"Arbre de l'oubli" brosse le portrait d'une famille américaine aisée, privilégiée, éduquée... puis, élargissant le tableau peu à peu, nous montre les fils inattendus qui relient cette famille aux pages les plus sombres de l'Histoire moderne. En dessinant un chemin tortueux à travers l'émancipation pas toujours réussie de trois personnages complexes, le roman aurait pu prendre les tonalités d'un parcours initiatique. Mais il s'agit, une fois le tableau appréhendé dans sa globalité, d'un grand roman d'Histoire vivante tant il convoque les enjeux essentiels d'aujourd'hui : racisme, religion et laïcité, procréation pour autrui, violence, misère et colère, féminisme et représentation.
Quatre générations d'une famille d'immigrants, les Sterling, ont pris souche dans les plaines de l'Alberta (Canada), entre la fin du XIXe siècle et le milieu du XXe. L'un d'entre eux, Paddon, a tout connu de leur existence. Mais, quand commence ce roman, Paddon vient de mourir. Et c'est à ce que grand-père adoré, fils de pionniers en terre indienne, que la narratrice, Paula, adresse un ample récit en forme d'adieu.
Entre un jeune Californien du XXIe siècle et une fillette allemande des années 1940, rien de commun si ce n'est le sang. Pourtant, de l'arrière-grand-mère au petit garçon, chaque génération subit les séismes politiques ou intimes déclenchés par la génération précédente. Monstrueuses ou drôles, attachantes ou désespérées, les voix de Sol, Randall, Sadie et Kristina - des enfants de six ans dont chacun est le parent du précédent - racontent, au cours d'une marche à rebours vertigineuse, la violence du monde qui est le nôtre, de San Francisco à Munich, de Haïfa à Toronto et New York. Quel que soit le dieu vers lequel on se tourne, quelle que soit l'époque où l'on vit, l'homme a toujours le dernier mot, et avec lui la barbarie. C'est contre elle pourtant que s'élève ce roman éblouissant où, avec amour, avec rage, Nancy Huston célèbre la mémoire, la fidélité, la résistance et la musique comme alternatives au mensonge.
Comment et pourquoi Nancy Huston écrit-elle aujourd'hui le récit de ses années de formation en miroir de celles de Saloth Sâr, qui, avant de devenir Pol Pot, l'un des pires dictateurs du XXe siècle, fut un jeune cambodgien venu étudier à Paris, entrant en politique avec force, guerrier intrépide et impassible ? Entre autofiction et exofiction, l'écrivaine remonte les chemins de la création et de la destruction, tisse les liens existant entre son récit propre et celui de l'histoire du monde.
La lettre de Nancy Huston a Grisélidis Réal, poétesse et prostituée.
?Longtemps je t'ai détestée, Gri. On eût dit que tu acquiesçais à tout ce que les hommes te demandaient. Tu semblais n'avoir aucun problème pour incarner leur fantasme : la pute au grand coeur, celle qui aime ça, celle qui comprend les messieurs et ne les juge jamais, celle qui accepte avec le sourire leur tout et leur n'importe quoi.
Grisélidis Réal, écrivaine et prostituée suisse, a fui le milieu où elle est née, bourgeois, calviniste et rigide, pour mener une vie libre. Une vie marquée par des histoires avec des hommes violents, des dizaines de milliers de relations tarifées, quatre enfants placés, des fausses couches, mais une vie illuminée par l'art et l'engagement militant au nom des travailleuses du sexe.
Poétesse magnifique, figure rebelle et courageuse, Grisélidis Réal fascine Nancy Huston qui, malgré quelques désaccords, se retrouve beaucoup en elle. À l'aune de son destin, elle questionne le sien, son rapport à la mère, aux hommes, au danger.
Véritable déclaration d'admiration, cette lettre révèle une grande artiste de la fin du XXe siècle dont la modernité de pensée annonce les débats contemporains. Un texte résolument féministe, qui interroge avec puissance le rôle du corps féminin dans l'écriture et le rapport au monde.
