine nature. La vie en autarcie à -40 °C est une aventure de tous les instants, un pari fou, un voyage intérieur aussi. Anouk se redécouvre. Mais sa solitude sera bientôt troublée par une rencontre inattendue...
«Quand on aime les poulets, on aime tout d'eux. La gentillesse qu'on leur donne, ils nous la rendent en sortant du four.»Citadine et végétarienne, Paule doit retourner à la ferme familiale qu'elle avait quittée des années plus tôt. Contrainte de reprendre l'élevage de poulets, elle voit grandir son attachement pour les volailles et imagine alors un projet d'exploitation hors normes...
«Écoute-moi bien, fille... Tu es la personnalité la plus forte de la famille. Je te prédis que la volonté de ton mari se brisera sur la tienne.» Ophélie cache des dons singuliers : elle peut lire le passé des objets et traverser les miroirs. Fiancée de force à l'un des héritiers d'un clan du Pôle, elle quitte à regret le confort de sa famille. La jeune femme découvre ainsi la cour du Seigneur Farouk, où intrigues politiques et familiales vont bon train. Loin de susciter l'unanimité, son entrée dans le monde devient alors l'enjeu d'un complot mortel.
Les fiancés de l'hiver est le premier tome de la saga La Passe-miroir.
«Lorsque dans la milonga (ainsi nomme-t-on le bal de tango) les danseurs se rejoignent sur le parquet, leurs bras se lèvent doucement et ils s'enlacent - ils se prennent dans les bras, ils s'embrassent, étymologiquement. D'où le terme argentin, adopté par les Français:l'abrazo. La main gauche de la femme se place sur le haut du bras de l'homme ou sur son omoplate, ou bien encore passe par-dessus son épaule, tandis que celui-ci, glissant sa main droite par en dessous, la pose sur le dos de sa partenaire. De l'autre côté, leurs mains se tiennent en l'air, paume contre paume. Dès qu'on entre dans l'abrazo, on devine, à son corps, sa tenue, sa prise, on devine quelque chose de son partenaire.»Dans ce texte sensuel, Belinda Cannone déploie, à partir de la danse, une superbe poétique du lien et de la relation. Une poétique qu'elle condense en un mot aux mille échos:l'embrassement.
« Elle a peur qu'il lui demande des choses qu'elle ne pourrait pas. Des promesses. De l'argent. D'interminables engagements. Un peu d'argent, ça irait. Mais plus d'argent ? Ou quoi d'autre ? Il appelle pour demander quelque chose. Obligé. Pas pour faire la conversation. » Rose part en croisière avec ses enfants. Elle rencontre Younès qui faisait naufrage, et lui offre le téléphone de son fils. Rose est héroïque, mais seulement par moments.
« L'espérance de vie de l'amour, c'est huit ans. Pour la haine, comptez plutôt vingt. La seule chose qui dure toujours, c'est l'enfance quand elle s'est mal passée. » Années 1980. Karel grandit avec son frère et sa soeur dans la cité Artaud, à Marseille. Tous trois rêvent d'un autre destin, loin de leur enfance dévastée par la pauvreté et la cruauté du père. En proie à des pulsions violentes, Karel craint de lui ressembler. Et si, comme lui, il abîmait ceux qui l'approchent de trop près ? Un jour, leur père est retrouvé mort, assassiné. Qui a commis ce meurtre salvateur ?
« Finbarr repoussa la couverture, repoussa l'idée de la bière et du tabac, l'idée d'un tour au pub ou d'un racket crapuleux derrière les tanneries, il repoussa l'idée des filles de Belgooly. Il écarta tout cela et alors, il ne resta plus devant lui que l'avenir tout nu et qui n'en finissait pas. » Irlande, 1915. La nuit où Finbarr Peary décide de quitter le petit village misérable dans lequel il a grandi, un navire échoue près de la côte. Les décisions qu'il prendra alors bouleverseront le cours de son existence.
Été 2003, une expédition nocturne s'organise sur les pentes du Stromboli. Deux amis, aux prises avec leurs vertiges volcaniques, tombent sous le charme d'une inconnue, Antonia. Cette rencontre pourrait bien précipiter leur chute à tous...
« «Ici, c'est comme ça.» Cette phrase, elle l'entendrait souvent. À cet instant précis, elle comprit qu'elle était une étrangère, une femme, une épouse, un être à la merci des autres. » En 1944, Mathilde tombe amoureuse d'Amine, un Marocain venu combattre dans l'armée française. Rêvant de quitter son Alsace natale, la jeune femme s'installe avec lui à Meknès pour y fonder une famille. Mais les désillusions s'accumulent : le manque d'argent, le racisme et les humiliations fragilisent leur couple. Dans ce pays ambivalent, qui réclame une indépendance que les hommes refusent pourtant aux femmes, Mathilde réussira-t-elle à poursuivre sa quête de liberté sans heurter ceux qu'elle aime ?