Un enfant forcé d'apprendre le piano n'arrive pas à retenir le sens de « moderato cantabile » dans la sonatine de Diabelli. Venu du rez-de-chaussée, un cri déchire la leçon. Un homme a assassiné une femme d'une balle en plein coeur. Anne Desbaresdes, la mère du garçon, revient obsessionnellement au café où le crime a eu lieu pour s'enivrer et interroger un homme. Elle cherche à comprendre, ou à se perdre.
« - Veux-tu lire ce qu'il y a d'écrit au-dessus de ta partition ? demanda la dame.
- Moderato cantabile, dit l'enfant.
La dame ponctua cette réponse d'un coup de crayon sur le clavier. L'enfant resta immobile, la tête tournée vers sa partition.
- Et qu'est-ce que ça veut dire, moderato cantabile ?
- Je sais pas.
Une femme, assise à trois mètres de là, soupira. » M. D.
Le texte imprimé a paru aux Éditions de Minuit, en 1958.
« Dans un petit village d'Italie, situé au pied d'une montagne au bord de la mer, dans la chaleur écrasante du plein été, deux couples passent des vacances comme chaque été : Gina et Ludi, Jacques, Sarah et l'enfant. D'autres amis sont là, dont Diana. Ils se baignent, se parlent, s'ennuient...
Dans la montagne, au-dessus du village, un jeune homme a sauté sur une mine. Ses parents là-haut, veillent.
« Qu'est-ce qui manque à tous ces amis ? demande Diana.
- Peut-être l'inconnu, dit Sarah. » M.D.
« Vous devriez ne pas la connaître, l'avoir trouvée partout à la fois, dans un hôtel, dans une rue, dans un train, dans un bar, dans un livre, dans un film, en vous-même, en vous, en toi, au hasard de ton sexe dressé dans la nuit qui appelle où se mettre, où se débarrasser des pleurs qui le remplissent.
Vous pourriez l'avoir payée.
Vous auriez dit : il faudrait venir chaque nuit pendant plusieurs jours.
Elle vous aurait regardé longtemps, et puis elle vous aurait dit que dans ce cas c'était cher. » M.D.
La Maladie de la mort, éditions de Minuit, 1983 Le spectacle La maladie de la mort a été créé sur la scène du Théatre de la Madeleine le 6 juin 2006.
Mise en scène : Bérangère Bonvoisin
Monsieur andesmas, soixante-dix-huit ans, achète une maison pour sa fille valérie. il veut faire construire une terrasse qui domine la plaine, un village, la méditerranée. Il attend l'entrepreneur qui est en retard. le livre est la relation des évènements qui se passent entre quatre heures et demie et la tombée du jour. Durant tout cet après-midi pendant lequel monsieur andesmas attend. Réédité en tirage limité à l'occasion des trente ans de la collection l'imaginaire, L'après-midi de monsieur andesmas de marguerite duras est ici accompagné d'un cd, restituant les entretiens que l'écrivain accorda en 1974 et en 1980 à viviane forrester et jean-pierre ceton: l'intimité de l'écriture. la solitude de l'écrivain, le silence de la mémoire..., une voix unique. inoubliable.
« Ce sont des gens qui divorcent, qui ont habité Évreux au début de leur mariage, qui s'y retrouvent le jour où leur divorce est prononcé. Tous les deux dans cet hôtel de France pendant une nuit d'été, sans un baiser, je les ferais parler des heures et des heures. Pour rien d'autre que pour parler. Dans la première partie de la nuit, leur ton est celui de la comédie, de la dispute. Dans la deuxième partie de la nuit, non, ils sont revenus à cet état intégral de l'amour désespéré, voix brisées du deuxième acte, défaites par la fatigue, ils sont toujours dans cette jeunesse du premier amour, effrayés.» M. D.
Savannah Bay, variations recueille des documents sonores inédits captés par Philippe Proust, retrouvés et présentés par Marie-Pierre Fernandes, spécialiste de Marguerite Duras qui a participé à sa création de Savannah Bay, accueillie triomphalement en 1983 au théâtre du Rond-Point, et assisté l'autrice pour les Lectures (1984) et La Musica deuxième (1985).
