« Arrêtez. Il y en a trop. Ça n'est plus crédible.
J'ai beau savoir, et ma cousine a beau me fournir de son côté des informations toutes plus criantes de vérité, je refuse de continuer l'inventaire. La nausée me prend, la tête me tourne.
Ils sont trop nombreux, c'est trop systématique. Et pourtant jamais pareil.
Pourquoi tenter de reconstituer la généalogie de ces chaînes d'abus, de meurtres psychiques, de saccage, pourquoi se faire du mal en cherchant à s'approcher au plus près de ce qui s'est vraiment passé? Parce qu'il faut raconter ce que ces gens si bien élevés, ces bons bourgeois français, se sont autorisés à faire subir à leurs rejetons, petits, fragiles, tellement dépendants d'eux. Et tâcher de le dire dans le détail. Omettre ou minimiser la réalité serait encore ménager les agresseurs. Il faut aussi essayer de comprendre, analyser. Expliciter comment sur quatre générations - et je n'écris peut-être que pour stopper la malédiction -, en toute impunité, tant de personnes ont instrumentalisé, maltraité leurs enfants, sans jamais être inquiétées.
La loi des grands nombres me délie soudain de ma peur, de mes hontes et du silence imposés. » A l'issue de la parution de Noces de charbon à l'automne 2013, une cousine lointaine de Sophie Chauveau prend contact avec elle, éberluée de constater que la romancière semble avoir subi une enfance et une adolescence similaires à la sienne, c'est-à-dire totalement saccagées par les comportements incestueux de leurs pères. Cette coïncidence fait tristement écho à des rumeurs entendues dans leurs familles respectives sur des ancêtres eux-mêmes soupçonnés de crimes sexuels. Elles commencent alors une sorte d'enquête, épouvantable et nécessaire inventaire dressant peu à peu la liste d'une telle quantité de pervers et de victimes dans cette famille hors normes que leur témoignage unique et édifiant prend une force inouïe.
Sonia Delaunay s'est longtemps effacée derrière l'oeuvre de son mari Robert qu'elle vénérait. Mais qui est-elle vraiment ? Moderne, exigeante et visionnaire, du couple Delaunay, la vraie créatrice, c'est elle.
Seule femme peintre parmi l'avant-garde naissante, Sonia souffre de sa réputation de « touche à tout ». Avec ses tissus imprimés, ses meubles, ses objets, ses vêtements, elle fait vivre sa famille, mais surtout crée l'art d'embellir le quotidien. Généreuse, elle se lie d'amitié avec les artistes majeurs de son époque - Apollinaire, Cendrars, Tzara, Diaghilev, Kandinsky - qui s'invitent à sa table et avec lesquels elle collabore dans une camaraderie joyeuse et inventive.
Sophie Chauveau raconte avec passion le destin d'une artiste exceptionnelle, une vie magnifique, bousculée par deux guerres et toutes les révolutions picturales du XXe siècle.