Il n'est pas exagéré de dire qu'en France, la laïcité instituée par la loi de 1905 n'est pas un long fleuve tranquille. On croit le débat apaisé, terminé même, et de nouveau il rebondit, souvent là où on ne l'attendait pas. Comment expliquer tant de conflits, de malentendus, de haines parfois ? Sans quitter le terrain du débat social, Jean Baubérot propose une lecture d'historien et de sociologue pour comprendre l'origine d'une « passion française », puis ses rebondissements au cours d'un siècle, et enfin ses querelles qui ne sont toujours pas vidées. N'en déplaise à ceux qui voudraient en faire une idée éternelle, une statue figée dans le marbre de la loi de 1905, il montre en particulier que l'objet « laïcité » est une réalité vivante, complexe, toujours recommencé, en proie aux contradictions de l'histoire et peut-être même à l'usure du temps. Dès le départ, le « camp laïc » était divisé sur l'interprétation et la portée de la loi, et ce ne sera pas sans conséquences. A-ton ensuite assez tenu compte des droits de l'homme ? La laïcité ne s'est-elle pas elle-même laïcisée en cours de route ? N'est-elle pas atteinte, comme les religions, par l'individualisme de notre époque ? Ce sont au moins des questions qu'on doit poser. Mais essoufflement ne signifie pas fin. Au contraire, une prise en compte des questions nouvelles pourrait renforcer l'universalité de cette « exception française ».
Le livre de Baubérot contient beaucoup d'informations historiques, sociologiques, culturelles, et à ce titre il est très intéressant. Ce n'est pas un livre d'histoire de la laïcité. Il traite plutôt certaines périodes charnières.
L'auteur fait partir de ceux qui souhaitent « réformer » la laïcité française, et il débat, par conséquent, tout au long du livre, avec les tenants d'une sorte de forme pure de laïcité, qui serait la seule solution possible pour régler le problème des religions dans l'État.
la laïcité n'est pas une " exception française ".
elle n'est pas plus un " pur concept " intemporel. il existe des laïcités dans le monde qui résultent de processus historiques divers, de fondements philosophiques pluriels et correspondent à des réalités sociales, culturelles et politiques elles-mêmes variées. cela ne signifie nullement que ces laïcités soient équivalentes mais implique, dans chaque situation, qu'un seuil minimal de laïcité ait été franchi.
dans le contexte d'une troisième mondialisation, qui n'est plus une occidentalisation, cet ouvrage vulgarise des travaux très peu connus pour nous inviter à penser une géopolitique de la laïcité et en mieux saisir les enjeux.
D'un côté, partout dans le monde la sécularisation s'accélère ; de l'autre, les religions manifestent une forte vitalité : telle semble la contradiction de ce temps. Ce livre éclaire, à l'échelle mondiale, ces phénomènes mêlés de sécularisation et de réveil religieux. Mais il montre aussi la puissance de " laïcisation " partout à l'oeuvre, avec la démocratie et les droits de l'homme, l'individualisme, le consumérisme... Dans bien des régions du monde, les États prennent des mesures constitutionnelles pour mettre fin au poids d'une religion officielle et permettre le pluralisme religieux ; ils donnent les mêmes droits à toutes les religions ; ils refusent les vetos religieux qui voudraient brider les libertés collectives et individuelles. Mais en même temps que cette " laïcisation ", ils s'efforcent d'entretenir de bonnes relations avec les religions, en leur accordant des avantages matériels et parfois des droits nouveaux. Au-delà des apparences, cet ouvrage de référence éclaire ces mutations religieuses et laïques en cours dans le monde entier dès lors que les libertés démocratiques sont respectées.
Jean Baubérot a été le premier titulaire de la Chaire d'Histoire de la laïcité à l'EHESS. Ses nombreux travaux sur la laïcité font autorité en France et à l'étranger.
Micheline Milot, professeure à l'Université du Québec à Montréal, experte auprès du Conseil de l'Europe, est auteure de plusieurs ouvrages sur la religion, l'éducation et la laïcité.