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Longtemps, au mot de « communarde » on a préféré celui de « pétroleuse », qui pourtant est une fiction. Une flétrissure misogyne qui raconte d'abord la façon dont on a dévalué, disqualifié et réprimé les femmes engagées dans la Commune de Paris au printemps 1871. En pionnière, Édith Thomas s'est attachée en 1963 à faire sortir de l'ombre ces femmes mobilisées pour la révolution sociale. Chartiste, elle a fouillé des archives fragiles et lacunaires, et excavé des traces qui n'avaient jamais été regardées comme des objets légitimes. En débusquant ce stigmate qui charrie une foule de représentations sur la violence féminine, et euphémise l'épaisseur politique de leur lutte pour déplacer les frontières de l'émancipation, l'autrice n'a pas seulement élargi l'histoire de la Commune de Paris. Elle a aussi enrichi l'histoire des féminismes.
Figure centrale de la Résistance intellectuelle sous Vichy, qui fit elle-même les frais d'une puissante invisibilisation, Édith Thomas restaure les femmes de 1871 dans une souveraineté proprement politique, aux antipodes de cette image d'hystériques du baril à quoi les ont longtemps reléguées les récits habituels ou virilistes de la Commune de Paris.
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4 octobre [1940] Les premières mesures contre les Juifs : le recensement. J'en pleurerais. J'en pleurais presque cet après-midi chez le dentiste qui m'en parlait - avec indignation : « Comment est-ce possible, chez nous, en France ? » J'ai l'impression que toutes ces mesures soulèvent de dégoût même les plus réactionnaires. Peut-être y aura-t-il quelque chose à faire un jour contre tout cela. Quand même. Vivre pour cela. Et c'est tout. Édith Thomas (1909-1970) fut un des acteurs déterminants de la résistance intellectuelle durant l'Occupation. Cheville ouvrière des Lettres françaises, elle publie ses Contes d'Auxois aux Éditions de Minuit clandestines et trois de ses poèmes paraissent sous le nom d'Anne dans l'anthologie L'Honneur des Poètes. Sa rigueur, sa lucidité prémonitoire, sa formation d'historienne (issue de l'École des Chartes, elle fut conservateur aux Archives nationales jusqu'à la fin de sa vie), font de son Journal et du Journal intime de Monsieur Célestin Costedet - régal de méchanceté vengeresse qu'elle tint d'octobre 1940 à mai 1941 et que nous publions en seconde partie de cet ouvrage -, des témoignages de tout premier ordre. Les deux, écrits au jour le jour, dépendent des mêmes contingences temporelles et leur lecture simultanée se révèle passionnante et riche d'enseignements.