Viviane Forrester
-
Viviane Forrester a quinze ans lorsque la guerre déferle en France. C'est sous l'occupation allemande que cette femme-enfant un peu sauvage vit ses premiers émois. S'imaginant en héroïne de théâtre, habitée par un intense désir d'exister, l'adolescente juive affronte avec les siens l'antisémitisme ambiant et la menace de la déportation. Un récit tendre, impudique et bouleversant de fraîcheur.
-
Un angle de vue neuf, tout à fait inattendu, sur la tragédie du Proche-Orient et ses prémisses permet d?en déplacer ici les responsabilités. Viviane Forrester démontre à quel point les Israéliens, les Palestiniens ne sont pas victimes les uns des autres, mais les uns et les autres d?une longue Histoire européenne, celle des crimes antisémites européens, dont les uns furent la proie et auxquels les autres n?eurent aucune part.
Détournée au Proche-Orient, la dette leur échoit, néanmoins, de ce désastre occidental, qui taraude encore les consciences. Car si les Alliés menèrent une guerre classique, héroïque et victorieuse contre l?Allemagne expansionniste, la guerre contre le nazisme n?eut, en revanche, pas lieu. Une documentation précise, irréfutable, imprévue, révèle les dimensions tragiques de l?abandon conscient, délibéré, des Européens juifs par l?Occident tout au long du Troisième Reich.
L?escamotage de ses origines fait paraître inextricable le drame israélo-palestinien. Or aujourd?hui, leur tragédie commune rend paradoxalement les Israéliens et les Palestiniens plus proches les uns des autres que des puissances occidentales qui prétendent au rôle d?arbitre. Quand ces deux peuples négocieront-ils enfin sans intermédiaires ? Quand passeront-ils du passionnel au politique ?
Dans un grand souffle et avec émotion, une voie est ici tracée. -
Nous vivons au sein d'un leurre magistral, d'un monde disparu que des politiques artificielles prétendent perpétuer. Nos concepts du travail et par là du chômage, autour desquels la politique se joue (ou prétend se jouer) n'ont plus de substance: des millions de vies sont ravagés, des destins sont anéantis par cet anachronisme. L'imposture générale continue d'imposer les systèmes d'une société périmée afin que passe inaperçue une nouvelle forme de civilisation qui déjà pointe, où seul un très faible pourcentage de la population terrestre trouvera des fonctions. L'extinction du travail passe pour une simple éclipse alors que, pour la première fois dans l'Histoire, l'ensemble des êtres humains est de moins en moins nécessaire au petit nombre qui façonne l'économie et détient le pouvoir. Nous découvrons qu'au-delà de l'exploitation des hommes, il y avait pire, et que, devant le fait de n'être plus même exploitable, la foule des hommes tenus pour superflus peut trembler, et chaque homme dans cette foule. De l'exploitation à l'exclusion, de l'exclusion à l'élimination...?
Sur un ton totalement neuf, Viviane Forrester, dans une analyse très documentée, dénonce les discours habituels, qui masquent les signaux d'un monde réduit à n'être plus qu'économique, et dont nous devenons, ils nous en avertissent, la dépense superflue.
Viviane Forrester, romancière, essayiste, est l'auteur, entre autres, de La Violence du calme, Van Gogh ou l'enterrement dans les blés, Ce soir, après la guerre. Elle est critique littéraire au Monde et membre du jury Fémina. -
La marchandise elle-même a changé de statut. Elle n'est plus l'objet, le sujet de l'échange : l'échange en soi devient la marchandise. L'échange et non ses objets, mais ses propres fluctuations hallucinées, évanescentes, sa matière illusoire seront seules troquées, devenues l'étalon.
Mettre en question chaque question. La première d'entre elles étant celle de son escamotage.