Dans le monde occidental aujourdhui, aucune femme ne peut prétendre avoir mené son existence à labri de cette propagande, qui fait de nous toutes, à des degrés variables et selon notre âge, notre milieu social et notre métier, avec notre coopération enthousiaste ou à notre corps défendant, des reflets dans un il dhomme Nous incarnons bien moins que nous ne le pensons, dans notre arrogance naturelle et candide, la femme libre et libérée.
Dans cet ouvrage qui emprunte sa tonalité au roman mais qui a la rigueur dun essai, Nancy Huston convoque sa propre expérience comme celle dartistes qui lentourent pour analyser avec beaucoup de finesse toutes les influences qui, sournoisement comme au grand jour, façonnent la femme contemporaine.
"Si tu invitais trente personnes chez toi, des êtres que tu as aimés et que tu aimes, pour t'écouter jouer au clavecin, pendant une heure et demie, Les Variations Goldberg de Bach, et si ce concert se déroulait comme un songe d'une nuit d'été, c'est-à-dire si toi, Liliane, tu parvenais à faire vibrer ces trente personnes comme autant de Variations, chacune à un diapason différent - (il te faudrait pour cela osciller entre le souvenir et la spéculation ; il te faudrait surtout maîtriser tes peurs) - peut-être alors tous tes fragments de musique s'animeraient-ils enfin dans une même coulée, et cela s'appellerait Les Variations Goldberg, romance".
C'est ainsi que Nancy Huston caractérise elle-même son premier roman, sa première romance, une suite narrative adaptée à la structure des Variations Goldberg de Jean-Sébastien Bach.
Au plus proche de l'autobiographie, Nancy Huston livre le récit de sa toute première enfance, cette période si étrange où son père a soudain demandé à sa jeune femme, mère de trois enfants, de quitter la maison pour n'y plus revenir. Une tout autre vie a alors commencé pour la petite, une vie heureuse malgré tout, mais cet abandon habitera à jamais son imaginaire. Un texte fondamental dans la trajectoire littéraire de Nancy Huston.
Dans un pays situé quelque part au nord d'un continent puissant, naît un enfant très sensible, surdoué, inquiet. Quand son père quitte la maison, n'ayant plus en tant que pêcheur le droit d'exercer son métier sur un océan surexploité, le jeune Varian perd pied. Quelque temps plus tard, sans plus aucune nouvelle, il part à la recherche de ce père sacrifié, est embauché dans cet autre monde où le sol est sondé, retourné, bouleversé, le sable violenté comme les êtres.
Dieu, qui se prend sans doute pour un romancier, se livre ici au malicieux plaisir de nous montrer, au début de chaque chapitre, vers quel destin s'acheminent à leur insu douze convives qui passent ensemble une soirée de Thanksgiving dans l'Amérique profonde. Ces convives, campés avec l'autorité que leur donne une romancière rompue à l'art de révéler le vertige des pensées et la valse des sentiments, conversent sur la naissance et la mort, ils discutent de l'existence et de l'amour, ils déballent leurs espérances et leurs désillusions, et font voir, au passage, le métissage complexe de leur société. Mais le lecteur, averti du sort qui les attend, assiste à leurs manèges avec, dans sa conscience, le poids d'une vérité qu'il est incapable de leur transmettre. Peu à peu apparaît ainsi l'étrange relation que le roman entretient parfois avec notre propre vie. Dolce agonia confirme en même temps la souveraineté d'une romancière qui s'est imposée depuis quelques années déjà comme l'un des écrivains majeurs de notre littérature.
Roman «Lin danse dans la ville de Mexico. Ses pieds sont nus et son corps géant, plus grand que jamais. Elle est Cihuacoatl, la déesse aztèque des guerres et des enfantements. Elle sait tout, elle peut tout, rien ne l'arrêtera.» Lin est célèbre dans le monde de la danse. Elle aime Derek et, bientôt, les deux filles qu'elle obtient de lui la comblent de bonheur. Mais par la suite, du soir au matin, elle se retrouve accaparée par son rôle de mère, et se surprend à regarder passer les saisons. Elle se souvient que la danse était tout pour elle et réalise qu'elle l'est encore aujourd'hui. Créer, défier l'apesanteur, emplir l'espace. Soluble dans cette existence, elle est vulnérable, sauf lorsqu'elle danse. Alors elle part et cède aux avances du démon de la danse.
