Spécialiste mondialement reconnue de l'histoire ouvrière mais aussi de l'histoire des femmes, Michelle Perrot a puissamment contribué à remodeler ces domaines d'étude. Ses analyses des grèves, mais aussi du rôle des femmes dans la cité, continuent d'orienter nombre de recherches ; de même ses travaux sur la prison et sur les mécanismes d'enfermement, menés en étroite liaison avec ceux de Michel Foucault. Elle a également contribué à réhabiliter l'analyse de la vie privée, de l'intime. De sa thèse, qui fit date, Les Ouvriers en grève, à Histoire de chambres, cette énergique historienne des conflits, sociaux et « genrés », s'est aussi affirmée comme une subtile analyste des tyrannies de l'intimité comme de ses frêles bonheurs.
Le monde est saturé d'images. Ni cette saturation, pourtant, ni la marchandisation du visible n'affaiblissent l'événement que constitue parfois la rencontre avec les images : leur surgissement, d'autant plus émouvant qu'il a lieu sans tapage, est au coeur de l'entretien que nous a accordé Laurent Jenny, ainsi que de son livre Le Désir de voir, que commente Dominique Rabaté. Avec Nathalie Delbard et son Strabisme du tableau, toute une historicité du « voir » se découvre, faite de troubles et d'inquiétudes du regard ; Giovanni Careri a lu pour nous cet essai solidaire de la psychanalyse et attentif à « ce qui fait histoire dans l'art ». Anne Lafont, quant à elle, nous invite à reparcourir, catalogue en mains, la remarquable exposition conçue par Christine Barthe au musée du Quai Branly : À toi appartient le regard et (...) la liaison infinie entre les choses.
Quelle meilleure conjuration en effet, dans la prolifération vertigineuse des images, que cette expérience démultipliée du voir retracée dans ces textes, réunis par Marielle Macé ?