Filtrer
Support
Éditeurs
Prix
Folio
-
«Nous commencerons par discuter les points de vue pris sur la femme par la biologie, la psychanalyse, le matérialisme historique. Nous essaierons de montrer ensuite positivement comment la "réalité féminine" s'est constituée, pourquoi la femme a été définie comme l'Autre et quelles en ont été les conséquences du point de vue des hommes. Alors nous décrirons du point de vue des femmes le monde tel qu'il leur est proposé ; et nous pourrons comprendre à quelles difficultés elles se heurtent au moment où, essayant de s'évader de la sphère qui leur a été jusqu'à présent assignée, elles prétendent participer au mitsein humain.» Simone de Beauvoir.
-
«Comment la femme fait-elle l'apprentissage de sa condition, comment l'éprouve-t-elle, dans quel univers se trouve-t-elle enfermée, quelles évasions lui sont permises, voilà ce que je chercherai à décrire. Alors seulement nous pourrons comprendre quels problèmes se posent aux femmes qui, héritant d'un lourd passé, s'efforcent de forger un avenir nouveau. Quand j'emploie les mots "femme" ou "féminin" je ne me réfère évidemment à aucun archétype, à aucune immuable essence ; après la plupart de mes affirmations il faut sous-entendre "dans l'état actuel de l'éducation et des moeurs". Il ne s'agit pas ici d'énoncer des vérités éternelles mais de décrire le fond commun sur lequel s'élève toute existence féminine singulière.» Simone de Beauvoir.
-
Nouvelle édition en 2008
-
«La femme a toujours été, sinon l'esclave de l'homme, du moins sa vassale ; les deux sexes ne se sont jamais partagé le monde à égalité ; et aujourd'hui encore, bien que sa condition soit en train d'évoluer, la femme est lourdement handicapée. En presque aucun pays son statut légal n'est identique à celui de l'homme et souvent il la désavantage considérablement.» Agrégée de philosophie, unie à Jean-Paul Sartre par un long compagnonnage affectif et intellectuel, Simone de Beauvoir (1908-1986) publie son premier roman, L'Invitée, à l'âge de trente-cinq ans. Paru en 1949, Le Deuxième Sexe, dont on trouvera ici quelques pages marquantes, fit d'elle l'une des grandes figures du féminisme du XX? siècle et lui assura une renommée internationale qui marqua durablement sa carrière d'écrivain.
-
«Quand je dis que je travaille à un essai sur la vieillesse, le plus souvent on s'exclame : "Quelle idée ! Mais vous n'êtes pas vieille ! Quel sujet triste..." Voilà justement pourquoi j'écris ce livre : pour briser la conspiration du silence. À l'égard des personnes âgées, la société est non seulement coupable, mais criminelle. Abritée derrière les mythes de l'expansion et de l'abondance, elle traite les vieillards en parias. Pour concilier cette barbarie avec la morale humaniste qu'elle professe, la classe dominante prend le parti commode de ne pas les considérer comme des hommes ; si on entendait leur voix, on serait obligé de reconnaître que c'est une voix humaine. Devant l'image que les vieilles gens nous proposent de notre avenir, nous demeurons incrédules ; une voix en nous murmure absurdement que ça ne nous arrivera pas : ce ne sera plus nous quand ça arrivera. Avant qu'elle ne fonde sur nous, la vieillesse est une chose qui ne concerne que les autres. Ainsi peut-on comprendre que la société réussisse à nous détourner de voir dans les vieilles gens nos semblables. C'est l'exploitation des travailleurs, c'est l'atomisation de la société, c'est la misère d'une culture réservée à un mandarinat qui aboutissent à ces vieillesses déshumanisées. Elles montrent que tout est à reprendre, dès le départ. C'est pourquoi la question est si soigneusement passée sous silence ; c'est pourquoi il est nécessaire de briser ce silence : je demande à mes lecteurs de m'y aider.» Simone de Beauvoir.
-
Vingt et un ans et l'agrégation de philosophie en 1929. La rencontre de Jean-Paul Sartre. Ce sont les années décisives pour Simone de Beauvoir. Celles ou s'accomplit sa vocation d'écrivain, si longtemps rêvée. Dix ans passés à enseigner, à écrire, à voyager sac au dos, à nouer des amitiés, à se passionner pour des idées nouvelles. La force de l'âge est pleinement atteinte quand la guerre éclate, en 1939, mettant fin brutalement à dix années de vie merveilleusement libre.
-
«Reflets, échos, se renvoyant à l'infini : j'ai découvert la douceur d'avoir derrière moi un long passé. Je n'ai pas le temps de me le raconter, mais souvent à l'improviste je l'aperçois en transparence au fond du moment présent ; il lui donne sa couleur, sa lumière comme les roches ou les sables se reflètent dans le chatoiement de la mer. Autrefois je me berçais de projets, de promesses ; maintenant, l'ombre des jours défunts veloute mes émotions, mes plaisirs.» Mémoires d'une jeune fille rangée, La force de l'âge, La force des choses... Simone de Beauvoir ne cessa de transcrire, volume après volume, décennie après décennie, l'effet du passage des années. Dans ce court récit, c'est à un âge «discret» que l'écrivain s'attache : son héroïne a soixante ans.
-
«- Dis-moi pourquoi tu rentres si tard. Il n'a rien répondu. - Vous avez bu ? Joué au poker ? Vous êtes sortis ? Tu as oublié l'heure ? Il continuait à se taire, avec une espèce d'insistance, en faisant tourner son verre entre ses doigts. J'ai jeté par hasard des mots absurdes pour le faire sortir de ses gonds et lui arracher une explication : - Qu'est-ce qui se passe ? Il y a une femme dans ta vie ? Sans me quitter des yeux, il a dit : - Oui, Monique, il y a une femme dans ma vie.»