-
C'est après la guerre sur une plage de Hollande. Le passé vit encore, où toutes les velléités d'action viennent échouer ; former des couples, aimer, recommencer un film avec d'autres acteurs ou, comme Rochting, l'ancien collaborateur, exploiter à nouveau ses victimes : autant de démarches que freine le passé. La mémoire d'une femme que l'on n'a pas aimée, d'un jeune homme disparu dans les camps, d'une enfance heureuse et de tant de cadavres, hante et commande les habitants de Scheveningen. En «ce temps de paix sans innocence», Sarah, venue d'ailleurs, trouvera seule la plénitude et se confondra avec le paysage, le sable, dans cette atmosphère nostalgique qui suit les grands événements.
-
Pendant l'Exode de 1940, deux soeurs, Cerise et Norma, traversent le parc d'un manoir, près de Pau. Elles sont exultantes de jeunesse, ivres de vie malgré le désastre alentour. Trente ans plus tard, et alors que ce manoir ne devait être qu'un séjour provisoire, Cerise et Norma s'y trouvent encore, vieillies, défaites par le destin.
Ici, la passion prendra le visage d'un jeune résistant, Albert Hans, dont les deux soeurs vont s'éprendre en vain. Et, même en ces temps de violence, le destin révélera que le mal d'aimer, de n'être pas aimé, peut accomplir des ravages aussi décisifs que la violente folie des hommes. Grave, musicale, sensuelle, l'aventure de Norma et de Cerise est celle de deux femmes précipitées contre elles-mêmes par une histoire qui appartient toujours aux vainqueurs. On y entend, jusqu'à l'intolérable, le bruissement des émotions et des troubles qui décident de tout.
-
«La foule marche, impassible, visages neutres, voix inaudibles, pas mesurés. Tous ces gens vont mourir. La rue est calme. Ils sont tous condamnés. Ils ne se hâtent pas, ils ne hurlent pas. Ils n'implorent pas : la contrainte est telle qu'ils le savent inutile. Ils passent.Mais où passe la terreur ? Où se loge l'oubli ? Où se crient les cris, où se pleurent les pleurs ? Où se déchaînent les crises, se déclenchent les scènes ? ...Le calme des individus, des sociétés, s'obtient par l'exercice de forces coercitives d'une violence telle qu'elle n'est plus nécessaire et passe inaperçue. Pour contraindre les passions à s'exprimer seulement dans les chambres, l'intimité ou dans les catastrophes ; pour juguler les cris de souffrance (ou d'amour), les plaintes de la misère, le gémissement des vieux, la colère des pauvres ; pour endormir ceux dont on assassine, leur vie durant, la vie ; pour que les désirs des pouvoirs étouffent le pouvoir du désir ; pour dissimuler que «l'enfer est vide, tous les démons sont ici» - quelle longue, terriblement longue tradition de lois clandestines ! Et dont ne tient compte aucune révolution...»V. F.Une critique radicale - en particulier de l'Histoire - et qui se refuse au chantage du faux optimisme, souvent criminel. Ouvert aux enquêtes sociales comme aux vrais manifestes - ceux de Hamlet, Lear, Sade, Proust, Don Juan, dont on trouvera ici des lectures inédites (et sur Freud quelques révélations) - un constat, imprévu, dit d'une voix scandalisée, brûlante et rigoureuse.
-
Dans ce recueil de quatorze nouvelles, l'émotion de l'écriture et le rythme envoûtant de Vivianne Forrester nous happent aussitôt dans la chair du récit.
