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Des Femmes
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Un texte phare sur l'enfermement psychiatrique.
Une réédition en poche pour redécouvrir un texte emblématique des années 1970 sur l'internement psychiatrique des femmes.
Marie-Anne Le Rozick, alias Emma Santos, décrit avec force son parcours douloureux, son désir d'enfant irréalisable et la violence de l'internement en asile psychiatrique. Dans un style incandescent, elle revient sur sa rupture amoureuse, empreinte de domination masculine et de violence ainsi que sur sa naissance à l'écriture.
Ses écrits où convergent langage et matière charnelle, explorent des thématiques taboues pour l'époque, comme l'avortement, et sont rejetés par de nombreux éditeurs. Elle s'accroche pourtant à ses textes - l'écriture est une voie d'émancipation et sa bouée de sauvetage - qui font exploser les poncifs autour de la « folie », quitte à tuer Emma S., nom d'emprunt donné par son ex-mari.
Les éditions des femmes-Antoinette Fouque poursuivent, avec la réédition de J'ai tué Emma S. en poche et celle de La Malcastrée en 2022, leur travail éditorial autour de l'oeuvre d'Emma Santos, écrivaine majeure dont les écrits emblématiques et poignants sont d'une modernité éblouissante !
À cet instant où il n'est pas venu le 2 juillet 1975 au rendez-vous du psychiatre, j'ai tué Emma S., écrivaine avec un nom imposé par l'Homme, son nom à lui, femme littéraire et psychiatrique, femme de papier sur les livres et sur les dossiers médicaux, femme inventée par jeu et j'y croyais. J'ai tué Emma S. pour rechercher une femme nouvelle, une femme pas encore née, prendre mon nom de renaissance... E.S. -
On est au début des années 1970. La Malcastrée raconte, en la faisant remonter à l'enfance, la maltraitance exercée par les institutions psychiatriques. Celle-ci est illustrée de manière saisissante par le sort d'enfants trisomiques que la narratrice est chargée d'attacher à leurs sièges toute la journée... Avant qu'elle ne retourne la situation en les détachant tous, libérant leurs mouvements au risque de sa propre vie. Ainsi se succèdent des moments-limites, traversés dans la souffrance et dans une solitude impitoyable.
Au rythme d'une écriture pulsionnelle, l'autrice décrit les traitements chimiques destructeurs, les avortements forcés, l'abandon par l'homme aimé, l'interdit d'écrire. Et finalement l'expulsion, une forme douloureuse de libération, payée très cher par le suicide d'une compagne d'infortune. Emma Santos qualifie son deuxième livre de témoignage, « écrit avec beaucoup de rage et de révolte ».
« La Malcastrée a été écrite moitié dehors, moitié dedans, entre deux opérations, entre les rues de Paris et les hôpitaux, dans le silence, demi-honteuse, toujours triomphante, entre la réalité et le rêve. Les mots sont étroitement liés à mon corps, à ma maladie.
Je n'ai jamais envié une bonne santé. Et pourtant j'écrivais déjà avant la maladie, dans l'enfance. Un geste, ce geste, l'acte, rejeter.
Il n'y avait pas cette tentative littéraire. Cette tentative exhibitionniste. Se reconstruire avec des mots. Se reconstruire en espérant surtout ne jamais y arriver. La Malcastrée, c'est déjà si vieux. 1971. La recherche du comment. Le système des mots, comment on y entre. Écrire comme on meurt ou écrire quand on ne meurt pas. » E.S.
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À partir d'un découpage-montage de ses livres, Emma Santos dit, crie, psalmodie, donne corps et voix à son théâtre intérieur dont il a été longtemps prescrit - assignation à résidence - qu'il ne sortirait pas de la scène psychiatrique.
Le Théâtre d'Emma Santos a été donné au Nouveau Carré Sylvia Montfort en décembre 1976, janvier et février 1977 par les ateliers Claude Régy. Emma Santos y a interprété son propre personnage.
« Je bouge, gesticule, je me désarticule. Je suis en carton-pâte. Je vois chaque partie de mon corps détachée, nette, découpée, précise, isolée, séparée des autres: le nez, la bouche, l'oeil, l'autre. Je répète : la bouche, le nez, l'oeil, l'autre. Les mots n'ont pas de sens. Ils ne représentent plus rien. Des sons seulement. Cri. » E. S.
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Dans ce texte d'une grande teneur poétique, Emma Santos met en scène Hermine, un personnage surréaliste qui ressemble à Nadja, et raconte son histoire d'amour tumultueuse avec un homme plus âgé qu'elle.
« Elle rit, elle pleure dans un mouchoir fin de Bruges, elle se tord les seins et gémit, sanglote parce qu'elle a été dans les robes extravagantes à côté de son corps d'adolescente. Elle rêve à des cavales noires laissant sa maison en foudre blanche et les tableaux de maître Berznidam. Les songes sont filles des nuages. Son oreiller mouillé de sueur. Elle n'a pas le courage de recoudre un chausson de danse. Elle fait miroiter les mots dans sa main. Elle regarde sa glace et voit une licorne blanche. Elle détruit et casse ses mille miroirs obsédants avec son image à l'infini et murmure : "ne me laisse pas perdre..." » E.S.
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« Pour avoir vécu ma littérature j'ai été internée, droguée, piquée, humiliée, censurée, déshabillée, violée pendant six ans. En regardant la loméchuse aujourd'hui, je n'ai pas d'amertume pour le monde de la médecine, mais une tête d'oiseau avec un drôle de sourire de chat. » E.S.