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francoise ega
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«Je suis un cobaye volontaire, je rengaine mon envie de mettre mon tablier au mur et je recommence à brosser. Là, je me demande comment cela doit se passer pour mes soeurs qui n'ont nulle part où se réfugier en cas de révolte, qui sont obligées de rester nuit et jour en compagnie de telles bonnes femmes parce qu'elles ont un voyage à rembourser !» En 1962, Françoise Ega se fait embaucher comme femme de ménage au sein d'une famille de la bourgeoisie marseillaise. Cette dactylographe farouchement indépendante aurait pu choisir une autre voie. Mais elle veut vérifier de ses propres yeux les conditions de travail que lui décrivent des centaines de jeunes femmes débarquées des Antilles et placées comme domestiques dans les riches demeures de la cité phocéenne. Ce qu'elle découvre dépasse l'imagination. Françoise Ega organise alors la résistance... Ce journal, authentique, est la trace de ce combat.
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«Entre la bienheureuse inconscience des premiers âges et le moment où chacun raisonne, il y a un temps où le jeune être se tourne vers la vie comme une plante avide de printemps. Un temps plus ou moins ensoleillé ou peuplé de merveilleux. Le tort est d'imaginer les enfants incapables de sentiments tumultueux et de dire, à propos de tout et de rien, qu'ils ne comprennent pas.»
Ainsi s'ouvre Le temps des madras, un roman d'apprentissage à hauteur d'enfant qui brosse le portrait d'une vie paysanne et modeste à Morne-Rouge, aux pieds du mont Pelé, dans la Martinique des années 1920. Pour la narratrice, sa mère Délie, tante Clotilde, tante Acé ou madame Casimir, les travaux des champs, les enfants qui naissent et grandissent, les grandes misères et les petites joies rythment un quotidien où pèse encore le poids de l'oppression esclavagiste ancestrale.
Avec une chaleur dont Françoise Ega avait montré toute l'ampleur critique dans Lettres à une Noire, Le temps des madras esquisse, derrière «des souvenirs d'enfance revus et corrigés, dépouillés de toute ombre» (Maryse Condé), une charge contre les stéréotypes coloniaux et le patriarcat. Chez Ega, l'écriture est l'arme adéquate pour atteindre l'émancipation et, surtout, un universalisme effectif, dans la lignée des revendications des féminismes noirs.
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Dans la France des années 1960, des jeunes filles et des femmes débarquent par centaines des Antilles pour devenir domestiques auprès de familles blanches et bourgeoises. Tout, dans les relations entre ces « bonnes à tout faire » et leurs employeurs, rappelle l'esclavage.
Françoise Ega, ouvrière dactylographe et mère de famille martiniquaise arrivée à Marseille au milieu des années 1950, s'emploie comme femme de ménage, une « expérience » qu'elle consignera dans Lettres à une Noire, au style tout aussi émouvant que saisissant de réalisme. Ce texte, d'une grande générosité, relève autant du récit intime que de la littérature de combat.
D'aucuns y verraient un plaidoyer contre le racisme et pour la sororité noire, le féminisme, l'entraide communautaire et une véritable égalité sociale.