D'où tu parles ? : l'interjection bien connue des amphis de 1968 se trouve ici prise au sérieux, comme une invitation à dire non un état ou une situation, et moins encore un bilan, mais une trajectoire, une dynamique. Forte d'une oeuvre philosophique qui déploie les enjeux de la pensée féministe, Geneviève Fraisse relie ses différents points d'articulation - la redécouverte des révolutionnaires de 1848, les rapports femmes/raison, l'historicité des sexes, les notions de genre , de consentement ou d' habeas corpus - et ses résonances biographiques ou implications pratiques, avec le MLF d'abord et jusqu'au Parlement européen. Elle met ainsi en relief une conception de la recherche visant, loin des solutions toutes faites, à augmenter le problème .
« Le féminisme, ça pense ! » Ce livre rassemble des entretiens et des articles écrits par Geneviève Fraisse et parus dans divers journaux et revues depuis les années 1970, mettant ainsi en lumière la pensée féministe et ses évolutions. « Les sexes font l'histoire », observe la philosophe, qui nous rappelle que c'est dans l'histoire en acte que les questions théoriques du féminisme ont pris et continuent d'avoir des chances de prendre forme.
Les femmes ont changé le Code civil, lutté pour s'imposer dans l'espace politique, franchi des interdits non explicites comme passer le baccalauréat ou reconnaître la multiplicité des sexualités. Mais, même si les droits civils et politiques se sont égalisés, si les droits économiques ont été énoncés et l'égalité dans la famille pensée et actée, le réel est encore loin de pratiquer l'égalité des sexes, comme on le redécouvre à chaque nouveau « scandale ». Geneviève Fraisse revient sur l'ensemble de ces enjeux et de ces luttes, jusqu'à ce qui se dessine aujourd'hui autour du corps des femmes, du corps reproducteur (PMA, GPA et filiations nouvelles) au corps sexuel (violences, du harcèlement au viol). Une pensée d'une brûlante actualité.
Édition revue et augmentée d'un avant-propos inédit de l'autrice.
Sartre écrit, dans Plaidoyer pour les intellectuels, que l'intellectuel est perçu comme celui qui se mêle de ce qui ne le regarde pas, quand Beauvoir - cela saute aux yeux - se mêle de ce qui la regarde, dans ses livres sur le Deuxième Sexe et sur la Vieillesse. Depuis quelques décennies, la question sexe/genre a réussi à s'imposer comme problème théorique, et par conséquent comme champ de recherche, lieu d'explorations, de théories. Mais aucune position de surplomb n'est enore possible parce que l'objet de pensée échappe sans cesse à la sérénité académique, parce que le sujet de pensée doit défendre encore sa légitimité scientifique. Comment penser l'égalité des sexes ? Être un « être de raison » fut contesté au sexe féminin depuis Fénelon et la fin du xvii e siècle. Face à cette exclusion de la pensée, Geneviève Fraisse s'est construite en résistance à une ritournelle négative. La philosophie est le bastion le plus solide, parce que le plus symbolique, d'une suprématie masculine. On reconnaît plus facilement l'historienne que la philosophe, et à travers le parcours de l'autrice, c'est celui de toute une génération qu'on saisit. Le féminisme qui ressurgit au lendemain de mai 68, persuadé d'inventer l'Histoire, reprend un fil déjà ancien, celui du « nous » les femmes de 1830, saint-simoniennes, qui inaugure une dynamique d'émancipation féministe qui va jusqu'à #metoo. Notre xxi e siècle parle du corps politique, collectif, impensé du contrat social et de nos démocraties. C'est un pas de plus dans la représentation de ce qui a bloqué l'émancipation des femmes, donc l'égalité des sexes.
Si, à la suite du mouvement #MeToo, la prise de parole des femmes s'est exprimée avec une ampleur inattendue, aujourd'hui à qui incombe concrètement tant la charge matérielle que mentale du « service domestique » ?
Cette nouvelle édition de l'ouvrage précurseur de Geneviève Fraisse retrace la généalogie de la notion de service - de la domesticité au paradigme du care, de la question de l'emploi et de la hiérarchie sociale entre femmes à celle de la solidarité, du service « à la personne » à la construction d'une société commune aux deux sexes.