« Je pourrais naturellement dire «je suis écrivaine», ou «canadienne», ou «française» ou «femme», ou «vieille femme», «du xxe siècle», «athée», je peux dégoter plein d'adjectifs ou de substantifs qui correspondent à ce que les gens considèrent comme une «identité», mais je suis quelqu'un de très circonspect à l'égard de l'Identité. Alors j'aime répondre : «je suis mon chemin», à la fois suivre et être, bien sûr. En fait nous sommes tous notre chemin, bien plus que nous ne le croyons ! Il se trouve que le mien a été multiple, avec des bifurcations, des tournants, des zigzags et des imprévus ; il m'a menée dans des endroits très différents. Par conséquent je suis plusieurs, et quand on est plusieurs ça ajoute un «mais» à toutes les identités. » Nancy Huston ne serait peut-être jamais devenue l'écrivaine prolifique que nous connaissons si elle n'avait pas vécu ce « cadeau en mal » de la vie, à 6 ans, lorsque sa mère a quitté le foyer en laissant derrière elle ses trois enfants. À dater de cette rupture, la petite Nancy s'est réfugiée dans la compagnie de voix que l'on retrouve dans les personnages de ses romans. Née au Canada, elle s'installe en France à l'âge de 20 ans, côtoie de grands intellectuels et publie ses premiers textes dans les revues féministes des années 1970, avant de s'ouvrir à toutes formes d'écriture : romans et essais, théâtre et livres jeunesse. Régulièrement primés, ses livres explorent avec finesse l'exil, la famille, le nihilisme, l'identité multiple et, surtout, les liens complexes qui unissent drames intimes et grande histoire.
Entretiens menés par Sophie Lhuillier.
Artiste et reporter-photographe, Rena Greenblatt rejoint à Florence son vieux père et sa belle-mère pour une semaine de tourisme qui va virer au cauchemar. Après Lignes de faille (2006) qui lui a valu un grand succès et le prix Femina, Nancy Huston poursuit son exploration passionnée des liens et des déchirements familiaux, des codes féminin et masculin, des archétypes trompeurs et des vérités subversives.
Artiste et reporter-photographe, Rena Greenblatt rejoint à Florence son père Simon et sa belle-mère Ingrid pour une semaine de promenades parmi les splendeurs de la Renaissance. Mais l'idylle n'est pas au rendez-vous. Naguère scientifique brillant, Simon est désormais un homme fatigué à l'élocution hésitante, et sa femme - solide nature batave - semble peu réceptive aux chefs-d'oeuvre toscans. Le couple parental traîne la patte. Et Rena, toute au regret de Paris et de son jeune amant Aziz, s'impatiente. Alors lui viennent quantité de souvenirs, fantasmes et pensées secrètes qu'elle ne peut partager qu'avec Subra, son "amie spéciale", son double, son invisible confidente. Seule Subra sait à quels infrarouges réagit Rena : désir et déchirements de la maternité, beauté et liberté du sexe, émotion devant les corps masculins débarrassés de leurs oripeaux machistes, et que Rena adore photographier dans l'abandon de la jouissance.
Des chapitres vifs et brefs mêlent présent et passé, révoltes en banlieue parisienne (on est en octobre 2005) et insurrection intime, retours du refoulé - l'enfance émerveillée et endolorie, l'adolescence saccagée - et mirages de la clairvoyance. Ainsi, Infrarouge raconte deux voyages : celui, désopilant, de vacances ratées, et celui, plus sombre et passionné, qui explore les liens et les conflits familiaux, les codes féminin et masculin, les archétypes trompeurs et les vérités inavouées.
Deux femmes racontent deux femmes.
Passionnée par les thèmes qu'explorait nancy huston dans la virevolte, notamment celui du rapport entre maternité et création, le metteur en scène valérie grail a proposé à la romancière d'en faire une pièce. ensemble, les deux femmes ont élaboré cette "tragicomédie musicale" : l'histoire d'une soirée violente et drôle au cours de laquelle les deux sueurs adultes, angela (vingt-huit ans, comédienne) et marina (vingt-cinq ans, étudiante), marquées de façon différente par l'abandon de leur mère danseuse, confrontent pour la première fois les souvenirs liés à cette absence et les traces qu'elle a laissées en elles.
