- Le dolmen dont tu m'as parlé, Johan, il est bien sur la route du petit pont ?- À deux kilomètres après le petit pont, ne te trompe pas. Sur ta gauche, tu ne peux pas le manquer. Il est splendide, toutes ses pierres sont encore debout.- Ça date de quand, un dolmen ?- Environ quatre mille ans.- Donc des pierres pénétrées par les siècles. C'est parfait pour moi.- Mais parfait pour quoi ?- Et cela servait à quoi, ces dolmens ? demanda Adamsberg sans répondre.- Ce sont des monuments funéraires. Des tombes, si tu préfères, faites de pierres dressées recouvertes par de grandes dalles. J'espère que cela ne te gêne pas.- En rien. C'est là que je vais aller m'allonger, en hauteur sur la dalle, sous le soleil.- Et qu'est-ce que tu vas foutre là-dessus ?- Je ne sais pas, Johan.
«- Trois morts, c'est exact, dit Danglard. Mais cela regarde les médecins, les épidémiologistes, les zoologues. Nous, en aucun cas. Ce n'est pas de notre compétence.
Cette nuit-là, dit-elle lentement, Lina a vu passer l'Armée furieuse.
- Qui ?
- L'Armée furieuse, répéta la femme à voix basse. Et Herbier y était. Et il criait. Et trois autres aussi.
- C'est une association ? Quelque chose autour de la chasse ?
Madame Vendermot regarda Adamsberg, incrédule.
- L'Armée furieuse, dit-elle à nouveau tout bas. La Grande Chasse. Vous ne connaissez pas ?
- Non, dit Adamsberg en soutenant son regard stupéfait.
- Mais vous ne connaissez même pas son nom ? La Mesnie Hellequin ? chuchota-t-elle.
- Je suis désolé, répéta Adamsberg. Veyrenc, l'armée furieuse, vous connaissez cette bande ? La fille de Mme Vendermot a vu le disparu avec elle.
- Et d'autres, insista la femme.
Un air de surprise intense passa sur le visage du lieutenant Veyrenc. Comme un homme à qui on apporte un cadeau très inattendu.
- Votre fille l'a vraiment vue ? demanda-t-il. Où cela ?
- Là où elle passe chez nous. Sur le chemin de Bonneval. Elle a toujours passé là.
- La nuit ?
- C'est toujours la nuit qu'elle passe.
Veyrenc retint discrètement le commissaire.
- Jean-Baptiste, demanda-t-il, vraiment tu n'as jamais entendu parler de ça ?
Adamsberg secoua la tête.
- Eh bien, questionne Danglard, insista-t-il.
- Pourquoi ?
- Parce que, pour ce que j'en sais, c'est l'annonce d'une secousse. Peut-être d'une sacrée secousse.
Nul doute que la fratrie « maudite » du village normand rejoindra la galaxie des personnages mémorables de Fred Vargas. Quant à Momo-mèche-courte, il est le fil conducteur de la double enquête que mène ici le commissaire Adamsberg, confronté à l'immémorial Seigneur Hellequin, chef de L'Armée furieuse.
Depuis trente années, ils savaient. Les gouvernants, les industriels, ils savaient. Que leur folle ruée vers l'Argent et la Croissance était meurtrière. Tout est aujourd'hui dévasté : le climat, les sols, les eaux, la faune, les forêts. Nous ont-ils informés ? Bien sûr que non ! Nous filons droit vers un réchauffement de + 3 °C (c'est-à-dire + 7 °C à + 8 °C sur les terres) : le péril mortel qui attend nos enfants est devenu réalité. En ont-ils cure ? Nous, oui. À nous de mettre fin à leur effroyable cynisme. À nous de nous battre, par les actes, par les urnes, à nous de sauver nos enfants.
Clément Vauquer est une âme simple. Il fait ce qu'on lui demande et ne pose jamais de question tant qu'on lui laisse sa seule passion, l'accordéon. Lorsqu'on l'accuse d'être le tueur en série qui terrorise Paris, Marthe, ancienne prostituée au grand coeur, hurle à l'erreur judiciaire et demande à son ami Louis Kehlweiler de protéger «son petit». Louis regimbe mais on ne résiste pas à Marthe. Comme planque idéale : la baraque pourrie qu'il partage avec les Évangélistes, Mathias, Marc et Lucien, trois érudits sympathiques et fins limiers à leurs moments perdus. L'enquête peut commencer.
«J'avais bien l'intention, ayant bouclé mon livre sur L'Humanité en péril, de ne pas vous laisser en paix (pas plus que moi-même) , et de persister à vous assommer par de nouveaux éléments, tant la question du dérèglement climatique et des conséquences du déclin du pétrole est trop ample pour être traitée en un seul volume.J'aurais de très loin préféré vous assurer de la continuation, avec d'autres méthodes que celles d'aujourd'hui, de nos modes de vie. L'honnêteté m'impose de vous dire que c'est là chose impossible et que nous devons avoir le cran de regarder ce bouleversement en face, sans déni, et dans tous ses effets.»
Étranges, ces lettres anonymes que reçoit Adamsberg. Et tout aussi singulière, l'assiduité dont fait preuve le vieux Vasco à siéger sur ce banc juste en face du commissariat ! L'importun vieillard aux poches remplies d'objets insolites et au portemanteau incongru attise l'exaspération du lieutenant Danglard. Mais, pour le commissaire Adamsberg, dont le flair nonchalant confine au génie, l'affaire n'est pas si anodine. Fred Vargas signe ici deux nouvelles policières où l'on retrouve avec plaisir les personnages décalés, les rencontres déroutantes et le ton si subtilement décontracté qui ont fait son succès.
«L'unique avantage de nos tracas propres tient à cette longue cohabitation qui nous permit de les apprivoiser. Il n'est pas rare ainsi que nous puissions commander à tel de nos tracas de rester couché, assis, ou de filer la queue basse à la niche. En volant les tracas d'autrui, vous vous trouveriez confronté à une meute inconnue et sauvage, ne tentez pas le truc.»
À la fois autoanalyse et thérapie de groupe, mais loin de toute démonstration académique ou érudite, ce traité se propose, avec humour et autodérision, d'alléger notre tracas, de déposer ce fardeau sur le bord du chemin. Cette douce rébellion est un voyage initiatique au coeur de la pensée zigzagante de l'auteur, en quête de béatitude et d'harmonie.
« Comment résoudre définitivement tous les problèmes que se posent l'être humain ? Comment faire qu'il cesse d'avancer d'erreurs en fourvoiements ? Fred Vargas nous livre un petit opus d'un humour dévastateur. Où l'on comprend enfin pourquoi le bus n'arrive jamais, pourquoi le sable s'enfuit lorsqu'on le serre ou pourquoi il est bon de parler sans arrêt. Bref, ce petit traité est indispensable ! » - Le Nouvel Observateur