Rendre au mot de « service » toute sa polysémie, analyser l'histoire du travail des femmes et de leur émancipation à travers une pensée de l'égalité et de la justice, telle est la grande originalité de ce livre.
Eros et libido, sexe et genre : Les mots se succèdent depuis un peu plus d'un siècle pour dire la dualité et le rapport entre hommes et femmes.
Si l'on cherche l'objet philosophique, on trouve l'expression " différence des sexes ", " Geschlechterdifferenz " sous la plume hegelienne. Quant au genre, ce mot fait le pari de brouiller les pistes des représentations contraintes qui assignent chaque sexe à sa place. Et si, toute terminologie confondue, on s'en tenait à ce que la " différence des sexes " est une catégorie vide ? Alors, on se situerait " à côté du genre ", à côté des affaires de définition et d'identité, pour établir le repérage des lieux où sont pensés les sexes, dans leur tension, leur décalage, leur disparité au regard du contemporain démocratique.
Au fond, la démarche est inversée : il ne s'agit pas de voir ce qu'il en est du sexe et du genre, mais de dire ce qui surgit dans la pensée quand égalité et liberté révèlent des enjeux sexués dans la politique et la création, l'économique et le corps, la pensée et l'agir.
Honni par une droite réactionnaire qui se cherche une identité, célébré par une gauche intellectuelle qui a pourtant tardé à en entreprendre l'étude, le genre fait toujours polémique. En désaccord avec les uns et les autres, Geneviève Fraisse s'emploie à explorer cette promesse conceptuelle soucieuse d'un nouvel objet philosophique en construction, dans la droite ligne de ses travaux sur l'émancipation des femmes et l'égalité des sexes.
Il sera question de vérité, où l'Un, le Deux et le Multiple font face à l'exigence « queer » qui cherche à se définir. « Genre » est un mot en excès, car la question qu'il traite - l'égalité des sexes et la sexualité humaine - déborde toujours l'ordre établi.
« L'émancipation des femmes a suivi deux chemins parallèles et distincts au lendemain de la Révolution française, et au commencement du débat démocratique : celui du «pour toutes» et celui du «pour chacune». Le premier menait aux droits civils et civiques, citoyenneté, éducation, emploi, responsabilité individuelle, autonomie sociale. Le second ouvrait la voie à la liberté de créer, de penser, d'écrire, de partager avec les hommes les lieux de la jouissance intellectuelle et artistique. C'est sur le deuxième chemin, emprunté par ce livre, que j'ai voulu arpenter la suite de l'Histoire.
La suite de l'Histoire, pour une femme artiste, ce n'est pas seulement la conquête de droits et la transgression des contraintes établies, c'est aussi la construction de pratiques nouvelles et le déplacement des repères obligés. L'égalité, c'est encore la liberté de trouver de nouvelles formes de création. Et c'est pourquoi, sans s'arrêter à l'identité sexuelle ou à la visibilité sociale, ce qui est en jeu, ici, c'est d'abord et avant tout leur production. »
Toutes les femmes sont citoyennes, quelques femmes sont artistes. La citoyenne et l'artiste sont-elles les semblables des hommes ? Oui. Tout autant concernées par la politique et par l'art ? Oui.
Au commencement de l'ère démocratique, initiée par la Révolution française, ces affirmations furent pourtant sources de débats et de polémiques : aux femmes la famille plutôt que la cité, la muse plutôt que le génie, arguaient bien des hommes qui n'étaient pas tous réactionnaires. Deux cents ans après, nous en discutons encore.
L'ouvrage revient sur les conséquences de ce moment fondateur. Il rend compte du travail sans fi n de la démonstration de l'égalité, dans une « démocratie exclusive » où chacun - donc chacune - peut théoriquement se voir individu, sujet, citoyen, créateur, un, une parmi tous et toutes. De Poulain de la Barre, philosophe du XVIIe siècle, à Jacques Rancière, penseur contemporain, avec Virginia Woolf comme avec Simone de Beauvoir, les textes réunis ici montrent à quel point ces questions demeurent essentielles pour la modernité : celle de la jouissance revendiquée, celle de la stratégie subversive, celle de la mesure de l'émancipation des femmes, celle du féminisme comme dérèglement de la tradition occidentale.
