Eros et libido, sexe et genre : Les mots se succèdent depuis un peu plus d'un siècle pour dire la dualité et le rapport entre hommes et femmes.
Si l'on cherche l'objet philosophique, on trouve l'expression " différence des sexes ", " Geschlechterdifferenz " sous la plume hegelienne. Quant au genre, ce mot fait le pari de brouiller les pistes des représentations contraintes qui assignent chaque sexe à sa place. Et si, toute terminologie confondue, on s'en tenait à ce que la " différence des sexes " est une catégorie vide ? Alors, on se situerait " à côté du genre ", à côté des affaires de définition et d'identité, pour établir le repérage des lieux où sont pensés les sexes, dans leur tension, leur décalage, leur disparité au regard du contemporain démocratique.
Au fond, la démarche est inversée : il ne s'agit pas de voir ce qu'il en est du sexe et du genre, mais de dire ce qui surgit dans la pensée quand égalité et liberté révèlent des enjeux sexués dans la politique et la création, l'économique et le corps, la pensée et l'agir.
Si, à la suite du mouvement #MeToo, la prise de parole des femmes s'est exprimée avec une ampleur inattendue, aujourd'hui à qui incombe concrètement tant la charge matérielle que mentale du « service domestique » ?
Cette nouvelle édition de l'ouvrage précurseur de Geneviève Fraisse retrace la généalogie de la notion de service - de la domesticité au paradigme du care, de la question de l'emploi et de la hiérarchie sociale entre femmes à celle de la solidarité, du service « à la personne » à la construction d'une société commune aux deux sexes.
Rendre au mot de « service » toute sa polysémie, analyser l'histoire du travail des femmes et de leur émancipation à travers une pensée de l'égalité et de la justice, telle est la grande originalité de ce livre.
Honni par une droite réactionnaire qui se cherche une identité, célébré par une gauche intellectuelle qui a pourtant tardé à en entreprendre l'étude, le genre fait toujours polémique. En désaccord avec les uns et les autres, Geneviève Fraisse s'emploie à explorer cette promesse conceptuelle soucieuse d'un nouvel objet philosophique en construction, dans la droite ligne de ses travaux sur l'émancipation des femmes et l'égalité des sexes.
Il sera question de vérité, où l'Un, le Deux et le Multiple font face à l'exigence « queer » qui cherche à se définir. « Genre » est un mot en excès, car la question qu'il traite - l'égalité des sexes et la sexualité humaine - déborde toujours l'ordre établi.
« L'émancipation des femmes a suivi deux chemins parallèles et distincts au lendemain de la Révolution française, et au commencement du débat démocratique : celui du «pour toutes» et celui du «pour chacune». Le premier menait aux droits civils et civiques, citoyenneté, éducation, emploi, responsabilité individuelle, autonomie sociale. Le second ouvrait la voie à la liberté de créer, de penser, d'écrire, de partager avec les hommes les lieux de la jouissance intellectuelle et artistique. C'est sur le deuxième chemin, emprunté par ce livre, que j'ai voulu arpenter la suite de l'Histoire.
La suite de l'Histoire, pour une femme artiste, ce n'est pas seulement la conquête de droits et la transgression des contraintes établies, c'est aussi la construction de pratiques nouvelles et le déplacement des repères obligés. L'égalité, c'est encore la liberté de trouver de nouvelles formes de création. Et c'est pourquoi, sans s'arrêter à l'identité sexuelle ou à la visibilité sociale, ce qui est en jeu, ici, c'est d'abord et avant tout leur production. »