-
«- Qu'est-ce qui ne va pas ? - Rien, tout va très bien, dis-je d'un ton dégagé. - Allons ! Allons ! je sais ce que ça veut dire quand tu prends ta voix de dame du monde, dit Robert. Je suis sûr qu'en ce moment ça tourne dur dans cette tête. Combien de verres de punch as-tu bus ? - Sûrement moins que vous, et le punch n'y est pour rien. - Ah ! tu avoues ! dit Robert d'un ton triomphant ; il y a quelque chose et le punch n'y est pour rien ; quoi donc ? - C'est Scriassine, dis-je en riant ; il m'a expliqué que les intellectuels français étaient foutus.»
-
«Je me sens coupable, dit-il. Je me suis reposé bêtement sur les bons sentiments que cette fille me porte, mais ce n'est pas d'une moche petite tentative de séduction qu'il s'agissait. Nous voulions bâtir un vrai trio, une vie à trois bien équilibrée où personne ne se serait sacrifié : c'était peut-être une gageure, mais au moins ça méritait d'être essayé ! Tandis que si Xavière se conduit comme une petite garce jalouse, si tu es une pauvre victime pendant que je m'amuse à faire le joli coeur, notre histoire devient ignoble.»
-
«- Vous garder ? Je vous garderais toute ma vie ! dit-il. Il m'avait jeté ces mots avec une telle violence que je chavirai dans ses bras. J'embrassai ses yeux, ses lèvres, ma bouche descendit le long de sa poitrine ; elle effleura le nombril enfantin, la fourrure animale, le sexe où un coeur battait à petits coups ; son odeur, sa chaleur me saoulaient et j'ai senti que ma vie me quittait, ma vieille vie avec ses soucis, ses fatigues, ses souvenirs usés. Lewis a serré contre lui une femme toute neuve.»
-
«Non ; elle a crié tout haut. Pas Catherine. Je ne permettrai pas qu'on lui fasse ce qu'on m'a fait. Qu'a-t-on fait de moi ? Cette femme qui n'aime personne, insensible aux beautés du monde, incapable même de pleurer, cette femme que je vomis. Catherine : au contraire lui ouvrir les yeux tout de suite et peut-être un rayon de lumière filtrera jusqu'à elle, peut-être elle s'en sortira... De quoi ? De cette nuit. De l'ignorance, de l'indifférence.»
-
De 1947 à 1964, Simone de Beauvoir écrivit à Nelson Algren des centaines de lettres d'amour. Au sortir du confinement dû à la guerre, cet amour transatlantique l'entraîne dans une aventure aussi risquée que les vols Paris-New York de ce temps-là. C'est pour elle, à la fois, la découverte enthousiaste de l'Amérique, jusque-là mythique, et l'irruption dans sa vie d'une brûlante passion. Nelson ne sachant pas le français, elle lui écrit en anglais. Elle désire ardemment faire entrer l'homme qu'elle aime dans son univers, dont il ignore tout. Ainsi bénéficions-nous d'un reportage unique sur la vie littéraire, intellectuelle et politique de ces années. Pendant que naissent devant nous Le deuxième sexe, Les mandarins, Mémoires d'une jeune fille rangée, Simone de Beauvoir nous livre d'elle-même une autre image, celle d'une femme amoureuse.
-
«Dissiper les mystifications, dire la vérité, c'est un des buts que j'ai le plus obstinément poursuivis à travers mes livres. Cet entêtement a ses racines dans mon enfance ; je haïssais ce que nous appelions ma soeur et moi la "bêtise" : une manière d'étouffer la vie et ses joies sous des préjugés, des routines, des faux-semblants, des consignes creuses. J'ai voulu échapper à cette oppression, je me suis promis de la dénoncer.»
-
Pour une morale de l'ambiguïté ; Pyrrhus et Cinéas
Simone de Beauvoir
- Folio
- Folio Essais
- 23 Janvier 2003
- 9782070426935
«Les hommes d'aujourd'hui semblent ressentir plus vivement que jamais le paradoxe de leur condition. Ils se reconnaissent pour la fin suprême à laquelle doit se subordonner toute action : mais les exigences de l'action les acculent à se traiter les uns les autres comme des instruments ou des obstacles : des moyens [...] Chacun d'entre eux a sur les lèvres le goût incomparable de sa propre vie, et cependant chacun se sent plus insignifiant qu'un insecte au sein de l'immense collectivité dont les limites se confondent avec celles de la terre ; à aucune époque peut-être ils n'ont manifesté avec plus d'éclat leur grandeur, à aucune époque cette grandeur n'a été si atrocement bafouée. Malgré tant de mensonges têtus, à chaque instant, en toute occasion, la vérité se fait jour : la vérité de la vie et de la mort, de ma solitude et de ma liaison au monde, de ma liberté et de ma servitude, de l'insignifiance et de la souveraine importance de chaque homme et de tous les hommes [...] Puisque nous ne réussissons pas à la fuir, essayons donc de regarder en face la vérité. Essayons d'assumer notre fondamentale ambiguïté. C'est dans la connaissance des conditions authentiques de notre vie qu'il nous faut puiser la force de vivre et des raisons d'agir.»Simone de Beauvoir.
-
«Quand il ouvrit la porte, tous les yeux se tournèrent vers lui : - Que me voulez-vous ? dit-il.Laurent était assis à califourchon sur une chaise devant le feu.- Il faut que je sache si c'est décidé ou non pour demain matin, dit Laurent.Demain. Il regarda autour de lui. La pièce sentait la lessive et la soupe aux choux. Madeleine fumait, les coudes sur la nappe. Denise avait un livre devant elle. Ils étaient vivants. Pour eux, cette nuit aurait une fin ; il y aurait une aube...»