-
Dans ce journal d'écrivain, l'essentiel qui revient à chaque page, ce sont les questions existentielles : la littérature et l'écriture, encore et toujours. Qu'est-ce que c'est, être un écrivain ? Une autre de ses qualités réside dans la profondeur des analyses littéraires des livres que lit VivianeForrester : Kafka, Virginia Woolf, Proust, Malcom Lowry. Par exemple, sur Hemingway : « lemonde est un grand hôtel dont les personnages d'Hemingway sont les clients ». Mais elle décèleaussi tout ce qu'il y a de faible, selon elle, chez Mauriac, d'un peu faux chez Sartre, Bataille,Blanchot... Nous sont présentées les années de l'Occupation, ineffaçables : les persécutions, la fuite à Pau puis à Madrid ; la figure du père, homme riche, puissant, redoutable. La période que couvre ce journal est celle où l'auteur, qui habite rue de Rivoli, en face des Tuileries, est mariée au peintre néo-zélandais John Forrester ; où leur couple, aussi, va se déliter. Les personnages du monde littéraire apparaissent, ce sont d'abord ceux qui publient chez ses éditeurs : Maurice Nadeau, Geneviève Serreau, les Dalmas... Octavio Paz, par exemple, est impliquée dans une scène de jalousie qui a pour protagonistes John Forrester, Bona, Viviane et Octavio. Puis survient le moment où les Forrester n'ont plus d'argent. Le peintre part pour l'Australie, mais, trop malheureux, revient aussitôt. Sans un sou de côté, Viviane Forrester raconte comment elle est obligée de faire des traductions et des critiques pour survivre. Un véritable récit se dégage de ces pages, où la vie passionnante de Viviane Forrester se révèle sous un jour très inattendu, qu'il s'agisse de la femme engagée dans sa passion pour l'écriture et pour les livres, ou de son mariage avec le peintre John Forrester, qui la propulse dans le bouillonnant milieu artistique de la fin des années 1960. Le style net et lumineux décrit sans complexe ces années difficiles et passionnantes où, bien que vivant dans une grande gêne financière, celle qui se sentait « écrivain avant la naissance » va enfin naître au monde qu'elle attendait ardemment, celui des gens de lettres.
-
-
-
Nous ne vivons pas sous l'emprise fatale de la mondialisation, mais sous le joug d'un régime politique unique et planétaire, inavoué, l'ultralibéralisme, qui gère la mondialisation et l'exploite au détriment du grand nombre. Cette dictature sans dictateur n'aspire pas à prendre le pouvoir, mais à avoir tout pouvoir sur ceux qui le détiennent.
Viviane Forrester démontre que ce n'est pas l'économie qui a la mainmise sur le politique, mais cette politique à vocation totalitaire qui détruit l'économie au profit de la spéculation. Au profit du seul profit, devenu incompatible avec l'emploi. Lui sont aussi sacrifiés les secteurs de la santé, de l'éducation, tous ceux liés à la civilisation. Ses propagandes vantent les fonds de pension, sources de licenciements, qui conduisent les salariés à sponsoriser leur propre chômage ; elles chantent la disparition de ce chômage aux Etats-Unis, alors qu'il y est remplacé par la pauvreté. Nous pouvons résister à cette étrange dictature qui exclut un nombre toujours croissant d'entre nous, mais garde - c'est là le piège, et surtout notre chance - des formes démocratiques.
Viviane Forrester, romancière, essayiste, est l'auteur, entre autres, de Ainsi des exilés, Van Gogh ou l'enterrement dans les blés, Ce soir, après la guerre. Elle est critique littéraire au Monde et membre du jury du prix Fémina. L'édition courante de son dernier ouvrage, L'Horreur économique, prix Médicis 1996 de l'essai, s'est vendue en France à plus de 350 000 exemplaires ; elle est traduite en 24 langues. -
Il n'y a qu'un territoire balayé de nos cris, nos murmures et de sons - engouffrés dans la mort. Mais tant d'autres réseaux. Viscères. Mots. Mémoires. Et toute cette absence qu'ils viennent constater.
Qu'ai-je écrit ? (en deux langues... Trois, peut-être... ou plus ?) Les corps à peine moites. Peaux hagardes, dissoutes. Souvenirs de la mère dits par la voix du fils, qui les confond aux siens. Elle, elle, elle, comme ébranlant des mondes, et de ses bras immenses, et les pères qui montaient. L'odeur de l'herbe chaude. Appels venus s'échouer dans la campagne anglaise. Noms coercitifs d'une Histoire en lambeaux. Manque un sexe. Les Christs sur leurs croix font semblant de survivre. C'est que c'est pas gagné. Les vaches permanentes, moucherons morts, les camps. Plan large, l'apocalypse. Mais nos histoires d'amour, comment les raconter.