Quand il nous arrive de dire « C'était mieux avant », sommes-nous des passéistes en proie à la nostalgie d'une enfance lointaine, d'une jeunesse révolue, d'une époque antérieure à la nôtre où nous avons l'illusion qu'il faisait bon vivre ? A moins que cet avant ne soit un hors-temps échappant à toute chronologie.
Je me refuse à découper le temps. Nous avons, j'ai tous les âges. J.-B. P. En une succession de courts chapitres, J.-B. Pontalis passe en revue la mémoire sous toutes ses formes, de son contenu - comparé à un sac où l'on plongerait pour en ressortir de l'indispensable ou du futile, du nécessaire ou du superflu - aux souvenirs d'enfance, de son contraire, l'indispensable oubli - la mémoire absolue serait invivable - à une réflexion sur l' « après », cette maladie de l'anticipation qui nous empêche si souvent de vivre pleinement le présent.
Ce livre fait écho à En marge des jours paru en 2002.
Comme lui il est composé de fragments. comme lui il a trouvé son point de départ dans de brèves notes que j'inscris parfois dans mes "Cahiers privés". Mais ici sont évoqués ce que Victor Hugo dans Choses rues appelait des "événements de la nuit" : des rêves qui redonnent vie aux amis disparus. des rencontres qui, même si elles ont lieu le jour, ont quelque chose d'insolite. des moments d'inquiétante étrangeté où notre identité vacille.
Ou encore ceux où l'on se demande : " Qu'est-ce que je fais là ? La présence de la mort à venir va de pair avec l'attrait pour la vie. avec l'inlassable curiosité qui anime l'enfant avide d'explorer ce qui l'entoure. A cet enfant je donne un nom : Alice.
En 1908, la première «société psychanalytique» est officiellement fondée, à Vienne. Mais c'est depuis 1902 que quelques hommes ont pris l'habitude, et le goût, de se réunir chaque semaine au domicile de Freud:les fameuses «séances du Mercredi soir». À partir de 1906, le jeune Otto Rank est chargé d'établir le compte rendu détaillé de ces séances:ce sont les Minutes, soigneusement conservées par Freud, puis par Paul Federn.La métaphore, aujourd'hui si usée, de pionniers de la psychanalyse retrouve ici sa saveur, et le mot, aujourd'hui si généreusement distribué, de séminaire, sa raison d'être. Sous la direction ferme et discrète de Freud, un groupe assez hétérogène de médecins, d'éducateurs, d'écrivains s'avance, avec un mélange d'enthousiasme et de réticence, dans un territoire pour eux à peine défriché et aux frontières encore mal définies. Aussi les questions abordées sont-elles très diverses:troubles de la sexualité, étiologie des névroses, inceste; mais les exposés suivis d'une discussion - à laquelle chaque participant est tenu de contribuer - peuvent aussi porter sur des oeuvres littéraires ou même être l'occasion d'aveux et de souvenirs personnels.C'est véritablement au lieu d'origine de ce qui deviendra le mouvement psychanalytique que nous sommes conviés. Car si, en ce début du siècle, la chose analytique ne pouvait qu'être identifiée à la recherche longtemps menée en solitaire par Freud, la cause, elle, demandait à être non seulement soutenue, mais mise à l'épreuve en chacun des intéressés.