Ce livre réunit des textes parus dans la presse (L'Humanité, Libé, Politis, Le Monde, Regards, Le Nouvel Obs.), ou dans des revues (Vacarme, Réfractions, Cahiers du genre, Mouvements, Revue de l'OFCE, Non fiction...) depuis trente-cinq ans. Il est une sorte de double-témoin : de la pratique et de la théorie ainsi que de leurs rencontres répétées, mais aussi de ce que, à tous les étages de la question féministe, la pensée est convoquée.
Au début des années 1970, il y avait les slogans féministes, le jour - nal Le torchon brûle et une figure de référence, Simone de Beauvoir.
Comme dans l'histoire passée, les féministes passaient pour des agitées et l'intellectuelle se déclinait au singulier. Geneviève Fraisse appartient à la génération qui a mis la figure de la femme intellectuelle au pluriel, en nombre.
Autour de Jacques Rancière et de la revue Les Révoltes logiques, elle se fait historienne des idées d'émancipation, démontrant que cette histoire était réfléchie par les actrices elles-mêmes. Il s'en suit alors que les femmes font l'Histoire.
À son entrée au CNRS, en 1983, elle poursuit la généalogie de la pensée féministe, notamment celle qui se déploie à l'ère démocratique.
Et puis, la pratique de la généalogie redoublait, comme en écho, les questions d'actualité féministe. Celles-ci se sont égrenées des années 1970 à aujourd'hui : réflexion sur le collectif politique du mouvement des femmes, sur le féminisme au temps de la gauche, sur le débat autour de la parité. Vint alors le moment, inattendu, des charges politiques où les textes sont aussi des interventions directement liées à l'agenda des institutions ou des medias.
La quasi totalité de ces articles et, bientôt, des entretiens répondent à des sollicitations des quotidiens ou des revues à celle qui tentait de suivre dans son travail d'analyse de la pensée féministe l'histoire en train de s'écrire.
Le mot de mixité désigne, à l'origine, l'instruction et l'éducation dispensées en commun aux garçons et aux filles. Revenons sur cette évidence de la mixité scolaire ; regardons ce mélange des deux sexes pendant l'enfance et l'adolescence il est fait de clarté et d'obscurité. Est-il à l'image d'une vie future, miroir de la réalité sociale, ou est-ce un privilège du temps et de l'espace de l'enfance ? Qu'est-ce que la mixité : un progrès, une expérience, une valeur républicaine, un plaisir ? En tous les cas, le mot a fait fortune, pour désigner d'autres mélanges, mixité sociale, mixité urbaine...
L'europe est un terrain d'expériences.
Ces expériences prennent des formes anciennes, saltimbanques qui ignorent les frontières, langues qui coexistent sur des territoires entremêlés, traditions familiales ou laborieuses distinctes dans des pays voisins. l'europe n'est pas neuve ; seules ses institutions, parlementaires ou administratives sont des inventions récentes. loin de la recherche d'une identité ou âme européenne qui unifierait on ne sait quoi, ces chroniques radiophoniques ont cherché à tisser des références historiques avec l'actualité multiple.
Bribes de questions sur ces êtres européens, immigrés ou philosophes, artistes ou politiques, sexes réels ou figures littéraires ; morceaux d'enjeux politiques sur les biens et les services, les traductions et les échanges, les lois des uns et les résistances des autres. telle est l'europe des idées : de la matière d'idées sans dessein d'ensemble, de la multiplicité d'idées sans contradictions simples.
Les chroniques ici rassemblées ont été produites par france culture. geneviève fraisse fut invitée à les réaliser alors que son mandat de parlementaire, comme membre de la gauche unitaire européenne (gue), s'achevait au printemps 2004. " touriste en démocratie " fut écrit en point final d'un " service politique " commencé en 1997 comme déléguée interministérielle aux droits des femmes.