Flora Tristan, qui porte la voix des exclus du monde tant elle concentra sur elle tous les malheurs possibles, est l'une des mères du féminisme moderne. Un féminisme concret, pratique, comme en témoigne ce texte de 1835 qui prône l'entraide parmi les femmes.
«Cette ville est un monstre, aux membres gigantesques et dont la tête n'est pas plus grosse que celle d'une fourmi. Laissez-moi vous formuler mes idées dans un bon livre - il y en a un à faire et je le ferai.» (Lettre à Olympe Chodzko, juillet 1839) Contemporaine de George Sand, grand-mère de Paul Gauguin, Flora Tristan (1803-1844) est l'une des premières figures féministes et socialistes de son temps. Sous le titre Promenades dans Londres, elle a dressé en 1840 un portrait sévère des conditions de vie des habitants de la capitale anglaise.
L'Union Ouvrière est l'oeuvre maîtresse de Flora Tristan, publiée grâce à une souscription qui la conduisit à un porte-à-porte militant auprès de personnalités comme de simples travailleurs et travailleuses. Pour faire entendre cet appel à la constitution de la classe ouvrière, elle accomplit un tour de France où son enthousiasme généreux est mis à rude épreuve et au bout duquel, seule et épuisée, elle meurt, à quarante et un ans. L'Union ouvrière est le premier manifeste politique cohérent d'une femme qui ne dissocie pas la lutte des femmes de la lutte ouvrière. C'est aux plus démunies, aux plus exploitées d'entre elles qu'elle adresse cette apostrophe qui nous touche encore aujourd'hui : « Mes soeurs, je vous jure que je vous délivrerai. » C'est aussi, quelques années avant Marx et Engels, l'un des premiers appels à l'union internationale de la classe ouvrière.