Les Argonautes, c'est d'abord une histoire d'amour. Deux êtres qui se rencontrent et tombent éperdument amoureux. Leur amour grandit, leurs deux corps se transforment, et avec leurs mutations d'autres grandes questions résonnent : qu'est-ce que la maternité ? Comment se construit le genre ? Comment vivre et penser la marge en construisant une famille ?
À la lisière de l'essai et de l'autofiction, Les Argonautes est à la fois amusant et indigné, souvent emporté, toujours brillant. Maggie Nelson nous y présente les penseurs qui l'ont aidée à vivre, Judith Butler, Susan Sontag, Gilles Deleuze ou Roland Barthes. Elle parvient à mêler histoire intime et réflexion, livrant un texte à nul autre pareil, brillant et solaire. Au fil de ses lectures, elle nous emmène en Floride sur la plage, au cabaret burlesque, dans une université de New York, dans le bureau d'un shérif en Californie, à la très kitsch chapelle de Hollywood... Et surtout, elle s'assure que nous ne verrons plus jamais de la même façon le mystère de la fabrication d'un corps par un autre.
«Pourquoi ne pas accepter que la longue et glorieuse carrière de la liberté touche à sa fin, que notre obsession continuelle à son égard reflète plutôt une pulsion de mort ? 'Ta liberté me tue !' proclament les pancartes des manifestants pendant la pandémie ; 'Ta santé n'est pas plus importante que ma liberté !' s'égosillent en retour les militants anti-masques».
Dès l'ouverture de son livre, Maggie Nelson souligne cette contradiction au centre de tous les débats actuels entre le soin (care) et la liberté. Quelle notion plus caractéristique des oppositions à l'oeuvre dans nos sociétés que celle de liberté, idéal revendiqué comme un cri de ralliement, par des camps que tout oppose ? La liberté reste-t-elle la clé de notre autonomie, de notre justice, de notre bien-être, ou représente-t-elle la fin d'une étoile qui a trop longtemps brillé ? L'obsession collective pour la notion de liberté est-elle toujours synonyme d'émancipation, ou d'un nihilisme de plus en plus profond (ou les deux) ? Comment expliquer que la liberté soit désormais l'étendard du populisme et du puritanisme ?
Dans son nouvel essai, De la liberté, Maggie Nelson nous offre, en s'appuyant sur un vaste corpus, de la théorie critique à la culture populaire, une manière de penser et d'interroger notre propre liberté. Dans la lignée des Argonautes et de son écriture à la fois réflexive et intime, nous retrouvons toute la singularité de celle qui est devenue, au fil des années, une icône de la pensée. Elle convoque et déconstruit les débats du monde de l'art, l'héritage complexe de la libération sexuelle, les douloureux paradoxes de l'attrait du désespoir face au changement climatique. Passionnant, déroutant, nuancé et courageux, De la liberté confronte le lecteur à ses propres contradictions.