Ces enregistrements exclusifs font entendre la lecture par Marguerite Duras d'une scène primitive de la pièce Savannah Bay suivie de deux répétitions sous sa direction avec Madeleine Renaud et Bulle Ogier. Elle lit ensuite « L'Exposition de la peinture », poignant hommage à son scénographe, le peintre argentin Roberto Platé diffusé lors de l'exposition de ses toiles au théâtre du Rond-Point, en 1987 « C'est pendant l'été d'un pays du nord. C'est la fin d'un jour, juste avant la nuit. Vous voyez ? Mais déjà quand elle s'annonce, que la lumière s'allonge, illuminante, avant de s'éteindre. » M. D.
Le CD est avec un livret de présentation de 32 pages de Marie-Pierre Fernandes.
Musique : Adagio du Quintette à cordes en ut majeur, D. 956, opus 163, Franz Schubert, interprété par le Quatuor Aviv, production Naxos.
Pendant l'été 1980, Marguerite Duras écrit des chroniques hebdomadaires sur « l'actualité parallèle » pour le journal Libération. Elle décide de les publier en livre. Depuis son appartement des Roches Noires, au-dessus de la plage de Trouville, elle décrit des anecdotes choisies, typiques de la vie balnéaire. Un jour, elle voit au loin un enfant marchant aux côtés d'une monitrice de colonie de vacances. "La Jeune Fille et l'enfant" est l'histoire d'amour fou qui la saisira à cette vue, un amour impossible, « peut-être la plus belle histoire d'amour que j'aie écrite », dira-t-elle.
« Sur le chemin de planches passe la jeune fille de la plage.
Elle est avec l'enfant. Il marche un peu à côté d'elle, ils vont lentement, elle lui parle, elle lui dit qu'elle l'aime, qu'elle aime un enfant. Elle lui dit son âge à elle, dix-huit ans, et son nom. Il répète ce nom. Il est mince, maigre, ils ont le même corps, la même démarche lasse, longue. Sous le réverbère elle s'est arrêtée, elle a pris son visage dans sa main, elle l'a levé vers la lumière, pour voir ses yeux, dit-elle, gris. Tu es l'enfant aux yeux gris. » M. D.
Ces entretiens entre Marguerite Duras et François Mitterrand ont été enregistrés de juillet 1985 à avril 1986, à l'initiative de Michel Butel, directeur de L'Autre Journal qui, dès qu'ils ont été décryptés, les a publiés dans son hebdomadaire avec des photographies de Marie-Laure de Decker.
Début 2006, à l'occasion du dixième anniversaire de la mort de Marguerite Duras, France Culture diffusait ces entretiens, et les Éditions Gallimard en réunissaient les textes, légèrement remis en forme, dans un livre préfacé par Mazarine Pingeot intitulé Le bureau de poste de la rue Dupin et autres entretiens. Il nous semble que l'édition de la version originale, orale, diffusée par France Culture, s'impose aussi.
La rencontre de ces deux amis de jeunesse évoquant la Deuxième Guerre mondiale, conversant sur l'Afrique ou sur les États-Unis, avec leurs silences, leurs intonations, leur maîtrise orale de la langue française apporte une vie et un éclairage complémentaire au texte écrit.
Un homme, une femme, six tableaux, six rencontres, un secret en partie oublié, l'attente d'un événement terrible, une histoire d'amour qui se dit à sens unique... tandis que le temps passe. À l'ironie implacable et subtile de la nouvelle d'Henry James, s'ajoute la limpidité de l'adaptation théâtrale de James Lord, laissant discrètement entrevoir la force du non-dit, implicite ou nié. Le secret et la révélation, la conscience de soi et la perception de l'autre, le souvenir et l'oubli.
Mise en scène de Jacques Lassalle Musique : Jean-Charles Capon Théâtre de la Madeleine (2004)