Depuis son lit d'hôpital, un vieux comédien voit sa vie défiler devant ses yeux et plonge dans sa mémoire.
Visages de l'aube : une romancière et une photographe abordent simultanément le thème de la venue au monde.
Nancy Huston met en scène une nuit de garde dans une maternité et raconte, en contrepoint, le suicide d'une adolescente. Valérie Winckler interroge avec une sensibilité magnifique le premier regard des nouveau-nés.
Pour Château La Coste, Prune Nourry a imaginé une sculpture monumentale, représentant une femme enceinte émergeant du paysage. Installation immersive et architecture écoresponsable, Mater Earth nous ramène aux origines de l'humain et aux mythes de création. Vision rare d'une oeuvre en train de se faire, porte ouverte sur le processus créatif, le livre met la sculpture Mater Earth en regard de tout ce qui l'a alimentée, formée, élevée.
Dans un royaume de fantaisie, Violaine grandit seule avec son père le roi. Princesse à l'abandon, c'est elle la fille poilue, qui se jette sur la nourriture à pleines mains, se régale de ses crottes de nez et de toute autre humeur corporelle...
Arrive un jour une douce marâtre, qui prend en main l'éducation de Violaine et la transforme en princesse irréprochable.
La nature étant ce qu'elle est, la fille poilue refusera de se taire et la gentille marâtre deviendra méchante, comme toutes les marâtres.
Dans ce conte pour adultes, Nancy Huston se joue des codes du genre et célèbre, avec autant d'humour que d'audace, l'acte créateur qui sublime la vie, à travers les thèmes qui tissent son oeuvre : l'émerveillement de l'amour et les plaisirs du sexe, la violence et la cruauté des rapports humains, le déterminisme qui entrave tout être ivre de liberté.
Guy Oberson se fait le complice délicat de cette histoire déjantée. Ses aquarelles et ses dessins se muent en fleurs pas du tout innocentes, se parent de roseurs lascives.
Fort McMurray, dans le nord de l'Alberta (Canada), est le Klondike d'une ruée vers l'or du XXIe siècle, ville-champignon au milieu d'un enfer écologique, où des travailleurs affluent de partout attirés par les promesses de boom économique. L'or qu'ils convoitent : les gisements de sables bitumineux, le pétrole le plus sale qui existe et qui est exploité au péril de la planète entière par les compagnies pétrolières comme Total. Nancy Huston est allée voir de ses propres yeux ce qui se passait dans son Alberta natale et a découvert, abasourdie, une dévastation qu'elle raconte ici en un cri de colère et d'indignation.
BRUT réunit également les voix de personnes qui ont vu la catastrophe de près : Naomi Klein, David Dufresne et Melina Laboucan-Massimo, une militante amérindienne qui se bat en première ligne.
Ce 29 juillet 1936, Lucy fête ses treize ans. Elle décide d'écrire dans son carnet tout ce qu'elle ne peut pas dire, son amour des mots, sa rébellion contre l'ordre familial et les convenances, son ambition pour plus tard. La crise économique sévit durement au Canada et si ce n'est pas encore la famine, personne ne mange vraiment à sa faim. Le pasteur Larson est généreux, il nourrit les malheureux et accepte d'héberger le docteur Beauchemin, malgré sa réputation. Lucy trouve bientôt un interlocuteur à sa mesure, plus même, un ami qui se confie...
Accompagnée par le célèbre musicien de jazz Claude Barthélémy, Nancy Huston revisite son roman Ultraviolet dans un livre-CD : elle le raconte et le chante. La musique fait vibrer ce récit intime, portrait troublant d'une jeune fille qui va être profondément bouleversée par une rencontre.
Quatrième volume de la collection " hb ", lisières présente un texte inédit de nancy huston s'inspirant des photographies de l'artiste roumain mihai mangiulea.
Le thème des mystérieuses photographies de mangiulea est le dévoilement furtif, la divulgation instantanée sitôt absorbée dans le mouvement de vie qui l'emporte. nancy huston nous donne à lire en écho le récit initiatique d'une fille-femme à l'orée de la vie, entre lisière et forêt.